Conditions de vie de nos
ancêtres, marins et des colons français suite 5
Sous le Louis XIV vers la Nouvelle-France
Tous nos ancêtres étaient à bord de ces navires.
« Récit dune conversation tenue entre il s'emporta fort et bien mal a propos.»
Copie conforme à
l’original
«Je venay de bord du vaissaux le Mercure metans le pied a mon bord je trouve mais officiers a droit et a gauche de mot qu'est venu me recevoir je les salué et ayant fait un pas en avant japersue Monsieur Dupierrie fils que je Salué aussy qui estet dans le devant de mon batiment qui estet venu a mon bord pour fairre prandre de l'eau.
Ayant entré en comersation nous tombames sur le chapitre dais femmes et dais aumonier, Je lui di quil a dais aumonier qui estet aussi genant a bord dun vaissaux
Corsaires Je luy repondy que je croyais que Ion punissait tous seux que
le meritait lais un dune fasson et lais autre dune autre il me dit que non je
luy demandé pourquoy il me repondy que dans leurs cors il ny avet que dais
gantizommes et dans le notre il ny avet que dais manant Je luy dy quil ny avait
point de regle sans equeseption, qui! se trouvet dans notre cors de tres
honeste gans et de bonne famille qui se trouvet obligé de prandre se party en
fautte de bien a quoy il ma repondu qui! sans trouvet rarement, et tout deun
coup le feu luy montant au vizage il me dit que je l'annuyay et quejavay moy
maimme lair d'un manant se servant en maimme tant de terme que le papier ne
permet pas que je sitte don je donne apancer. Ensuitte de quoy je luy dit quil ce
trompet que quoy quejaytay au servisse du marchandjaytay gantizomme comme luy.
Ne me faizent point d'autre réponce que de me dirre que javay lair deun manant, Et que sil prenet un baton quil me batonneret Je luy repondy que je netay point un homme a treter a coup de baton et quil ny avet jamay eu personne dans ma famille a treter de cette fasson quil navet qua sinformer dans lesquadre qui jaytay que jy avay dais parant et que mon perre estet lieutenant colonel dans le regimant de quoaquien et chevalier de St. Louis et que javay mon frerre ené capne dans le regimant Detrenel, autrefois mon conseil. M. Dupierrie mayant ecouté sait un peu apaizé et ma dit que sil setet emporté de la fason set a cauze que je lavay pas salué en entrant a mon bord, je luy dy quil avet tort que javayeu Ihonneur de luy fairre ma reverance mais que peutaitre comme il estet en avant il ne sans etait pas aperseu que je navay pas este ases mal elevé pour ne pas saluer un honestome quand je me trouvay a la proquesimité et que je me faisay toujour honneur de saluer toute sorte doneste gans.
Je pances que si monsieur pierrie est fache contre moy que sait aveq grand tort et que je devray estre plus faché que luy car dais coup de baton sais une chosse bien durre a un honeste homme.»
D'un incident survenu à bord de la goélette la Marguerite appartenant aux Leneuf de Beaubassin, de Louisbourg. La goélette est alors frétée par le roy et sert comme bâtiment d'approvisionnement dans l'escadre du duc d'Anville en 1746. Pierre Robin en est alors le capitaine.
Ne me faizent point d'autre réponce que de me dirre que javay lair deun manant, Et que sil prenet un baton quil me batonneret Je luy repondy que je netay point un homme a treter a coup de baton et quil ny avet jamay eu personne dans ma famille a treter de cette fasson quil navet qua sinformer dans lesquadre qui jaytay que jy avay dais parant et que mon perre estet lieutenant colonel dans le regimant de quoaquien et chevalier de St. Louis et que javay mon frerre ené capne dans le regimant Detrenel, autrefois mon conseil. M. Dupierrie mayant ecouté sait un peu apaizé et ma dit que sil setet emporté de la fason set a cauze que je lavay pas salué en entrant a mon bord, je luy dy quil avet tort que javayeu Ihonneur de luy fairre ma reverance mais que peutaitre comme il estet en avant il ne sans etait pas aperseu que je navay pas este ases mal elevé pour ne pas saluer un honestome quand je me trouvay a la proquesimité et que je me faisay toujour honneur de saluer toute sorte doneste gans.
