vendredi 21 mars 2014

Lac-Mégantic - L'affaire Donald Morrison justicier ou hors la loi - 1857 - 1894

Donald Morrison


Justicier ou hors la loi – 1857 - 1894


Légende de Donald «Robin des bois» Morrison est né en 1858 à Lac-Mégantic, dans une famille de colons écossais. Vers 1876, il part dans l’Ouest du Canada puis aux États-Unis, où il travaille comme cow-boy. En 1881, il est de retour dans les Cantons de l’Est. En 1886, Morrison perd sa ferme familiale à la suite d’une dispute financière avec le major Malcolm McAulay, l’homme fort de la région.



Donald Morrison commence alors une croisade personnelle contre les escrocs et les nouveaux propriétaires terriens. Il se rend alors coupable d’actes de vandalisme et d’incendies criminels. Comme il n’y avait pas de policiers à Lac-Mégantic, la municipalité engage le constable américain Lucius Jack Warren Donald, à 2,50 $ par jour, plus une prime de 25 $, pour l’arrestation de Morrison. Mais c’est Morrison qui tue Warren le 22 juin 1888.


Des témoins oculaires (à l’exception d’une personne), prétendent que Morrison a tiré en légitime défense. Toutefois, il faut admettre que Warren ne faisait que son devoir de policier en arrêtant l’auteur présumé d’actes criminels.
Donald Morrisson

Ensuite, le justicier échappe aux tentatives d’arrestation pendant deux ans grâce à la solidarité des fermiers. Environ quatre cent cinquante policiers de la Sûreté Provinciale le recherchent, et une forte prime de 3 000 $ est offerte pour son arrestation.

             
Le Canada lit avidement les journaux qui couvrent l’événement chaque jour.

L’opinion publique est divisée: la plupart des journaux et revues francophones considèrent Donald Morrison comme un bandit, alors que presque tous les journaux anglophones le présentent comme un innocent, protégé par ses voisins écossais, une sorte de Robin Hood moderne. Le journal Montreal Daily Star publie deux entrevues du journaliste Peter Spanyard avec Morrison, ce qui fait sensation.

Pendant ce temps, des battues générales sont menées contre lui, et tous les bois, fossés et même les maisons suspectes sont fouillés de fond en comble.
Le juge Dugas proclame la loi martiale dans le district et interdit formellement de loger ou de nourrir le hors-la-loi.

Certains habitants ont passé quelques jours en prison pour avoir violé cette loi ou pour avoir déclaré leur appui à Morrison.
Par exemple, D. K. MacDonald, opérateur du Canadian Pacific Railway, avait affiché sur la porte de l’armoire à billets de la station de Spring Hill, un portrait de Donald avec les mots «a good man».

C’est le lundi de Pâques, le 21 avril 1889, que le constable McMahon et le guide Pierre Leroyer blessent Morrison à la jambe et le capturent lorsqu’il rend visite à ses parents. Il est jugé à Sherbrooke et condamné à 18 ans de travaux forcés.

Dans la prison de Montréal, Donald Morrison refuse nourriture et médicaments. Suite à une pétition de plusieurs centaines de citoyens, le ministère de la Justice signe sa libération et Morrison est relâché le 19 juin 1894. Il est transporté à l’hôpital Royal Victoria, où il s’éteint, suite à une maladie pulmonaire appelée alors consomption.
Donald Morrison est devenu un personnage légendaire dans les Cantons de l’Est, au Québec. Son histoire a été racontée avec éclat dans le poème Donald Morrison, the Canadian Outlaw, d’Oscar Dhu, connu sous le nom d’Angus Mackay (écrit en 1892). Plusieurs autres œuvres ont été consacrées à la vie de Morrison, entre autres le roman de Bernard Epps, The Outlaw of Megantic.

Qui un jour n'a pas entendu parler de "
Outlaw" du Lac Mégantic, Donald Morrisson, ce jeune Écossais, dont l'histoire haute en couleurs et en rebondissements, fit de lui un héros dans les " Highlands " du Québec.

Toute cette affaire débuta vers 1883.
Murdoch Morrisson, père de Donald, colon pauvre et misérable aux prises avec des difficultés financières toujours croissantes, dût un jour donner une hypothèque sur sa terre afin de faire face à ses obligations.

Durant ce temps, Donald voulant aider son père décida de partir pour l'Ouest, pour y trouver du travail comme producteur de troupeaux (c'est-à-dire qu'il occupait la fonction de cow-boy, il déplaçait des troupeaux de place en place) . Régulièrement, Donald faisait parvenir de l'argent à son père pour que celui-ci puisse effectuer les paiements sur la terre. Mais, intraitable, le créancier de Murdoch Morrisson, l'avisa de payer immédiatement les huit cent dollars qu'il devait, ou, à défaut de déguerpir de la terre.

