Première monnaie de cartes en Amérique du Nord
Il y a toujours une première fois
Monnaie de carte en Nouvelle-France |
La monnaie de carte fut utilisée en Nouvelle-France de 1685
à 1719. Le premier cas
d’utilisation de papier-monnaie en Amérique du Nord, et l’un des premiers dans
le monde, est survenu à Québec. Il s’agit de la fameuse monnaie créée à partir
de jeux de cartes par l’intendant de la Nouvelle-France, Jacques de Meulles, en
1685. Cette solution à ce qu’on percevait comme une pénurie d’argent, est
souvent présentée dans les livres d’histoire comme ingénieuse et originale.
Au début de la colonisation en Nouvelle-France, la rareté des pièces de monnaie était criante, surtout l’hiver, période où les bateaux ne pouvaient circuler sur le fleuve Saint-Laurent en raison de l’épaisseur de la glace. Les habitants de la Nouvelle-France durent trouver une solution originale pour pallier le manque de monnaie.
Au début de la colonisation en Nouvelle-France, la rareté des pièces de monnaie était criante, surtout l’hiver, période où les bateaux ne pouvaient circuler sur le fleuve Saint-Laurent en raison de l’épaisseur de la glace. Les habitants de la Nouvelle-France durent trouver une solution originale pour pallier le manque de monnaie.
Déclaration du roi du 5 juillet 1717
au sujet de la monnaie de carte du Canada
au sujet de la monnaie de carte du Canada
Monnaie de carte de
24 livres, 1729
signée Beauharnois À la différence des cartes à jouer mises en circulation de 1685 à 1714, celles de la deuxième période sont imprimées sur un simple carton blanc, et leurs dimensions varient selon leur valeur nominale.
signée Beauharnois À la différence des cartes à jouer mises en circulation de 1685 à 1714, celles de la deuxième période sont imprimées sur un simple carton blanc, et leurs dimensions varient selon leur valeur nominale.
Le 24 septembre 1685, lorsque l’intendant Jacques de Meules
se rend compte que l’or et l’argent lui manquent pour payer ses employés, des
soldats pour la plupart, il fait preuve de créativité en inscrivant des
«promesses de paiement» au verso de cartes à jouer. Le système fonctionnait
comme suit: chaque carte portait le sceau de l’intendant, sa signature et celle
du trésorier.
La première évaluation était de 4 livres pour une carte entière; une demi carte valait 2 livres, et le quart de carte, quinze sous. De Meules ordonna à tous les habitants de la Nouvelle-France d’accepter ces cartes en guise de paiement. On l’échangeait pour des espèces sonnantes dès qu’on pouvait s’en procurer, puis l’on détruisait la carte ainsi annulée.
La première évaluation était de 4 livres pour une carte entière; une demi carte valait 2 livres, et le quart de carte, quinze sous. De Meules ordonna à tous les habitants de la Nouvelle-France d’accepter ces cartes en guise de paiement. On l’échangeait pour des espèces sonnantes dès qu’on pouvait s’en procurer, puis l’on détruisait la carte ainsi annulée.
Au début de la colonisation du Québec, appelé à l'époque
Nouvelle-France, la rareté des pièces de monnaie était criante, surtout
l'hiver, alors que les bateaux ne pouvaient circuler sur le fleuve Saint-Laurent en raison de l'épaisseur de la
glace. Les habitants de la Nouvelle-France ont dû trouver une solution
originale pour pallier le manque de monnaie.
En l'année 1685, De
Meulles établissait la monnaie de cartes. En 1674, le Roi avait donné
l'ordre que tous les comptes, achats et paiements divers devaient être soldés
en argent sonnant. Pour comble, en 1684, il envoie des soldats au pays et
ordonne de les faire vivre : mais il avait oublié leur paie. C’est à ce
moment que De Meulles eut l'idée de la monnaie de cartes et qu'il la mit
effectivement en circulation.
Navires venues à Québec en 1685
Le système fonctionnait comme suit : on se servait de
cartes à jouer ordinaires. Chacune d'elle portait le sceau de l'Intendant, sa
signature et celle du Trésorier. La première évaluation était de 4 livres pour
une carte entière; une demi carte valait 2 livres, et le quart de carte, quinze
sous. On l'échangeait pour des espèces sonnantes dès qu'on pouvait s'en
procurer, puis l'on détruisait la carte ainsi annulée. Cette monnaie fut très
populaire au pays jusqu'en 1717.