Je pances que si monsieur pierrie est fache contre moy que sait aveq grand tort et que je devray estre plus faché que luy car dais coup de baton sais une chosse bien durre a un honeste homme.»
D'un incident survenu à bord de la goélette la Marguerite appartenant aux Leneuf de Beaubassin, de Louisbourg. La goélette est alors frétée par le roy et sert comme bâtiment d'approvisionnement dans l'escadre du duc d'Anville en 1746. Pierre Robin en est alors le capitaine.
Hécatombe dans l’équipage de la Renommée le jeudi 19 novembre 2009, par
Jean-Yves Le Lan
La Renommée est un navire de la Compagnie des Indes (500 tonneaux) qui
quitte le port de Lorient pour une opération de traite à Juda. Le navire part
le 22 décembre 1738 avec un équipage de 96 hommes (88 pour l’équipage de base
et 8 en complément) sous le commandement du capitaine Ignace Bart (ou Bazt) de
Port-Louis. Il y a aussi 9 passagers comprenant un aumônier et du personnel
pour Juda.
Après avoir chargé sa « cargaison humaine » composée de 460 noirs dont
207 hommes, 165 femmes, 59 garçons et 29 filles, la Renommée navigue vers la
Martinique. Le navire revient ensuite sur Lorient le 12 août 1740.»
Cette opération de traite triangulaire est une opération qui décime
l’équipage de la Renommée, probablement en grande partie par maladies. En
effet, il y a 47 personnes qui décèdent pendant cette campagne : 33 personnes
en mer ou dans les ports d’escale et 14 personnes à Juda et à l’île au Prince.
Le navire est obligé d’embarquer 19 marins en Martinique pour remplacer les
pertes subies.
Pour ceux qui auraient un ancêtre ayant embarqué sur ce navire, je donne
ci-après la liste des personnes décédées pendant ce voyage avec la date du
décès et les conditions quand elles sont précisées sur le rôle d’équipage.
L'expédition
méconnue de Mathurin Gabaret dans la mer des Antilles
Profitant de la minorité du roi Louis XIV et de la régence de la
reine-mère Anne d'Autriche, des groupes sociaux se révoltent. Ils sont soutenus
en cela par les puissances étrangères contre laquelle la France est en guerre
ouverte (Espagne) ou non (l'Angleterre). Le summum est atteint au cours des
années 1648-1652, période connue sous le nom de «La Fronde». Ces troubles civils
accentuent les difficultés financières du royaume et ont un impact sur la
marine de guerre. Certains officiers cherchent à s'employer dans d'autres pays
(en Suède pour les Duquesne, chez les États Italiens comme le commandeur de
Neuchèze) ou dans d'autres activités comme la guerre sur terre aux côtés des
troupes royalistes ou frondeuses (Guillaume Alméras). Aux autres, il reste la
guerre de course.
Mathurin Gabaret, officié de la marine du roi depuis 1621, est un
armateur comme bien d'autres de ses confrères (Abraham Duquesne, les Beaulieu,
Nicolas Gargot, etc.). Des actes notariés des années 1650 le montrent
propriétaire, en partie ou pour l'intégralité, de navires de commerce ou de
pêche. Il investit dans différents secteurs dont la course. Ainsi au début de
l'année 1650, il se saisit de deux pipes de vin d'Espagne sur une prise ramenée
par Nicolas Gargot, officier de marine rochelais parti en course sur le navire
Le Léopard de 300 tonneaux, avec 34 canons et 250 hommes. Cette nourriture a
sans doute servi à l'avitaillement de l'armement en cours. En effet, Gabaret
arme à La Rochelle le Phénix, de 350 tonneaux 30 canons, dont il a financé une
partie de l'armement. Au début de l'année, il possédait la moitié de ce
bâtiment, l'autre étant à Édouard Gould, un marchand irlandais. Le 8 novembre,
il rachète à Gould sa part et, le lendemain, partage l'armement du Phénix avec
Noël Poitel.