Murdoch informa alors son fils des procédures judiciaires intentées contre lui. Donald prit le premier train et rentra chez lui.

À L'issue du procès, les Morrisson perdirent leur cause et durent délaisser la terre. Donald, outragé de cette décision, perdit toute confiance en la justice, et la famille Duquette, qui occupait la terre depuis le départ des Morrisson, commença à connaître plusieurs ennuis.

D'abord, la grange des Duquette fut incendiée et ensuite une balle tirée à l'extérieur faillit atteindre Mme Duquette alors qu'elle était à la cuisine à ajuster les aiguille de l'horloge.

De tous ces incidents, il est sûr que Donald fut le premier à être soupçonné d'en être l'auteur, et un mandat d'arrestation fut émis contre lui.Récalcitrant et ironique, Donald faisait fi de cette procédure, prétendant qu'on ne pourrait jamais l'arrêter, jusqu'au jour où un huissier américain du nom de Warren se rendit au Lac Mégantic avec l'idée de mettre fin à toutes les insolences de Morrisson.

Un jour, alors que Donald se rendait au village, Warren informé de l'arrivée du " Outlaw ", alla à sa rencontre. Comme les deux hommes étaient face à face, Donald fit signe à Warren de ne pas approcher. En dépit de cet avertissement comme Warren allait bondir sur lui, Donald avec une rapidité extraordinaire dégaina, tira… l'Américain s'écroula par terre, mort !
 
Il s'en suivi une chasse à l'homme fantastique comme on n'en avait encore jamais vu dans notre petit coin du Québec. Plus de 450 policiers de la Sûreté Provinciale furent dépêchés à Lac Mégantic et une prime de 3000$ était offerte à quiconque réussirait à capturer le " Outlaw ".

Mais un vaste réseau de complice écossais s'était déjà formé dans les Cantons de Wotton, Marston, Hampden, Lingwick et Winslow dans le but de soustraire Donald aux forces de l'ordre.

Durant plus de deux ans, on fit des recherches, mais en vain; Donald demeura introuvable, ses proches amis l'avertissant au moindre danger.
Parc Morrisson à Milan, Québec

Puis un jour d'hiver, alors que Donald était à faire une visite à ses parents, l'inspecteur McMahon qui avait fomenté une embuscade, guettait l'homme à la sortie de la maison paternelle. L'apercevant, il tira, le blessant à la jambe et le captura. On amena Donald à Sherbrooke où il fut cité à procès pour le meutre du huissier Warren.

                                                  
À l'issue de l'enquête
Donald Morrisson fut trouvé coupable de " manslaughter ". Les jurés après vingt-trois heures de délibérations recommandèrent l'accusé à la clémence du tribunal.

Fait à noter, jamais tout au long du procès, la défense, représentée par Mes John Leonard, F.X. Lemieux et R.A. Greensheilds, ne souleva l'argument de la légitime défense.

Morrisson fut transféré au
pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul, ayant écopé d'une sentence de 18 ans d'emprisonnement.Mais, après quelques années, Morrisson, amoindrit parla maladie, dut être transporté à l'hôpital Royal Victoria où il devait rendre l'âme quelques jours plus tard.

Il subsiste, de toute cette affaire qui date maintenant de 118 ans, un souvenir toujours présent dans la mémoire de tous les Écossais de la région de Lac Mégantic et une petite pierre tombale à l'effigie de Donald Morrisson dans le
cimetière de Gisla, situé entre les villes de Scotstown et de Stornoway en plein cœur de ce qui fut un jour les " Highlands " du Québec.

             Lettre d'un habitant à son frère M. Évangéliste Sansfaçon tirée du journal
                    " La Vie Illustrée " en 1889 L'expédition contre Morrisson
                                    L'Abord A. Plouffe 3e rang, près du cordon
Mon cher Évangélisse,

Tu n'as pas besoin de t'occuper de ce qu'il y a dans les gazettes à propos de Morrisson. Toute l'affaire se passe dans les environs de chez nous et je puis te donner des nouvelles mieux que qui que ce soit.

Donald Morrisson est une de mes connaissances et nous avons souvent claqué le coup ensemble en faisant des parties de chasse au Lac Mégantic. C'est un Écossais des vieux pays et il peut à peine dire deux mots de français. C'est un " Jack " qui n'a pas froid au yeux. Il est fort comme un Turc et je suis sûr qu'il trempera une soupe chaude à ceux qui voudront l'empoigner. Avec ça il est fin comme une soie, et il glissera entre les mains des policeman comme une anguille. Avant hier je l'ai rencontré dans l'auberge à Springhill et nous avons tiré une touche ensemble.                           