Première émission d'une dizaine dont la dernière en 1757.
Trois valeurs: 4 Francs, 40 sols,15 sols, dite valeurs inscrites au dos de
cartes à jouer réquisitionnées, avec une empreinte des armes de France (sur de
la cire !?) et 3 signatures : Gouverneur général,
trésorier,intendant. Tout cela sur une carte à jouer de 56 x 84 mm, coupée en 4
soit 28 x 42 mm??
Renseignements tirés d'un courrier d'information, du
24/09/1685, au comte de Toulouse ministre de la Marine du Roi Louis XIV.
Que faire quand on manque de « piastres »? En 1685 à Québec,
faute d’argent papier, on utilise des cartes à jouer. Comme on n’exploite pas
de métaux précieux en Nouvelle-France au 17e siècle, les administrateurs
comptent sur l’arrivée des bateaux à chaque fin de saison, qui transportent de
la monnaie sonnante depuis la France pour payer les fonctionnaires, les
fournisseurs, les soldats et les commis. Mais que faire quand le transport
prend du retard? Pire encore, s’il n’arrive jamais? Afin de pallier à ce
problème, un personnage va trouver une solution tout à fait innovatrice : une
monnaie de papier faite de cartes à jouer! Ce qu’on sait peu, c’est qu’il
s’agit du premier cas d’utilisation de papier-monnaie en Amérique du Nord, et
l’un des premiers dans le monde.
Monnaie de carte du Canada valant 50 livres.
Au verso, les signatures de Duplessis, Vaudreuil et Begon, 1714.
Au verso, les signatures de Duplessis, Vaudreuil et Begon, 1714.
En l’an 1682, l’intendant de Québec est Jacques de Meulles.
Il doit son poste à ses liens familiaux avec le ministre Colbert, alors
contrôleur général des finances de France au service du roi Louis XIV. Il est
responsable du développement de la colonie à une époque difficile : les nations
iroquoises sont de plus en plus hostiles, alors que le gouverneur
Joseph-Antoine Le Febvre de La Barre, avec lequel il s’entend plutôt mal, mène
une administration désastreuse, notamment sur le plan militaire. Pour faire
obstacle aux maraudes des « sauvages », le roi envoie en 1684 un détachement de
soldats pour garder les dépôts de pelleteries, mais « il oubli[e] de le payer
tout en ordonnant de le faire vivre ». Évidemment… Les chargements de
numéraires en provenance d’Europe n’arrivent qu’en fin de saison (quand ils
finissent par arriver), créant toujours beaucoup de confusion dans la colonie
en manque de liquidités. Les habitants en viennent à commercer par le troc, à
la manière des Amérindiens. Benjamin Sulte (1841-1923), historien, journaliste,
homme politique et poète québécois, déplore cet état des choses, le qualifiant
de « primitif » et « par trop gênant ».
C’est dans ce contexte de crise que l’intendant de Meulles
invente, en 1685, une monnaie tout à fait nouvelle, faite de papier. Le principe
est simple, mais bien pensé : l’intendant y écrit un certain montant, y appose
sa signature et son sceau de cire. Sur le dos de la dame de trèfle, par
exemple, on inscrit : «Bon pour la somme de quatre livres ». Une fois le navire
du roi arrivé, il rembourse en espèce la monnaie de carte.
Un premier essai est fait en utilisant un simple bout de
carton, qui servait de bon d’échange. À défaut d’imprimerie, on écrit ces bons
à la plume et à défaut de carton on utilise du papier blanc. Or, ce dernier est
trop mou, sans consistance et s’endommage facilement. Le roi n’approuve pas ce
mode de paiement et refuse de payer les habitants qui en détiennent. C’est un
premier échec. Cette forme de monnaie prend fin seulement un an plus tard, en
1686. Trois ans plus tard, vers 1689, de Meulles à l’idée d’utiliser l’endos
blanc des cartes à jouer (comme celles que l’on
Louis XIV l'élégance
connait aujourd’hui), qui, semble-t-il, abondent dans la ville de Québec. Son matériau est beaucoup plus résistant. Approuvées par le roi, ces cartes étaient signées à leur dos de la main de l’Intendant, du Greffier du Trésor de la colonie et du Gouverneur, avec la date d’émission.