Mathurin Gabaret ne part pas immédiatement en course. Il sert dans la
flotte du duc de Vendôme, grand maître de la Navigation, qui bloque la Gironde
afin de faire tomber Bordeaux. La campagne terminée, il revient à La Rochelle
pour faire le radoub du navire. Cette opération est effectuée par Pierre
Moreau, maître-charpentier à La Rochelle, pour 450 livres tournois, selon un
contrat signé le 22 octobre 1650. Le carénage se déroule courant novembre, car
on sait que Mathurin Gabaret a quitté le port au 1er décembre 1650. On ne
connaît pas la composition de son équipage ni le nombre exact. On peut
cependant estimer la taille de cet équipage à 150 à 200 hommes. Parmi ceux-ci,
on trouve le fils de Mathurin, Jean Gabaret alors lieutenant de vaisseau, et
Louis (fils de Pierre de la branche des Gabaret d'Oléron), enseigne, pratique
courante à cette époque.
Aucun rapport de cette campagne n'a été retrouvé: chose peu surprenante.
Les documents ont pu disparaître pour diverses raisons, peut-être notamment,
afin de cacher les résultats de cette campagne.
En effet, dans ces années 1650-1657, les officiers de l'amirauté de
Brouage et de La Rochelle ne sont pas d'une grande probité. Nicolas Gargot
raconte que, lors du déchargement des navires La Nuestra Señora del Rosario et
La Santa María, il n'a été dérobé que peu de lingots et autres marchandises (19
marcs d'argent sur les 20 000 que contenaient les navires). Mais cela reste une
exception : Gargot rencontrera des difficultés avec les officiers de
l'amirauté, et il n'est pas le seul.
Divers documents d'archives nous fournissent quelques minces éléments
sur cette expédition en course de Mathurin Gabaret. On a déjà une confirmation
de celle-ci par une lettre du gouverneur Du Lion qui écrit:
«Vous avez assez de relations des côtes de ces pays-là. J'ai eu
l'honneur de vous en envoyer des mémoires, il y a plus de quatre ans, qui m'avaient
été dictés par un navigateur qui y avait fait un grand séjour. M. Forant et M.
de Beaulieu, capitaines des vaisseaux du roi, ont bien navigué dans ces
mers-là, et je crois que M. Gabaret le père y a été aussi.»
Parti de La Rochelle, Mathurin Gabaret sillonne dans le golfe du Mexique : plusieurs navires espagnols sont chassés. La plus grosse prise est faite dans les environs de Santa Marta (actuelle Colombie) : un navire y est acculé et détruit. Le succès fera que le lieu prendra, selon les gens de la région, le nom de la baie de Gabaret. Le chemin de retour est quelque peu étonnant. Au lieu de revenir directement, Gabaret effectue un crochet par le Canada. Parlant du Cap Salle en Acadie, Nicolas Denys dit : «en y passant en 1651, j'y rencontrai monsieur Gabaret, capitaine pour le Roi en la Marine, qui était mouillé et revenait de course dans le Golfe de Mexique».
Pourquoi passer par le Canada au risque de se faire intercepter au large
par les Espagnols ou les Anglais avec qui les relations ne sont pas excellent?
Rappelons que La Rochelle était l'un des principaux ports d'armement à
destination du Canada. Gabaret avait éventuellement prévu de vendre des
marchandises amenées ou capturées (absence de mention de la prise dans les
archives de l'amirauté de Charente Maritimes) et d'importer en métropole des
fourrures et autres produits coloniaux.
Entre la mention de Nicolas Denys en 1651 et le retour de Gabaret attesté par sa présence au port au mois d'octobre 1652, on ne connaît pas ce qui s'est passé au cours de la fin de cette campagne. Il semble qu'il n'ait pas mené son action en solitaire mais avec l'appui d'un autre corsaire. Je n'ai aucune certitude sur l'identité de ce corsaire, mais je pense que c'est sur ce navire que Louis Gabaret (cousin de Mathurin) servira comme lieutenant jusqu'en 1657, date à laquelle, à son retour, il est nommé lieutenant du vaisseau La Françoise commandé par Mathurin Gabaret. À cette date, plusieurs Français croisent dans ces mers comme corsaires ou flibustiers. C'est le cas notamment de Jérôme Augustin de Beaulieu, autre futur officier de la marine.
