Colonisation de la région de Lac-Mégantic
Lors du Traité de Paris, en 1763, toute la partie orientale du Québec actuel n'était qu'une vaste forêt où l'amérindien vivait encore en liberté. Selon des documents historiques, dans notre région et dans celle de Lac-Mégantic, il y aurait eu une bourgade d'Abénaquis.
Traité de Paris 1763
La bataille des plaines d’Abraham du 13 septembre 1759 est devenue un des mythes fondateurs du Canada. Et pourtant, elle n’avait rien réglé. En effet, cette guerre se poursuivit aux quatre coins du monde. Elle dura sept ans, d’où son nom, et trouva son aboutissement à Paris le 10 février 1763.
Le traité conclu ce jour-là entre la France, la Grande-Bretagne, l’Espagne et le Portugal non seulement scelle le sort de la Nouvelle-France, mais jette les bases d’une profonde mutation politique qui touchera l’ensemble de la planète, à commencer par l’Amérique du Nord.
Récapitulons. Louis XV renonce au Canada.
Ce qui est moins connu, c’est que les frontières de ce Canada s’étendent jusqu’au Mississippi, à l’exception de La Nouvelle-Orléans. Le jour où les Américains voudront utiliser en toute liberté le fleuve géant, ils exigeront la possession de cette ville et se feront offrir, sans l’avoir demandé, le bassin ouest du Mississippi. Cette transaction qui trouve son origine dans l’article 7 du traité de Paris est connue sous le nom de « Louisiana Purchase », la transaction territoriale sans doute la plus énorme de l’histoire de l’humanité. Les États-Unis doublent alors leur territoire et commencent à se prendre pour toute l’Amérique. Pour les Français, les États-Unis deviennent l’Amérique tandis que les Américains, ne parvenant pas eux-mêmes à donner un nom à leur pays, se plaisent à dire America.
Au début, furre « The Thirteen Colonies », puis « The United Colonies of North America » et, au moment de l’indépendance, « The United States of America ».
En vain, les Américains se cherchèrent une identité : Columbia, Fredonia, Appalachia, Alleghania, Usona (United States of North America).
Avec America, on fait Américains ; avec Amérique, on devrait faire Amériquains. Bien sûr, avec États-Unis, on fait États-uniens.
Le mouvement même d’indépendance trouve son origine dans le traité de 1763.
Débarrassés de la présence française, les Américains n’ont plus besoin de la protection de l’Angleterre. Voilà près de 150 ans qu’ils sont victimes du harcèlement de leurs voisins franco-canadiens et de leurs alliés indiens. Pour eux, d’ailleurs, la guerre de Sept Ans a un nom bien précis: la «French and Indian War ».
Lorsque l’Angleterre décide de se rembourser des frais énormes occasionnés par le conflit, les taxes apparaissent. Elles provoquent le célèbre Boston Tea Party. C’est parti ! Au départ, moins du tiers des Américains songent à l’indépendance. Vingt ans plus tard, c’est chose faite. Cette année, les Américains soulignent les liens entre les deux traités de Paris, celui de 1763 et celui de 1783.
L’historien Colin Calloway les a résumés ainsi: «So in the 1763 Peace of Paris can be found the roots of the American Revolution and the American empire that followed» Un prestigieux comité préside à l’organisation de multiples activités sous le titre «1763 Peace of Paris. 250th Anniversary (completing the Commemoration of the French and Indian War)».
Les Français, pour leur part, viennent de redécouvrir le traité de 1763 et ont eu également l’idée de lier 1763 et 1783. Un important colloque de trois jours prévu en novembre 2013 réunira les ministères des Affaires étrangères, de la Culture et de la Défense. Il y aura certainement un historien pour rappeler qu’au moment de la signature du traité, le ministre responsable, le duc de Choiseul, avait prévu la suite. «Nous les tenons !», aurait-il murmuré en envisageant une rupture éventuelle entre l’Angleterre et ses colonies d’Amérique. C’était son prix de consolation!
Encore qu’il avait su réserver pour la France l’accès à deux richesses importantes: le poisson et le sucre, soit l’accès aux French shores de Terre-Neuve et la possession des «îles à sucre», dont Saint-Domingue qui assurera environ 40 % de la production sucrière mondiale et plus de la moitié de celle du café. Et ne parlons pas du bois d’ébène ! En somme, malgré le traité de Paris, la France s’engage, en stricts termes économiques, dans la période la plus productive de toute l’époque coloniale de l’Ancien Régime.