Louis XIV l'élégance
connait aujourd’hui), qui, semble-t-il, abondent dans la ville de Québec. Son matériau est beaucoup plus résistant. Approuvées par le roi, ces cartes étaient signées à leur dos de la main de l’Intendant, du Greffier du Trésor de la colonie et du Gouverneur, avec la date d’émission.
Empire français d'Amérique
Avec la bénédiction du roi, demande fut faite aux commerçants locaux d’accepter cette nouvelle monnaie d’échange, contre la promesse d’un remboursement en argent sonnant au retour des navires français. On utilise cette pratique pendant des années, mais elle prend fin vers 1717, car le gouvernement français n’arrive pas à rembourser l’intégralité des cartes qui transitent en Nouvelle-France. On évalue actuellement à deux millions de livres la monnaie de carte en circulation au pays vers 1714. À la même époque, certaines cartes à jouer valent jusqu’à 100 livres!
Monnaie en Nouvelle-France 1750
Quelques années plus tard, la monnaie de carte refait surface à la demande des commerçants. Cet argent papier équivaut à divers montants selon sa dimension. Par exemple, une carte entière pouvait normalement valoir jusqu’à 24 livres. Les cartes sont ensuite coupées en deux ou en quatre pour diviser leur prix. L’historien Marcel Trudel (1917-2011) en situe une utilisation en 1737, alors que Joseph Sévigny de la Chevrotière, un capitaine de navire membre d’une importante famille seigneuriale, achète une esclave de 13 ans de la nation des Renards au prix de 350 livres, prix habituel pour une jeune Amérindienne, qui équivaut toutefois, pour la même époque, à quatre fois le salaire annuel d’un ouvrier. La transaction, effectuée chez un notaire de Québec, rue St-Pierre en basse-ville, est entièrement réglée en monnaie-carte à jouer. Les autorités françaises procèdent à l’émission de ces cartes jusqu’à la chute de la Nouvelle-France, soit en 1763.
De 1720 à 1760, d’autres formes de papier-monnaie voient le jour à Québec et en viennent à surpasser les cartes à jouer en popularité. Le « certificat », par exemple, est un montant certifié que les commerçants utilisent avec leurs fournisseurs, tandis que l’ « ordonnance de paiement » est un papier signé par l’intendant et qui est remboursable, au même titre que les cartes et les certificats, par une lettre de change du Trésor de la Marine. Après 1763, les Canadiens détiennent encore l’équivalent de quelque 16 millions de livres en monnaie de papier, dont seulement 3,8 % en monnaie de carte. Suite à sa défaite, la France ne remboursera pas la totalité du papier-monnaie. La plupart des habitants perdent alors confiance dans la monnaie de papier et se mettent à thésauriser chez eux, utilisant au besoin le légendaire « bas de laine ». Dans les livres d’histoire, on dépeint souvent cette monnaie-carte comme «originale» et «ingénieuse». Dans les faits, elle semble avoir affaibli l’économie de la colonie en plus de contribuer à la chute de l’empire français d’Amérique, car elle reposait davantage sur un gage de confiance des fonctionnaires que sur une contrepartie métallique.
Par la suite, d’autres types de monnaie firent leur apparition.
On vit même circuler des boutons aplatis! Ces formes de devises finissent par
embrouiller le système d’échange, si bien qu’on ne sût plus, pendant un temps,
quelle monnaie accepter ou refuser, ni même leur valeur exacte. Si,
malheureusement, aucun exemple de monnaie-carte à jouer n’a survécu jusqu’à nos
jours, ce patrimoine demeure bien vivant. Pour preuve, à l’occasion du 400e de
la Vieille-Capitale, la Monnaie Royale Canadienne a produit, une série «
Monnaie de carte » en argent sterling à l’image de celles utilisées au 18e
siècle, dont le prix varie autour de 90$ la pièce.