La famille Beaulieu, normande d'adoption, s'intéresse très tôt à la marine. Originaire du Valenciennois, cette famille de marchand tisserand essaime à la fin du 16e siècle vers la Normandie et obtient des lettres de naturalisation. Coïncidence ou pas, les Beaulieu sont liés à d'autres familles brabançonnes et font, sans doute, parti des personnes qui aident financièrement les Gueux de la mer. La branche normande des Beaulieu a donné plusieurs officiers de la marine aux rois de France mais aussi à ceux d'Espagne : un frère de Jérôme Augustin meurt sur les galions de l'armada, un autre (François) et deux oncles (Augustin et David) servent comme officiers sous Louis XIII et Louis XIV, tandis qu'une sœur épouse le marquis Ponce de León, officier général de l'Armada Real. La carrière de Jérôme Augustin comporte un blanc sur cette période, sauf qu'en 1658 il obtient commission du duc de Vendôme, grand maître de la Navigation, pour armer en course une frégate en Nouvelle-Hollande. Mais, d'après les archives américaines, il agissait déjà en 1657 dans les Antilles, de même deux ans plus tard (1659) avec d'autres corsaires étrangers. Il reviendra dans ces mers en 1663-1664 et en 1668-1669.
Les mers d'Amérique du Nord ne sont pas les seules qu'atteignent les corsaires français. Une autre expédition, plus mystérieuse encore, prend pour destination l'Amérique du Sud : c'est celle du chevalier de Fontenay.
La
mystérieuse «escadre» du chevalier Timoléon Hotman de Fontenay
La principale source de cette expédition est un récit qui a été publié
dans un Cahier des Amys du Vieux Dieppe avant la Seconde Guerre Mondiale.
L'auteur est méconnu mais il semble être un noble normand, engagé volontaire,
qui a une connaissance des affaires maritimes. Charles de La Roncière a utilisé
cette source partiellement. Il y a aussi un texte dans les Mélanges Colbert:
«La relation des voyages du sieur Accarette dans la rivière de la Platte et la
par la terre au Pérou et des observations qu'il a faites».
Tout d'abord attachons-nous aux principaux protagonistes de cette
affaire. Commençons par les armateurs. On trouve parmi eux un certain Gayen, un
gentilhomme parisien qui a investi 2000 livres et qui mourra au cours de
l'expédition lors d'une rixe. Il y en a d'autres mais, mis à part Gayen, on ne
connaît le nom que de deux autres et non des moindres : César Chappelain et
Charles Armand de La Porte de La Meilleraye. Le premier est secrétaire général
de la Marine de 1648 au 31 octobre 1658, date de sa révocation (sans doute à la
suite de l'échec de cette expédition) et de son remplacement par Louis
Matharel. Quant au sieur de La Meilleraye, cousin germain de feu le cardinal de
Richelieu, son implication dans la marine est importante à cette date. Après
avoir été nommé temporairement (1647) lieutenant général des vaisseaux et des
galères, il se retrouve quelques temps plus tard gouverneur de la ville de
Nantes. Il lui insuffle un certain dynamisme économique et architectural.
Mais La Meilleraye n'oublie pas son profit personnel : ainsi, entre 1650 et 1655, il arme une escadre de quatre à cinq navires corsaires sous le commandement d'Henri Danton de Pontezière et protège Nicolas Gargot de l'appétit du duc Daugnon. Cette escadre corsaire réalise plusieurs captures qui ne sont pas sans répercussions sur les relations diplomatiques avec les Provinces-Unies et les villes hanséatiques. En tant que fidèle membre de la famille de Richelieu, il poursuivra une politique coloniale. En octobre 1656, La Meilleraye envoie une escadre de quatre navires, sous Louis de La Roche Saint-André, à destination de Madagascar
Arrivée au Sierra Leone, il ouvre un pli cacheté où il est prescrit de
faire un détour par le Rio de la Plata, «le meilleur pays qui soit au monde» et
où deux grands galions chargent huit millions de piastres. Mais La
Roche-Saint-André avoue ne pas connaître la route de Buenos-Aires; et Rézimont,
un capitaine qui a indiqué ce coup de main, n'est pas plus instruit. Il
continue donc vers Madagascar. De cette expédition, il ne reviendra en
septembre 1657 qu'un seul navire en piteux état avec moins de 170 hommes.
