IRANIENNE
RETIRE LEUR VOILE
10 mai 2014
Ces Iraniennes qui retirent leur voile
La page "Libertés furtives
des femmes iraniennes" sur Facebook. Le rendez-vous de ces
Iraniennes qui jettent le voile et qui se prennent en photo.
Ce sont des jeunes filles, des mères
et parfois des grand-mères, toutes sans voile, obligatoire
dans l'espace public en république islamique d'Iran. Elles
sont au bord de la mer Caspienne ou du golfe Persique, à
Persépolis, à Shiraz, dans une voiture, dans les
montagnes au nord de Téhéran, sur l'autoroute qui mène
à Khoramabad, dans le sud-ouest du pays ou même dans la
ville religieuse de Qom. Elles jettent leur foulard et se prennent
en photo et envoient ensuite les clichés à la page
Facebook des Libertés furtives des femmes iraniennes.
« Trois générations
dans un seul cadre, écrit une jeune Iranienne qui a envoyé
la photo publiée ci-dessus. Grand-mère, mère et
fille, nous avons créé notre propre avenue Azadi
[située à Téhéran, azadi voulant dire
« liberté » en persan]. Que la prochaine
génération puisse obtenir ses droits les plus basiques
avant que ses cheveux deviennent tout blancs.
Est-ce que cela est un rêve
trop ambitieux ? »
A Tabriz, au nord-ouest du pays.
L’administratrice de cette page est
la célèbre journaliste iranienne Masih
Alinejad, exilée au Royaume-Uni. Sur sa page
Facebook, elle a d'abord proposé que les Iraniennes envoient
les photos sur lesquelles elles ont osé jeter leur voile. «
Toutes les filles et les femmes iraniennes ont affaire à des
restrictions et ne peuvent pas choisir librement leurs tenues.
Malgré ces limites, elles expérimentent parfois de
brefs moments de liberté. Cette page a pour vocation
d'enregistrer ces moments », écrit-elle dans la
description de la page.
Succès inédit
Lancée le 3 mai, la page
Libertés furtives des femmes iraniennes connaît un
succès impressionnant : aujourd'hui, elle compte 93 000
abonnés. Cette soudaine popularité est d'autant plus
parlante que Facebook est bloqué en Iran, tout en restant
accessible par le biais de différents logiciels anti
filtrage.
"Dans le désert de Dasht-é
Kavir, au centre du pays".
Sur
cette page, certaines femmes se sont prises en photo devant des
affiches prônant le bon respect du hidjab... Un explicite pied
de nez aux autorités.
« Sur ordre de la police, se
promener sur la plage sans tenues dignes est interdit et passible
d'une poursuite judiciaire », peut-on lire sur l'affiche
devant laquelle ont posé ces deux Iraniennes,
le foulard tombé sur les épaules, en train de faire un
bras d'honneur à l'affiche en question (photo publiée
ci-dessus).
"Les sœurs! Respectez le hidjab
islamique!", peut-on lire sur cette affiche.
Le commentaire qu'a envoyé une
autre Iranienne pour accompagner sa photo (ci-dessus) sans voile
devant une affiche invitant au respect du hidjab en dit long sur
cette nouvelle tendance, en progression depuis quelques années
parmi les Iraniennes. « Ma photo est bien parlante. Est-ce
qu'ils se demandent pourquoi beaucoup de filles se prennent en photo
sans voile
devant les affiches moralisatrices sur le hidjab ? Le message est
facile à comprendre », écrit-elle.
Au bord de la mer Caspienne, dans
le nord du pays.
Manifestations pour plus de contrôles
vestimentaires
Quelques jours après le
lancement de cette page, l'agence d'information semi-officielle
Fars, proche des gardiens de la révolution, s'en est prise à
son initiatrice, Masih Alinejad, la qualifiant
d'«antirévolutionnaire » qui cherche à
«abolir le hidjab».
Manifestation des bassijis contre le
relâchement vestimentaire, à Téhéran,
mercredi 7 mai.
Les plus conservateurs ont ensuite
multiplié les actions en faveur d'une surveillance plus
stricte des codes vestimentaires et du respect du hidjab. Mercredi 7
mai, un groupe de bassijis s'est rassemblé sur la place
Fatemi, dans le centre de Téhéran, et a continué
sa marche vers la place Valiasr. Les manifestants ont scandé
des slogans tels que « Homme ! où est passée ta
dignité ? Où est passé le hidjab de ta femme ?
» ou « Mort à celles qui n'ont pas de
hidjab ! »
Ils ont terminé leur
rassemblement par un communiqué exigeant la poursuite
judiciaire de celles ou de ceux qui ne respectent pas les règles
vestimentaires, ainsi que le renforcement des actions de la police
des mœurs, chargée du contrôle du hidjab des
Iraniennes. Le nombre de manifestants a été estimé
entre « des centaines », à en croire l'agence
d'information officielle IRNA, et «
quatre mille », selon le site très conservateur Serat.
Cette manifestation semble une mise en
garde explicite à l'adresse du président modéré,
Hassan Rohani, qui prône une approche plus souple en ce qui
concerne les contrôles vestimentaires. Or, la réponse
du gouvernement n'a pas tardé à tomber. « L'État
n'est pas d'accord avec les manifestations sans autorisation, et
celle qui s'est tenue mercredi était illégale »,
a annoncé le gouverneur de Téhéran, Hossein
Hachémi.
A l'approche de l'été,
chaud, la saison où les Iraniennes sont moins enclines à
respecter les codes vestimentaires, la guerre est déclarée
entre le gouvernement et les plus conservateurs.
Alain Laprise 11 mai 2014
Reproduction
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