La pierre de l’Ordre des chevaliers de Malte : Une fenêtre sur
un passé méconnu
La Ville de Québec est décidément bien unique. Elle est non
seulement la seule ville d’Amérique du Nord toujours entourée de remparts, mais
elle détient son propre château, soit le Château Frontenac, inauguré en 1893 et
nommé en l’honneur de Louis de Buade (1622-1698), compte de Frontenac.
Absolument indissociable de l’image de la Vieille-Capitale, sa majestueuse
stature émerge de la cité tel un pic et domine le fleuve St-Laurent des
hauteurs de la terrasse Dufferin. Le célèbre hôtel, dont l’architecture
s’inspire des châteaux français de l’époque de la Renaissance, subit plusieurs
transformations au fil du temps, comme l’ajout de la tour centrale en 1926.
Témoin de l’histoire, ses murs logèrent Theodore Roosevelt et Winston Churchill
lors de leur passage à Québec en 1943, réunis dans la Citadelle pour planifier
des stratégies contre les forces de l’Axe. Maurice Duplessis, ancien premier
ministre du Québec et fondateur du parti de l’Union nationale, y résida
également un certain temps. L’hôtel expose d’ailleurs plusieurs images de ces
événements et autres de son histoire dans les allées de ses étages inférieurs,
près du Salon Rose.
À travers les nombreuses traces du passé reconnaissables sur
ce château, une pierre en particulier retient notre attention. Malgré son âge
vénérable, elle est méconnue des habitants de la Capitale. Presque dissimulée,
celle-ci est incrustée au-dessus d’un passage voûté menant à la rue St-Louis
sur la façade nord de la cour intérieure du Château Frontenac. En y portant
attention, on remarque une stèle de dimension moyenne, soigneusement conservée,
teintée d’un rouge vif et gravée d’une croix à huit pointes; c’est la pierre
symbolisant l’Ordre Souverain Militaire et Hospitalier de
Saint-Jean-de-Jérusalem, de Rhodes et de Malte (de son nom officiel). Mais qu’a
donc cette pierre de si spécial? Pourquoi l’a-t-on conservé? Quelle est sa
signification?
Cette pierre est en fait l’une de celles qui constituaient
autrefois les fondations du fameux château St-Louis, situé sur l’actuelle
terrasse Dufferin et nommé ainsi en hommage au Roi Louis XIII. Initialement
construit par Samuel de Champlain en 1620, il s’agit de la résidence officielle
du gouvernement de la Nouvelle-France. C’est en 1647 qu’on y sculpte cette
croix de Malte, ce qui lui donne aujourd’hui plus de 350 ans! La stèle est donc
largement antérieure au Château Frontenac.
L’Ordre des Chevaliers de Malte est une organisation
catholique et militaire dont la création remonte à l’époque des Croisades, soit
le 11e siècle. Le groupe réclame pour origine l’Ordre de Saint-Jean de
Jérusalem (ou « Ordre de l’Hôpital », « les chevaliers hospitaliers » ou
simplement « les Hospitaliers »), un prieuré de moines guerriers fondé à
Jérusalem en l’an 1048 pour assurer la sécurité des pèlerins occidentaux venus
trouver l’absolution divine en Terre Sainte. Leur patron spirituel est alors
Saint-Jean Baptiste. Plusieurs de ces groupes, traditionnellement constitués de
membres issus de la chevalerie et de la noblesse chrétienne, ont survécu à
l’épreuve du temps, et ont traversé les siècles pour se rendre jusqu’à nous. La
tradition veut que les chevaliers de Malte eussent déjà été en présence active
dans la cité de Québec au 17e et au 18e siècles. Ce sont des capitaines de
bateaux, des hommes d’affaires, des diplomates, etc. Le fils cadet de Montcalm
en sera un.
Si Samuel de Champlain n’était pas l’un d’eux, sont adjoint,
De Lisle faisait bien partie de l’Ordre. En 1647, le gouverneur de la colonie
est Charles Huault de Montmagny, également chevalier de Malte. La même année,
il reçoit un cheval (le premier au Canada et le seul pendant presque 20 ans)
des habitants de Québec s’étant cotisés pour le lui offrir. En effet, on ne
pouvait imaginer un chevalier sans cheval! Il semble que Montmagny était
particulièrement infatigable dans ses efforts pour promouvoir les intérêts de
l’Ordre dans la colonie. La pierre de Malte s’inscrit directement dans cette
logique de promotion. Rappelons que la mission des premiers colonisateurs porte
un puissant message religieux. La France, dans son expansion, n’apporte pas que
le savoir et la civilisation dans les « Indes occidentales », mais aussi
ses croyances. Dans un monde en féroce compétition comme celui de l’ère
coloniale en Amérique du Nord, il importe de montrer que Dieu est de son côté.
