vendredi 21 août 2020

Laprise- Mercier - Trépanier Louis XIV Conditions de vie des marins et colons français - Les Recrutements partie 1

Laprise-Mercier - Trépanier -
Conditions de vie des marins
et des colons français 
Nos ancêtres étaient à
bord des navires vers la Nouvelle-France 
  
Le recrutement 

Dans les campagnes, les capitaines enrôlent souvent
sur les terres de leurs parents, jouant des fidélités locales à une famille.
Dans les villes, on pratique le racolage les jours de marché:
autour d'un pot, les sergents recruteurs bonimentent
les «  amateurs de gloire et d'argent ».
Célibataires fuyant les créanciers ou une paternité imprévue,
jeunes paysans naïfs venus en ville sont enivrés de
généreuses rades de vin jusqu'à boire à la santé du Roi,
ce qui signe leur engagement. Plus les besoins augmentent,
plus il y a d'abus: ceux qui contestent sont séquestrés dans
l'obscurité d'une cave de cabaret, un «  four », jusqu'à ce qu'ils cèdent.
De même, on enrôle de forces les vagabonds et les délinquants mineurs,
remis par le guet des villes aux recruteurs. 

Volontariat ou conscription 

Il ne suffit pas d'avoir un navire, il faut aussi des hommes pour les diriger,
pour manœuvrer et pour se battre.
Un gros vaisseau de ligne occupe au minimum cinq cents hommes. 


Traditionnellement, on fait appel pour cela aux
«  gens de mer «» marin, sur la base du volontariat.
Mais la marine Royale de Louis XIII et Louis XIV n'attire pas.
Pour le commandement des vaisseaux, on crée alors, en 1669,
un corps d'officiers spécialement formés.
Le recrutement des équipages est plus rude: quand le besoin s'en fait sentir,
on bloque les issues d'un port pour y rafler tous ceux qui
s'y trouve, pêcheurs, marins ou jeunes passants, et
on les embarque de force. Évidemment, ce système de la «  presse »
n'encourage pas les vocations. À partir de 1689,
il est remplacé par une manière de conscription.
Les hommes inscrits sur les rôles sont susceptibles d'être
appelés à n'importe quel moment.
C'est ainsi qu'en 1692, les équipages de Terre-Neuve qui arrivent
aux Sables-d'Olonne sont immédiatement mobilisé,
avant même d'avoir pu se débarrasser de leur cargaison. 

En réponse aux protestations, l'administration leur répond qu'ils
n'ont qu'à se débrouiller avec les invalides et
les estropiés demeurant dans le pays....
En temps de guerre, on tente d'inclure dans ce système tous
ceux qui on un lien avec l'eau, les mariniers, les bateliers...
et même ceux qui pêchent en barque sur les rivières. 
  
      1. La répartition du budget de la Marine
Le budget de la Marine entre 1715 et 1740 tournait
autour de 10 millions. Ce budget implique 2 millions
pour les soldes des personnels permanents,
1,7 million pour les colonies (incluant les bases navales),
1,6 million pour le Corps des Galères alors déjà très
contesté dans son existence, mais disposant d'appuis solide),
1 million pour les phares  les fortifications côtières et portuaires,
l'entretien des arsenaux et celui des milices et douanes côtières.
Il reste donc pour la construction et l'entretien des navires,
mais aussi l'armement (coûts liés au fait de rendre et
maintenir opérationnel un bâtiment tenu en réserve),
au grand maximum 3 à 4 millions, sachant que l'entretien
et la construction (postes relativement fixes parce que
planifiés là où l'armement est purement fonction des besoins)
coûtent en permanence autour de 2,5 millions.
Les performances d'un navire en bois
changent beaucoup au cours de sa vie.
Cette durée de vie étant en moyenne de 12 ans
au minimum jusqu'à 20 ans pour les mieux construits,
avec une possibilité d'extension via la reconstruction
qui peut rajouter une dizaine d'années.
Le résultat est qu'une flotte opérationnelle
a ainsi un ensemble de coques aux performances très hétéroclites.
La reconstruction ne concerne que les meilleurs navires,
et les performances ne sont pas forcément conservées,
notamment dans la pratique du tir par bordées
qui est de toute façon impossible après
une dizaine d'années de service,
les structures se fatiguant vite sous cette
contrainte extrêmement brutale. Mais la reconstruction
est une nécessité étant donné qu'elle
coûte 20 à 30% de moins qu'une construction neuve.
Navire du Roi Soleil
Les coûts impliquant la construction,
l'équipement et l'armement
d'un bâtiment de 1er rang (plus de 100 canons, 3 ponts) coûte en moyenne
1 million de livres. Un 2e rang (74 à 92 canons)
coûte en moyenne autour de 750 000 livres.
Un 3e rang (autour de 64 canons) coûte autour de 540 000 livres,
et un 4e rang autour de 430 000 livres.
Tous les navires coûtent, durant leur vie opérationnelle
première de 10 à 20 ans (hors reconstruction),
presque 150% de leur coût de construction
pour leur entretien (essentiellement les 3
grands radoubs qu'ils subiront en moyenne).  
La discipline 