Selon La Roncière, qui n'indique pas ses sources, La Meilleraye participe à l'armement de cette escadre du chevalier de Fontenay à destination de l'Amérique du Sud. Toutefois on constate que le navire qui revient de Madagascar s'appelle La Meautrice et que ce même nom apparaît dans la flotte de 1658. La composition géographique des armateurs montre une prédominance parisienne mais aussi sans doute normande, car l'armement est réalisé au Havre. Le choix des capitaines n'est pas anodin, ils sont trois : Daniel (le Normand), Job Forant (le Poitevin) et le chef de l'expédition Timoléon Hotman de Fontenay (le Parisien). On s'attardera surtout sur ces deux derniers.
Job Forant, fils de Jacques officié de marine, a commencé sa carrière
comme officier dans la marine hollandaise. Jusqu'alors les historiens (Jal,
Taillemite et Vergé-Franceschi) rappelaient qu'il avait servi dans ce pays mais
sans en fournir la preuve, reprenant une note inscrite dans son dossier
(Archives Nationales, Colonies, C7). Jacques, le père de Job, est signalé pour
des prises ramenées dans le port de Flessingue dans les années 1630. Il se trouve
aussi dans la flotte de l'amiral Tromp lors du blocus de Dunkerque. Job y est
aussi et sera plus tard capitaine dans l'escadre de Witte De Witt qui amène des
renforts au Brésil en 1646-1648. Mais il semble avoir commis un certains
nombres de méfaits au cours de cette campagne (plus gourmand ou moins malin que
les autres officiers) et il est contraint de déserter la flotte hollandaise.
On le retrouve au début des années 1650 à Dunkerque où il agit comme corsaire et commet un autre impair en attaquant un navire «diplomatique» hollandais, causant une blessure sérieuse à l'amiral Banckert. Ces agissements ne sont pas sans impacts sur l'expédition qui vient. Il est choisi car il connaît les côtes d'Amérique du Sud.
À mon avis, l'initiateur de cette expédition est Timoléon Hotman de
Fontenay. Chevalier de l'Ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, fils d'un trésorier
de France, il dirige des navires du roi mais aussi sert la cause des royalistes
anglais en 1651. Arrivé à l'île de St Christophe en 1652, sur une frégate de 22
canons, il s'entendit avec son supérieur, le commandeur de Poincy, pour
reprendre l'île de la Tortue sur le protestant Levasseur. Ce dernier étant
mort, il arrive avec M. de Tréval, neveu de Poincy, et est rapidement reconnu
par les habitants de l'île après avoir amnistié les assassins de son
prédécesseur. Gouverneur de l'île, il favorise la course contre les Espagnols
en fournissant des commissions à tous.
Selon Dutertre, «son inclination n'était qu'à faire équiper des
vaisseaux pour aller faire la guerre à Saint-Domingue, et sur la côte de
Carthagène, où il prenait tout ce qu'il sortait ou qui voulait entrer dans les
havres, de sortes que le commerce y était entièrement cessé». Les Espagnols
réagissent et s'emparent de l'île en 1654. Son frère cadet Thomas ayant été
conduit comme otage à Santo Domingo, le chevalier s'installa à Port Margot où
il tenta sans succès de reprendre la Tortue avec l'aide de boucaniers avant de
repasser en France. Il ramène avec lui sa fortune particulière qui comprend au
moins quelques esclaves. Au cours de son gouvernement, Timoléon Hotman a sans
doute connaissance de l'exploit réalisé 80 ans plus tôt par Drake dans le
Pacifique.