En 1759, lors de la conquête anglaise de la Nouvelle-France,
un incendie vient à bout du château St-Louis. Ce n’est qu’en 1784, lors
de fouilles sur la terrasse Dufferin, qu’on retrouve la pierre de Malte. Elle
est, par la suite, intégrée à l’architecture extérieure du Château Frontenac et
accompagnée de l’inscription suivante: « Stone carved for the priory of the
knights of Malta, Quebec, 1647» («Pierre gravée pour le prieuré des Chevaliers
de Malte, Québec, 1647»). En réalité, il n’y eu jamais de « prieuré » au
Québec. Malgré ce qu’on pu penser les anglophones du XIXe siècle, les prieurés
ont toujours été européens. L’emplacement actuel de la pierre se justifie non
seulement par le fait que le luxueux hôtel se trouve sur le site de l’ancien
château du gouverneur, mais aussi puisque l’on sait que le compte de Frontenac,
Louis de Buade, était également chevalier de Malte. Pour ces raisons, l’endroit
était donc tout désigné pour permettre à la stèle de garder une place vivante
dans la mémoire collective.
L’Ordre de Malte est l’un des rares ordres fondés au Moyen
Âge à être encore actif aujourd’hui, après plus de 960 ans d’histoire. Leur
patron, Saint-Jean Baptiste, deviendra celui des Français du Canada lors des
premières célébrations de la fête nationale du Québec en 1834 (La Pape Pie X le
reconnaîtra officiellement en 1908), organisées par Ludger Duvernay, imprimeur
et patriote québécois, pour défendre la langue française face au pouvoir
britannique. Tout au long de cette période, l’Ordre demeure fidèle à sa mission
et à ses engagements. Il apporte, entre autres, une assistance médicale et
humanitaire dans certains pays dans le besoin, particulièrement lors de
catastrophes naturelles. Sa mission s’est vue intensifiée surtout pendant les
deux Guerres mondiales grâce à la contribution des Grands Prieurés et des
Associations nationales. De fil en aiguille, leurs projets prennent de l’ampleur.
Ceux-ci touchent actuellement plus de 120 pays dans le monde, notamment au
Brésil, en Afrique de l’ouest, au Proche-Orient et en Inde, dû au travail de
plus de 13 00 bénévoles laïcs des Chevaliers et des Dames de l’Ordre provenant
de toutes les classes sociales et quelques centaines de religieux.
La pierre demeure aujourd’hui visible à tous, ancrée dans le
Château Frontenac comme une empreinte indélébile du passé. Elle rappelle un
temps où le destin de la colonie était, pour le meilleur et le pire, intimement
lié à celui de la religion. Pour un passant non informé, il ne s’agit que d’une
autre des millions de pierres qui constituent la charpente de la cité. Pour les
historiens, amateurs comme les spécialistes, c’est une fenêtre ouverte sur un
héritage culturel historique et méconnu.
Histoire de la ville de Québec
Bière et «bouillon» en Nouvelle-France :
La taverne de Jacques Boisdon
L’histoire laisse des traces sur son passage. Bien souvent,
on passe devant sans même les voir. Pourtant, les signes sont bien là, nombreux
et prêts à susciter, sous notre regard curieux, des « flashs » de notre passé.
Dans l’arrondissement historique de la ville de Québec, une de ces traces
concerne une mystérieuse plaque commémorative située au 20 de la Côte de la
Fabrique, là où se dresse aujourd’hui le magasin Simons. Ce commerce, qui a
pignon sur rue à cet endroit depuis plusieurs générations, occupe en fait un
édifice qui abrita, en 1648, la première taverne de l’histoire de la capitale.