Lac-Mégantic 1910

Tout en jasant avec moi il m'a conté son affaire. Il veut bien
passer pour un proscrit, comme on l'appelle dans les journaux, mais il prétend qu'il n'a pas commis de meurtre. Un huissier a voulu se montrer malcommode dans sa maison. Il était venu pour le poigner et pour se montrer " smart " il avait eu l'imprudence de le viser avec un révolver. Morrisson, voyant ça avait tiré dessus. Il paraîtrait que l'individus serait mort sur le coup. Morrisson prétend que les huissiers ne sont pas du monde et qu'on ne doit pas le prendre pour ça. Je lui ai conseillé de se laisser prendre par les hommes du juge Dugas, et il m'a répondu qu'il avait vu dans le Star et le Witness qu'il y avait des punaises dans la prison, que ça sentait le renfermé et qu'il ne voulait pas y pensionner. En me lâchant pour aller à sa cabane à sucre il m'a dit qu'il ferait prendre une bonne suée à la police.

Je lui ai dit qu'il ne devait pas venir demander à couvert chez moi parce que si les hommes de police venaient à l'y rencontrer, il y aurait des coups de pistolet de tirés et que ça ferait peur aux enfants, surtout à mon petit dernier qui tombe dans des confusions chaque fois que l'on parle un peu fort dans la maison.

Donald Morrisson est parti et je n'en ai plus entendu parler dans le village. Lorsque le juge Dugas est arrivé par chez nous avec ses soldats, je te garantis que ça a épeuré les habitants. C'était quasiment aussi pire qu'en 1837 et 1812 lorsque le " Colonel Jevousaluemarie " a marché contre les Bastonnais.

La police était armée avec des carabines et des pistolets que c'était réellement effrayant à voir. Et puis c'était, cherche ici, cherche là; pas d'affaire, pas plus de Morrisson que sur la " main ". Il y avait parmi eux un grand sergent écossais avec une vèze. Je lui ai demandé pourquoi ça ? Il m'a répondu que c'était pour jouer une " tune " dans le bois et que ça ferait danser Morrisson. Il remplit son sac avec du vent et il croit qu'il prendra son homme. Je pense qu'il ferait mieux de remplir la poche de sa vèze avec du " hot scotch " et du " porridge "! Avec ça il aurait plus de chance d'attraper son Jack.

Aujourd'hui il n'y a pas moins que quatre-vingt hommes, je crois, qui font la chasse à Morrisson. Ils le relancent dans tous les coins et racoins des bois. Lorsqu'ils reviennent au village, un habitant leur dit : L'anguille brûle ! Et puis c'est tout. Lorsqu'ils retourneront à Montréal ils pourront, comme ces chasseurs qui avaient passé six jours à la chasse aux canards sans avoir rien tué, dire à leurs amis. " On n'en a pas tué, mais on leur a joliment chauffé le derrière ".

Quand le
juge Dugas a vu qu'il était dans les patates avec ses soldats, il a cru qu'il ferait bien de mettre de la religion dans son affaire. De la religion, tu vas voir comment il s'y est pris. Il est allé voir les ministres protestants et leur a demandé de lire un mandement au prône pour défendre aux gens de donner à couvert ou à manger à Morrisson. Je t'en fiche. Les ministres étaient tous de la mauvaise religion et, tu comprends, ça n'a pas produit aucun bon effet. Va donc parler d'excommunication à des protestants.

Aujourd'hui c'est un vrai pique-nique dans le comté. Les soldats de Québec ont apporté de la viande avec eux et plusieurs bouteilles de sirop d'avoine. Quand ils ont passé la journée à faire la chasse dans les bois, ils reviennent au village tout essouflés et couverts de vase de la tête aux pieds. Ils ont l'air de vrais mardi-gras. Le soir ils s'amusent au "all-four " et à la brisque. Les plus argentés jouent aux " cœurs " pour des coppes, en se rinçant la dalle du cou.

Je te dirai franchement mon opinion sur Morrisson. Je crois qu'il est trop fûté pour la police. Il parle au diable cet homme-là. Des sorciers comme lui, je pense qu'il n'y en a pas deux comme lui dans le pays.
Cimetière GESLA entre Scotstown et Stornoway



Et puis mon cher, dis-moi. Penses-tu qu'on pendra cet homme-là lorsqu'on l'aura pris ? Bernique ! mon ami. Jamais il ne trouvera un jury, s'il y a un écossais dedans, qui le trouvera coupable seulement d'assaut. Des jurés anglais, écossais et " canayens " ça s'accordera jamais.

Laisse porter les choses. Mais que je te vois la prochaine fois à l'Abord-à-Plouffe, tu m'en donneras des nouvelles de Morrisson. Ça sera ce que je te dis. Arrive pour lui faire un procès, poche, pas de verdict. Des compliments chez vous.
Ton ami,
Come Bellehumeur






Alain Laprise 21 mars 2014


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