Les guerres en Europe
Il est bien renseigné sur les colonies espagnoles grâces aux flibustiers
mais aussi au flux de migrants juifs et hollandais qui commencent à quitter le
Brésil. Après la chute de l'île de la Tortue, je suppose qu'il a gardé ses
relations car son attaque ne s'effectue pas à n'importe quel moment. Depuis
1655, l'Espagne et l'Angleterre sont en guerre, ce qui a un impact sérieux sur
le commerce colonial. Les convois d'argent et d'or ne n'arrivent pas
régulièrement en Espagne et les marchandises coloniales s'entassent. La demande
en produits européens est énorme : les Hollandais sont conscient de cela et
obtiennent des autorisations pour commercer.
Le chevalier de Fontenay prépare minutieusement son expédition : trois
navires dont les frégates Le Gaspard et La Renommée (de plus de 20 canons
chacune) et la flûte La Meautrice; le tout avec 200 ou 300 marins, soldats et
volontaires. L'expédition part fin 1657, à une date inconnue. La traversée se
passe sans incident : on capture un navire flamand abandonné par son équipage,
et on rencontre un autre, Malouin, de plus de 1000 tonneaux, capitaine La
Gardelle. Les escales dans les colonies portugaises du Cap-Vert et du Brésil
permettent de trouver des rafraîchissements et un routier des côtes argentines,
mais plusieurs membres d'équipage en profitent pour déserter ou s'installer à
terre. Le 6 janvier 1658, on arrive devant Buenos Aires : la flotte s'installe
à l'entrée de la rivière de La Plata sur un îlot. Dans le port de Buenos Aires,
on compte alors 20 à 22 navires hollandais et deux anglais. Fontenay projette
de piller la ville, mais l'opération se passe mal. Lors de l'embarquement des
troupes, des chaloupes chavirent et le pilote, un marin anglais fraîchement
capturé, se trompe.
La troupe débarque dans un site marécageux et retourne aux navires. Fontenay n'est pas mécontent de cet échec, car son but est de franchir le détroit de Magellan. Il en informe ses lieutenants lors d'un conseil de guerre qui suit cet échec. Fontenay prépare son ravitaillement en envoyant des équipes chasser à terre et ramener tous les fruits possibles. Mais ce voyage n'est pas du goût de tous : Daniel, le capitaine de la Meautrice, s'oppose à Fontenay et se joue de lui en l'abandonnant pour retourner en France.
Forant suivra l'exemple du capitaine Daniel, mais son stratagème est
pernicieux. Il informe Fontenay que son équipage rumine, qu'on va vers la
mutinerie. Fontenay lui propose d'y envoyer des hommes de confiance contre les
mutins. Forant dit qu'il ne faut pas aller si vite mais que, s'il sent la
situation empirer, on appliquera ce plan. Fontenay en sera tenu informé lorsque
que lui et Forant se salueront le matin et le soir : si Forant dit qu'il fait
beau temps, cela signifiera que tout va bien; si c'est «mauvais temps», alors
Fontenay comprendra que l'équipage va se rebeller. Le stratagème dure une
semaine mais un matin le navire de Forant disparaît.
À la suite de cette seconde désertion, Fontenay continue seul le voyage.
Après quelques erreurs, il arrive devant le détroit de Magellan mais le temps
et le sentiment qu'il est difficile d'exécuter son opération seul, l'incitent à
rebrousser chemin. Le retour s'effectue dans des conditions exécrables : vents
contraires, mer déchaînée. Fontenay retrouve Forant dans le Rio de la Plata.
Celui-ci justifie son abandon en alléguant avoir été séquestré par son
équipage, mais il semble en réalité qu'il leur a opposé très peu de résistance.
Il a peut-être alors comme autre projet de s'emparer des navires dans la
rivière. Fontenay est du même avis : revenir sans rien mettrait en péril
l'armement dans lequel le chevalier a sans doute aussi des intérêts.