Mieux encore, cette plaque nous rappelle, de manière assez anecdotique, que le
nom du cabaretier n’était nul autre que Jacques Boisdon : un nom qui,
avouons-le, incite fortement à « lever le coude »!
Au milieu du 17e siècle, Québec n’est encore qu’une colonie
de peu d’importance dans le nouveau système-monde établi par les grands empires
coloniaux. La ville porte en elle à peine 500 âmes, dont une bonne partie sont
des religieux et des religieuses. Depuis ses touts débuts, le destin de la
colonie est intimement lié à celui de la production de boissons alcoolisées.
Bien avant l’arrivée des Français, la vigne pousse sur les terres qui longent
le fleuve St-Laurent. Jacques Cartier, voyant cela, avait d’ailleurs surnommé
l’île d’Orléans, l’« Île de Bacchus », en hommage à la divinité romaine. En
fait, dès 1619 les missionnaires jésuites et récollets pressent déjà leur
propre vin, destiné aux messes. Pourtant, même si certains leur trouvent des
qualités surprenantes, la majorité des habitants ne supportent pas l’âcreté des
vins élaborés à partir de la vigne d’ici. La plupart sont donc importés
d’Europe, mais leur coût est élevé.
Enseigne d’auberge, fin du 17e siècle.
Musée virtuel de la
Nouvelle-France.
Visite du père LaForêt
Les premiers colons sont surtout des buveurs de bière, une
boisson qui jouit d’une mauvaise réputation en France, où on dit qu’elle «
échauffe » le sang et les humeurs. En Nouvelle-France, c’est justement cela qui
fait son succès auprès de ceux qui, les premiers, doivent affronter le froid
mordant des rigoureux hivers québécois. C’est donc pour étancher cette soif
qu’ouvrent, dans les années 1640, les premières brasseries de la ville, comme
celle de la Communauté des habitants à Québec. Avant cette date, les colons
boivent une espèce de boisson fermentée et fabriquée de manière artisanale par
les familles dans une pièce de la maison (généralement la cuisine) avec des
ressources rudimentaires. On appelle cette version primitive de la bière, le «
bouillon ». Elle était préparée à partir d’un morceau de pâte crue contenant du
levain que l’on mettait à tremper dans l’eau, provoquant ainsi une fermentation
suffisamment alcoolisée.
C’est le 19 septembre 1648 que le Conseil de la
Nouvelle-France accorde l’ouverture de la première auberge de Québec et du
Canada. En fait, il s’agit à la fois d’un hôtel, d’une pâtisserie et d’une
taverne, puisque le tenancier obtient aussi le droit d’exploiter les
installations brassicoles du bâtiment. C’est donc, pour ainsi dire, le premier
cabaret de l’histoire du Québec. Avec son nom prédestiné, Jacques Boisdon acquiert
ainsi le statut de premier aubergiste et cabaretier dans la ville.
En vérité, on connaît bien peu de chose de cet homme,
communément appelé « Jean » à tort, et de sa carrière, si ce n’est qu’il obtint
le droit exclusif de tenir cabaret à Québec pour une période de 6 ans, et que
le commerce est racheté en 1655 par un autre marchand (Pierre Denys de La
Ronde), qui perpétue sa vocation de brasserie jusqu’en 1664. On peut facilement
imaginer le succès d’un tel établissement dans une colonie où l’éloignement et
le climat hivernal font de la vie un véritable défi. En ces murs ont lieu
d’épiques scènes de rencontres entre colons, soldats et coureurs des bois,
fraternisant autour de chopes de bière débordantes à la santé des rudes hivers,
échangeant récits, nouvelles, éclats de rire et ragots tout en se moquant des
tracas quotidiens de la survivance. Ceux-ci ont désormais un toit commun pour
se réunir, manger, boire et festoyer ensemble, voire même dormir sur place si
la nuit avait été trop arrosée. «La bonne affaire!», a dû penser Boisdon!
C’est à l’occasion de l’ouverture que le Conseil élabore la
plus ancienne législation relative à la tenue des auberges et des cabarets en
Nouvelle-France. Le tavernier est ainsi assujetti à une série de clauses qu’il
doit respecter, comme empêcher tout scandale, ivrognerie, blasphème ou jeu de
hasard dans sa maison et fermer son établissement les dimanches, les jours de
fêtes ainsi que pendant les offices religieux. La tradition veut, à ce sujet,
que le bedeau de l’église passait sa canne sous les lits de l’auberge pendant
les messes, afin de s’assurer que nul de s’y cache et échappe ainsi aux
engagements de sa foi. D’une façon générale, Boisdon était soumis aux
ordonnances et règlements du commerce en vigueur à son époque.