L’Angleterre, pour sa part, amorce sa période de domination mondiale qui survivra au schisme anglo-saxon provoqué par l’indépendance des États-Unis.
Lac-Mégantic
Arpentée en 1802 et érigée en cantons (townships) dès 1803, notre région est vouée à devenir un refuge aux immigrants d'Angleterre et aux Loyalistes venus des États-Unis.
Trois cantons sont délimités: Ditton, qui rappelle un écrivain célèbre mort à Londres en 1715; Chesham, qui rappelle une commune du Birminghamshire; qui serait une corruption de Pemberton, homme célèbre de la Grande-Bretagne. Ainsi sur la même ligne que le canton Newport, nous retrouvons le canton de Ditton, borné par Chesham à l'est, Hampden au nord et Emberton au sud.
À cause du manque de moyen de transport, ces cantons resteront inexploités pendant une soixantaine d'années. De 1861 à 1864, le gouvernement fit tracer à travers bois, un chemin reliant Scotstown à la rivière Arnold, au sud du Lac-Mégantic. Ce chemin connu sous le nom de chemin Hampden ; amenèrent dans la région les premiers explorateurs. La plupart provenaient de Cookshire, la dernière agglomération d'importance à l'ouest de cette région.
Le député John Henry Pope encourageait fortement la colonisation dans les cantons nouvellement ouverts. M. Pope avait acquis d'importantes parts de propriété dans ces régions, principalement dans le canton d'Emberton, où l'on avait découvert des pépites d'or en 1863. On ne trouva rien de précieux depuis.
John Henry Pope est né dans le canton d'Eaton, au Québec, le 19 décembre 1819. Il y grandit et y fit ses études. Ambitieux, il se consacra tout d'abord à faire de la ferme de son père l'une des meilleures du comté. Mais, suite à la Rébellion de 1837-1838, son implication dans la milice d'Eaton va l'amener à s'intéresser à la politique locale. C'est ainsi qu'au cours des années 1840, il devint représentant du canton d'Eaton au sein du conseil de comté de Sherbrooke. Antiaméricain convaincu, il s'opposa activement au mouvement annexionniste qui se manifesta dans les townships à partir de 1849.
Candidat défait dans Sherbrooke en 1851 et 1853, ainsi que dans le nouveau comté de Compton en 1854, il y est finalement élu sans opposition en 1858. Constamment réélu par la suite, il sera élu député conservateur à la Chambre des communes en 1867. Ministre de l'Agriculture dans le gouvernement Macdonald de 1871 à 1873 et de 1878 à 1885, il fut également ministre des Chemins de fer et des Canaux de 1884 à 1889.
Son implication politique ne l'empêcha pas de s'intéresser de près au monde des affaires, car dans une région en plein développement comme les Cantons de l'Est les occasions d'investir étaient nombreuses à commencer par l'exploitation forestière. Associé à Cyrus S. Clarke, de Portland dans le Maine, il devint propriétaire de la Brompton Mills Lumber Company, une vaste scierie située à Bromptonville.
Il fut également l'un des principaux promoteurs du chemin de fer international de Saint-François et Mégantic qui permit le développement ferroviaire du comté de Compton et qui fut vendue au canadien Pacifique en 1887. En plus de son implication active dans le développement et la colonisation de la région de Mégantic, Pope fut cofondateur de la Eastern Townships Bank, de la manufacture Paton de Sherbrooke et administrateur de la Compagnie des pouvoirs d'eau et de la Sherbrooke Gas and Water. Il s'intéressa également à l'exploitation minière. Décédé à Ottawa, le 1er avril 1889 à l'âge de 69 ans, il fut inhumé au cimetière anglican de Cookshire.
Dès 1864, Luther Weston construit un moulin à scie; il est le seul colon résident de la région. Dans le même temps, MM Horace Sawer, Georges Pennoyer et Horace French faisaient défricher dans le "West Ditton"; et y bâtissaient une maison en bois équarri, où vivra la première femme venue dans la colonie. Là naîtra le premier enfant. Élisabeth Moodey et son mari habitent cette maison en 1864 et le 26 mai 1865, naît John Henry Ditton Dawson.