Il faut lutter contre l’absentéisme des officiers et
leur apprendre à se soumettre à la hiérarchie.
En effectuant des contrôles, on fait aussi la chasse aux officiers qui trichent 
sur le nombre de leurs hommes,
ce qui leur permet d'empocher des primes d'engagements
non justifiées: lors des revues des troupes, ou «  montres »,
ils engagent des figurants, surnommés «  passe-volants», pour faire nombre... 

Il est mal vu de se marier sous les drapeaux et
toutes les femmes sans emploi prises à
«  gueuser » avec des soldats sont fouettées publiquement;
puis on leur fait des entailles sur le visage pour les priver de leurs charmes.... 
  
La discipline militaire est aussi sévère: les fautes légères
commises par des soldats par les soldats pendant le service
sont généralement punies à coups de canne. Pour les fautes plus graves,
il y a le fouet et l'estrapade «  supplice militaire par lequel on lie les mains
derrière le dos du soldat et on l'esclavon avec une corde fort haut en l'air,
et puis on le laisse tomber presque près de terre,
en sorte que le poids de son corps lui fait disloquer les bras.  

Le plus grand problème de l'armée est la désertion.
Elle prend des proportions énormes,
en particulier au moment des conflits et dans certains corps,
comme les milices. À partir de 1684, la peine de mort pour
les déserteurs récidivistes est remplacée par les galères,
après avoir marqué le coupable au fer rouge d'une
fleur de lys sur chaque joue et l'avoir amputé des oreilles et du nez! 
  
Les Galères 
 
En 1662, Colbert écrit: 
«  Sa Majesté désirant rétablir le corps de ses galères et
en fortifier la chiourme par toutes sortes de moyens.
Son intention est qu'on y condamne le plus grand nombre de coupable
qu'il se pourra et que l'on convertisse
même la peine de mort en celle de galères » 
   
Séducteurs — meurtriers - bohémiens – 
protestants - Etc. - tous coupables 

La recommandation cynique de Colbert va être appliquée
avec zèle: plus de trente-cinq mille «  35,000 »
hommes y sont envoyés dans les quarante «  40 »
années suivantes et seulement 20% d'entre eux sont des meurtriers. 

Pêle-mêle condamnés 

Philippe Lorcet, condamné à perpétuité pour
«  vol de mouches à miel » c'est à dire d'abeilles.  

Pierre Bolery, cinq ans pour
«  séduction d'une jeune fille sans promesse de mariage,
lui étant marié, et donc cette jeune fille a un enfant ». 

Guillaume Bossery, garçon, perruquier, cinq ans pour
«  avoir porté à la boutonnière sans aucune qualité un cordon rouge










à peu près semblable à celui de Saint-Louis». 

À côté de ces « droits communs »,
on trouve également des paysans révoltés et faux sauniers,
qui présentent environ un tiers des condamnés. 

Systématiquement pourchassés à partir de 1682, les Bohémiens
«  gueux errants, vagabonds et libertins qui vivent de larcins,
d'adresse et de filouteries », viennent eux aussi renforcer la chiourme..
. tout comme les Protestants

Religieux et gentilshommes sont quant à eux très rares car
le plus souvent leur peine est commuée. La condamnation
du banquier La Noue à neuf ans en avril 1702 reste une exception
qui fit alors événement. 
Pape Innocent X 
  
Par ailleurs, par la grande bonté de sa Majesté le Roi,
les galères acceptent les étrangers. Pour s'approvisionner en hommes,
des accords ont été conclus avec différents États,
Savoie, principautés d'Allemagne et même avec le Pape :
à charge pour eux de livrer le condamnés à leurs frais à Marseille.   
Protestants 


Archive de décès de Catherine Henriette de la Tour
le 4 avril 1677 Protestante,
d'Auvergne, Marquise de la Moussaye en Bretagne, France 
  
Il n’y eut que peu de foyers protestants,
animés essentiellement par quelques familles nobles :
La Moussaye, Gouiquet, Du Rocher et Doudart
dans les régions de Quintin, Plénée-Jugon, Moncontour,
Plouër-sur-Rance, Perret. Le reste de la communauté
se composait de leurs domestiques et des colons.  
  