« La visite » de Pierre Laforest, représentant la taverne de
Jacques Boisdon, située dans l'actuel magasin Simons.
Le contrat stipule également que le cabaretier doit
s’établir sur la place publique, près de l’église. Le lieu est donc fixé en un
endroit aujourd’hui bien connu des marcheurs du Vieux-Québec, soit dans
l’édifice de l’actuelle boutique Simons, qui lui consacre une plaque
commémorative sur sa façade. Cette anecdote savoureuse à d’ailleurs inspiré
Peter Simons à proposer au peintre-muraliste Pierre Laforest de l’Île
d’Orléans, qui travaille d’après une technique traditionnelle apparentée à
celle des maîtres hollandais du 17e siècle, d’imaginer une toile qui pourrait
illustrer cette anecdote. Vous pouvez admirer ce tableau intitulé « La visite »
installé au rez-de-chaussée du magasin dans le corridor reliant les corps du
bâtiment. L’École hôtelière de la Capitale a également honoré une de ses salles
à manger du nom de ce mystérieux personnage.
On néglige souvent l’importance de l’anecdote, et pourtant,
les informations qu’elles nous livrent sont d’une richesse intarissable.
«Certes, elles ne sont que des épiphénomènes ridant à peine l’océan de
l’histoire. Mais n’occasionnent-elles pas des réflexions aussi profondes que
les grandes théories? Ne proposent-elles pas un condensé de la nature humaine?»
Histoire de la ville
de Québec
«Gangstérisme» au
Bas-Canada: La Bande à Chambers
Dans les années 1830, « un véritable règne de terreur avait
affolé la ville [de Québec] et ses environs. […] À chaque instant, on signalait
de nouveaux crimes dont les auteurs restaient insaisissables. Ce n’étaient que
vols à main armée, que meurtres atroces, que maisons pillées, qu’églises
saccagées, que sacrilèges inouïs. » Voilà les termes choisis par Louis Fréchette
(1839-1908), avocat, journaliste, poète et homme politique de cette époque,
dans ses mémoires pour décrire les méfaits d’un des groupes criminels qui a le
plus marqué l’histoire et l’imaginaire collectif de la ville de
Ville de Québec en 1830
Québec : la bande de Chambers, aussi appelés les brigands du Carouge (Cap-Rouge).
Ville de Québec en 1830
Québec : la bande de Chambers, aussi appelés les brigands du Carouge (Cap-Rouge).
Le 19e siècle est une ère d’urbanisation et d’immigration
massive en Amérique du Nord. Les villes grossissent vite, trop vite, se
gonflent d’industries fumantes qui empoisonnent l’air des rues étroites où des ouvriers
s’entassent pour tenter de gagner leur vie. Dans ces conditions de promiscuité
et de misère, certains sont décidés à briser les règles pour améliorer leur
sort. Parmi ces villes, Québec ne fait pas exception. Les années 1830
correspondent pour elle à l’âge d’or du trafic du bois. C’est l’époque des
premiers draveurs, qui risquent leur vie pour alimenter ce commerce et guider
les cages de billots de bois sur les courants vers le port de de la capitale,
dont l’achalandage maritime explose littéralement.
Le groupe a pour chef un dénommé Charles Chambers, un
charpentier du quartier St-Roch, considéré comme un homme honnête. Après ses
années glorieuses, son frère, Robert Chambers, est même maire de Québec de 1878
à 1880. On ne connaît pas avec précision le nom de tous les membres du « gang
». On sait toutefois que le principal complice de Charles était un dénommé
George Waterworth. La bande, composée d’environ six membres, commence par
effectuer des vols de bois puis, rapidement, des vols résidentiels chez les
habitants installés en bordure du fleuve St-Laurent, dans les quartiers du
vieux port et du Cap-Blanc et aussi vers Cap-Rouge, Sillery et St-Augustin. On
dit que le soir, lorsqu’ils voient une lourde charge de sacs de grain partir du
port en direction de la Côte-de-la-Montagne, ils s’empressent de la suivre pour
pousser l’arrière de la voiture afin d’aider la bête à gravir la pente puis,
arrivés à mi-chemin, laissent tomber deux ou trois sacs du chargement pour les
faire débouler en bas de l’escalier Casse-Cou, où leurs amis se chargent de
récupérer le butin. Une fois le larcin commis, le groupe se retrouve
clandestinement dans l’obscurité boisée des Plaines d’Abraham afin de partager
les gains et planifier leur prochain forfait.