Le 1er janvier 1864, Luther Weston revient de Cookshire avec deux autres Canadiens français, Joseph Roy et Cyrille Gaulin pour bâtir leur maison sur le lot 36 Rang V. C'était la deuxième construction, mais cette fois, en bois scié, puisque Weston avait construit un moulin à scie sur la rivière Ditton, dans le rang VIII. Pendant ce temps, Joseph Roy s'établissait sur le lot 19 rang IV avec Zéphirine Fontaine, son épouse, la première canadienne française à vivre dans la colonie.
Jusqu'en 1867, Luther Weston reste le seul colon résident de la région. L'acte fédéral de 1867, laissant à chaque province le contrôle exclusif des terres, favorisait le développement d'idées susceptibles d'accentuer le rythme de la colonisation. Dès cette année-là, plusieurs colons arrivent. Pour quelque temps, un va-et-vient continuel rend la situation inquiétante pour l'avenir du canton.
Pour assurer à l'œuvre une certaine stabilité, la législature adopte le 5 avril 1869 une loi permissive: l'Acte des Sociétés de Colonisation. Ces sociétés avaient pour but de rouvrir de nouvelles terres, d'attirer des recrues des vieilles paroisses et aussi des habitants émigrés au-delà de la frontière. En août 1868, 16 familles de Norvégiens étaient arrivées des États-Unis. En 1869 se fonde la première société, celle du Comté de Compton, composée d'éléments anglais et protestants. Au printemps, elle fait construire 13 maisons; une de ces maisons reçoit Adam Wright, premier résident du futur village de La Patrie.
L'abbé Jean-Baptiste Chartier, curé de Coaticook
1868-1877 L'abbé J-B Chartier, curé de Coaticook (1868-1877), est nommé agent de colonisation pour les Cantons-de-l'Est. Il organise une expédition pour explorer la région. Le 16 juin 1870, la colonie nouvelle est consacrée avec beaucoup d'émotion à la religion et à la patrie, au cours d'une messe solennelle célébrée dans le rang I, sur le lot 17 dans le canton d'Emberton.
Abbé Jean-Baptiste Cartier
NB- L'ensemble des faits rapportés dans cet écrit sur les origines de "La Patrie" ; sont tirés du livre "Paroisse St-Pierre de La Patrie" (Historique 1875-1990), ainsi que du livre du Centenaire lesquels ont été conçus et rédigés par l'abbé Gilles Baril.
La veille de la Fête-Dieu au bord du ruisseau Tétreau, sur le lot 19 du rang 1 on avait remarqué un arbre magnifique, de deux pieds et demi de diamètre. À la suite de M. Chartier qui donna l'exemple, chacun y donna son coup de hache. Le tronc équarri sur un de ses côtés, devint la table d'un autel. Le crucifix, les chandeliers, la devanture furent faits avec les branches ou l'écorce. À l'aide d'une pelle tirée du même bois, l'on creusa une fosse pour y planter une croix, formée de deux longues branches. L'installation terminée, on s'endormit aux bruits stridents des hiboux qui toute la nuit protestèrent contre cette invasion de leur domaine, jusque-là inviolé.
Le lendemain, jour de la Fête-Dieu, sous le dais de la forêt, en présence de toute la délégation, l'abbé Chartier célèbre les saints mystères et bénit la croix, symbole de la prise de possession. Dans une allocution vigoureuse, le missionnaire prédit des résultats grandioses de cette première mainmise. Après la cérémonie, M. Chicoine écrivit au verso de l'écorce pour le courrier de St-Hyacinthe, un récit de l'expédition. Notre correspondant terminait par ces mots; jamais à ce qu'il me semble, prière plus confiante ne monta vers Dieu et jamais paroles apostoliques ne passa aussi vibrantes dans des cœurs bien préparés à la recevoir.
La cérémonie tenait à la fois de celle qui marqua la prise de possession du Canada par Cartier, sur la pointe de Gaspé en 1534 et de la première messe célébrée à Ville-Marie, par le Père Vimont, en 1642. C'était l'installation, dans un monde vraiment nouveau, de l'Église et de l'État canadien.
L'avenir devait justifier les espérances des débuts. Les délégués rédigèrent le rapport suivant: les cantons de Ditton, Chesham, et Emberton sont réellement avantageux pour la colonisation et propres à former de bons centres de population; les sociétés de colonisation de St-Hyacinthe et de Bagot trouveront dans la partie des cantons qui leur est réservée, ce qu'il faut pour atteindre les fins qu'elles désirent obtenir. Après examen du sol, on déclare les terres riches et fertiles. Les explorateurs sont d'opinion que des colons devraient être dirigés vers ces terrains le plus tôt possible.