Après la révocation de l'Édit de Nantes,
environ mille cinq cents protestants ont été 
envoyés aux galères. Les condamnés enchaînés sont
conduits à Marseille par des entrepreneurs privés,
les capitaines de chaîne.
Un tiers des condamnés succombe soit pendant le
trajet entre la prison et Marseille,
soit dans les trois ans qui suivent l'arrivée. 

Après un séjour en prison, le condamné aux galères
est envoyé à Marseille. Les hommes sont enchaînés par le cou
deux par deux, à coups de masse, la tête posée sur l'enclume...
Puis on les relie tous ensemble par une longue
chaîne qui passe entre chaque couple.
On peut ainsi réunir de cent cinquante à condamnés en un seul envoi. 
Il y a trois grands centres de départ: Paris, Bordeaux et Rennes 


Les convois se forment en général entre
avril et septembre et mettre environ un mois pour rejoindre
leur destination, Marseille... à pied. Affaiblis par la détention,
écrasés par le poids de plusieurs dizaines de kilos de chaînes,
les hommes se traînent sur les routes
à raison de vingt à vingt-cinq kilomètres par jour,
«  souvent la pluie sur le corps, qui ne séchait qu'avec le temps,
sans compter les poux et la gale ».    
  
Le voyage est rendu encore plus inhumain par les violences
du « capitaine de chaîne » et de l'escorte qui trafiquent sur les
rations et font régner la terreur dans les rangs.
Seuls ceux qui ont de l'argent peuvent manger
à leur faim et échapper aux coups de cross,
de nerfs de bœuf, de marteaux! 
  
Les révoltes, fréquentes, sont écrasées dans le sang.

Dans ces conditions, les pertes sont énormes et les survivants
dans un état déplorable.
Pour assurer un bon renouvellement de la chiourme,
l'État tente d'améliorer ces transports,
en associant une cuisine roulante et
un chirurgien à chaque chaîne, en limitant l'usage de la violence,
en obligeant les conducteurs à transporter
les plus faibles et les plus malades en charrette.
Mais la chaîne reste une terrible épreuve:
sur les trois cent quatre-vingts hommes
qui quittèrent Paris en janvier 1712,
cinquante-quatre meurent en route et
cent dix-neuf arrivent en charrette à l'état de mourants. 

Les bagnards travaillent 
 Première arsenal  de galère en France 
  
Dès son arrivée, le forçat est affecté à une galère.
Il y passera tout le temps de sa peine.
Mais celle-ci ne consiste pas seulement à ramer dans
des conditions épouvantables; la plus grande partie de l'année,
les galères restent à quai. Le travail est obligatoire:
construction de l'arsenal, creusement du port,
manufacture d'ancres, voilerie en occupent le plus grand nombre.
D'autres sont employés en ville par les artisans: les galères
sont remplies de «  gens de tous arts et de métier »
dont les compétences sont recherchées...
d'autant que leur travail est payé quatre fois moins que le prix normal.
Certains sont même domestiques chez les bourgeois. 
  
 «  Ceux qui ne savent d'autres métiers que faire des bas,
écrire, broder, peindre... » restent à bord,
tandis que quelques-uns sont autorisés à tenir une échoppe
sur les quais. Si l'argent qu'ils gagnent ainsi améliore l'ordinaire,
il est aussi la source d'innombrables trafics car les argousins
prélèvent abusivement une part des revenus. Les galériens
sont partout reconnaissables avec leurs chaînes, les bas,
le bonnet et la casque rouge,
le crâne rasé complète l'uniforme de l'infamie. 
  
Mais on ne coupe pas les cheveux pendant l'hiver...
et c'est alors les tentatives de fuite sont les plus fréquentes.
Car on ne quitte pas finalement les galères. Pour être libéré, il ne 
  
Ne suffit pas d'avoir fait son temps. Philippe Chabot,
condamné à dix ans en 1670 pour vol de poireaux,
n'est libéré que vingt-sept ans plus tard! On rencontre aussi parfois
des vieillards de plus de quatre-vingts ans..
. Pour eux comme pour les malades et les infirmes,
plus question de ramer.
Ils attendent la mort sur une galère ou bien à l'hôpital. 
                                                                              
 Suite Louis XIV Conditions de vie des marins et colons français Partie 2 -

Les pirates