Charles n’hésite pas à faire usage de la violence. Un
marchand qui a le malheur de vouloir le dénoncer est retrouvé noyé dans le
fleuve St-Laurent. Il va même jusqu’à assassiner un des membres de sa propre
bande, James Stewart, lorsque celui-ci se met en travers de sa route.
L’historien Pierre-George Roy mentionne que Chambers et sa bande étaient si
riches en crimes de toutes sortes qu’on leur attribua la plupart des meurtres
inexpliqués survenus au Québec entre 1834 et 1837. Au fil du temps, leurs coups
deviennent plus violents, plus audacieux.
Les citoyens en viennent à se barricader dans leur demeure
une fois la nuit tombée. La police est impuissante à résoudre ces enquêtes et
la bande acquiert la réputation de ne jamais se faire prendre. Le mythe
grandit, tandis qu’un climat de peur et d’angoisse pèse sur la capitale.
Un jour, le groupe commet un vol impardonnable et sacrilège
aux yeux des habitants très croyants de la cité. Des vases sacrés, des coupes
et des bijoux appartenant à la chapelle de la Congrégation (aujourd’hui, la
Chapelle des Jésuites, située au 20 de la rue Dauphine, à l’angle de la rue
d’Auteuil), sont dérobés en pleine nuit. Blasphème! Outrage! La ville offre de
fortes récompenses pour quiconque détient de l’information sur les voleurs.
Les recherches mènent finalement la police à fouiller la
résidence de Chambers et dévoilent des preuves accablantes le reliant à
plusieurs crimes irrésolus. Le chef de bande est arrêté en juillet 1835 à l’âge
de trente ans, et est enfermé dans la prison de Québec, aujourd’hui le Morrin
Center, situé au 44 de la Chaussée Des Écossais. Curieusement, on ne retrouva
jamais le trésor volé. Plusieurs sources mentionnent que Chambers aurait enfoui
celui-ci dans les environs de Cap-Rouge, près de la rivière ou encore à
proximité d’un vieux moulin. Il semble que la bande prévoyait fondre les vases
pour s’en faire des lingots. Arrêtés et condamnés, les voleurs n’ont pu
récupérer leur trésor, qui, selon la légende, serait toujours disponible au
même endroit…
Cap-Rouge 1860
Cap-Rouge 1860
La réputation de Chambers dû à ses nombreux crimes fait de
son procès un événement retentissant dans la capitale. Au final, trois procès
lui sont intentés, ainsi qu’à ses acolytes, au terme desquels une sentence de
peine mort par pendaison commuée en exil est proclamée. Près de 175 ans plus
tard, la ville de Québec demeure marquée par cette affaire. Chaque année la
Commission des champs de bataille nationaux propose aux citoyens de revivre cet
épisode anecdotique de l’histoire de Québec en recréant ce fameux procès. Cette
activité historique et culturelle interactive permet aux spectateurs de
rencontrer ces personnages du passé, comme le bourreau de la ville, et même de
participer au procès de ces dangereux criminels.
Chambers est embarqué le 28 mai 1837 pour la Nouvelle-Galles
du Sud, une colonie pénitentiaire d’Australie, à bord du Cérès sous la
gouverne du capitaine Squire. Selon certains historiens, il serait mort environ
6 ans après son arrivée. D’autres mentionnent toutefois qu’il serait parvenu à
se libérer de ses chaînes pendant le trajet et aurait déclenché une mutinerie
qui manqua de peu de prendre le contrôle du navire. Vrai ou pas, Chambers aura
donné du fil à retordre à ses tortionnaires jusqu’au bout.
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