Pour peupler la région on fit appel surtout auprès des 400 000 Canadiens français exilés sur les territoires des États-Unis. M. Jérôme-Adolphe Chicoine fut officiellement chargé de cette campagne de rapatriement par le ministre de l'Agriculture, l'honorable John Henry Pope. M. Chicoine deviendra par la suite, responsable de la nouvelle colonie et recevra du gouvernement le titre d'Agent de colonisation. Le Révérend Gendreau, curé de Cookshire, et missionnaire à Ditton, offrit ses services pastoraux en venant célébrer une messe dans le canton une fois par mois.
La première fut célébrée le 30 septembre 1871. Elle eut lieu à l'étage de l'hôtel-bureau de poste au West Ditton où vivaient quelques familles.
Bientôt la communauté voulut trouver un endroit décent pour célébrer les offices. Le choix de l'emplacement de la future église fut très discuté. Le choix des autorités religieuses tomba sur un site situé trois mille plus à l'est (lot 27 Rang 4) et en septembre1873, une chapelle catholique y était construite, avoisinant les murs inachevés du temple protestant (construit en 1871. La terre de la fabrique comptait 56 arpents et avait coûté cent dollars
Le 8 octobre, de cette même année, le missionnaire célébrait déjà dans la chapelle encore inachevée. Les fidèles sont maintenant conviés pour la prière au son d'une cloche de 50 livres donnée par la paroisse de Stukley. Comme la paroisse n'a pas de clocher, on l'a installée provisoirement sur une énorme souche de merisier où elle restera jusqu'à la première procession de la Fête-Dieu en 1875.
Le 8 octobre, de cette même année, le missionnaire célébrait déjà dans la chapelle encore inachevée. Les fidèles sont maintenant conviés pour la prière au son d'une cloche de 50 livres donnée par la paroisse de Stukley. Comme la paroisse n'a pas de clocher, on l'a installée provisoirement sur une énorme souche de merisier où elle restera jusqu'à la première procession de la Fête-Dieu en 1875.
L'abbé Gendreau quitte la cure de Cookshire et la mission de Ditton à l'automne de 1874, pour une œuvre missionnaire aux États-Unis. Il finira ses jours à St-Hyacinthe. M. l'abbé Édouard Blanchard lui succède.
Le village de La Patrie en 1881
À ce territoire maintenant réservé aux Canadiens français, il fallait des noms patriotiques. Les colons anciens et nouveaux, s'assemblèrent à la sortie de la messe, le 3 mai 1875, et le nom de La Patrie fut choisi à l'unanimité, pour remplacer la désignation anglaise de Ditton.
Du 16 avril 1875, jusqu'à la fin d'octobre 1876 l'œuvre de rapatriement (sous la présidence de Jérôme-Adolphe Chicoine) augmenta notre population de 262 habitants venus de Québec et 424 rapatriés pour une population globale de 969 habitants.
L'année précédente un décret pontifical avait érigé Sherbrooke en évêché dont La Patrie relèvera. Personne ne pouvait être mieux accueilli que le nouveau titulaire, Mgr Antoine Racine.
C'est en effet le 4 juin 1875 que ce prince de l'Église foula pour la première fois, le sol de notre région, pour une visite pastorale. Il érigea le village en paroisse canonique sous le vocable de St-Pierre La Patrie.
Ce patron nous fut désigné pour perpétuer le souvenir de l'honorable Pierre Garneau, ministre de l'agriculture à Québec et également pour rendre hommage à M. le curé de Cookshire Pierre Edmond Gendreau, premier missionnaire de notre colonie.
Le diocèse de St-Hyacinthe nous fournit le prêtre dont nous avions besoin. Le 5 décembre 1875, M. Victor Chartier, alors vicaire à St-Simon de Bagot fut chargé en plus des missions de Chesham et d'Emberton et en vertu d'une entente entre Mgr Étienne Racine et le ministère de l'Agriculture stipulant que le curé serait l'assistant officiel de M. J.A. Chicoine dans sa fonction d'agent de la colonisation moyennant un traitement de 250 dollars par année.
Mgr Antoine Racine,
premier Archevêque de Sherbrooke
http://www.stjosephdesmonts.com/LAPATRIE/histoire.htm
http://www.meganticoises.qc.ca/
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