Mais le gouverneur espagnol ayant été averti de la présence de Fontenay et ayant fait libéré les prisonniers après la tentative de débarquement, fait ériger des défenses. Pendant trois semaines, les Français passent leur temps à se rafraîchir dans l'attente de la sortie d'un navire. Cela eut lieu un matin : trois navires hollandais sortent du port. Fontenay n'hésite pas à engager le combat contre le plus puissant des trois, jaugeant 1400 tonneaux. Mais il n'est pas soutenu par Forant qui n'attaque même pas les deux autres hollandais de cinq à six cents tonneaux chacun. Le combat fait rage : les pertes sont lourdes du côté français parce que les Hollandais ont installé quatre petits canons chargés de mitraille dans la dunette. Le chevalier de Fontenay meurt ainsi fauché par un boulet, mais le navire hollandais est pris. Y arrivant, Forant constate le décès de son chef et déclare que tous ceux qui veulent rentrer n'ont qu'à le suivre. Un certain nombre de soldats et marins sautent sur son navire, abandonnant leurs camarades qui se trouvent en infériorité numérique face aux Hollandais du grand navire, mais aussi face aux deux autres qui, voyant partir Forant, reviennent soutenir leur amiral.
Navires Hollandais et la guerre
Les Français en état de porter les armes ne sont plus assez nombreux et
ils sont fait prisonniers. Ils subissent alors des traitements inhumains de la
part de l'amiral hollandais, qui les parque sur le navire français contre
lequel il tire plusieurs fois à dessein de le couler, mais il se ravise car il
a perdu beaucoup de monde (plus de 60 morts); il lui faut donc reconstituer son
équipage. La suite du récit constitue les pérégrinations du conteur anonyme
pour obtenir sa libération et son retour en France.
Ce récit dont j'ai utilisé une version raccourcie amène aussi quelques
éléments sur la navigation : il est indiqué que l'on attrapait le poisson avec
des filets mais aussi que Fontenay avait une longue-vue et que pour la
navigation il se fiait plus au pilote et au plomb qu'aux cartes! Il n'avait pas
tort, car le routier portugais était faux.
Des conséquences de cette expédition, il y eut d'abord la révocation de Chappelain, car on sait que le capitaine Daniel mit près de sept mois pour retourner au Havre. L'autre conséquence fut la colère des armateurs : voilà qu'en 1659 La Meilleraye soutien le projet d'Abraham Duquesne. Celui-ci envoie un premier projet à Colbert, Matharel et le duc d'Aumont pour une expédition vers les «Indes du Pérou». Ils sont aussi séduits et l'invitent à envoyer un second projet au cardinal Mazarin. Duquesne le lui remet le 15 octobre 1659 : le projet n'a rien à voir avec celui du chevalier de Fontenay. On prévoit les cinq vaisseaux de La Meilleraye, cinq frégates armées à Brest, Concarneau et le Havre, dix chaloupes et barques longues que l'on ferait construire à Brest par Laurent Hubac; quinze mois de vivres, etc.
L'objectif du projet est double : exécuter un gros coup contre l'Espagne
pour l'amener à faire la paix et la forcer à autoriser les Français à commercer
avec les colonies. Mais il s'agit aussi obtenir réparation des cruautés
commises par les Espagnols sur les Français dans ces mers, que l'on clouait aux
mâts des navires! Mais Abraham Duquesne ignore que les négociations sont très
avancées avec l'Espagne. D'ailleurs la paix est signée le 7 novembre 1659.
Répartition des officiers et hommes d'équipage d'un vaisseau de 74
canons en 1780
Comparaison entre les marines de France et de Grande-Bretagne.
Fonction
France
Angleterre
à bord du vaisseau Équipage
Capitaine commandant
|
1
|
-
|
Capitaine en second
|
1
|
-
|
Lieutenant
|
4
|
4
|
Enseigne
|
4
|
-
|
Total des officiers de vaisseau
|
10
|
5
|
Officiers de l'infanterie embarquée
|
2
|
3
|
Écrivain ou purser
|
1
|
1
|
Aumônier ou chapelain
|
1
|
1
|
Chirurgien major
|
1
|
1
|
Total des autres officiers majors
|
3
|
3
|
Garde marine, volontaire ou midshipman
|
16
|
16
|
Maître pilote ou master
|
1
|
1
|
Second pilote ou master's mate
|
2
|
3
|
Aide pilote
|
4
|
-
|
Total des officiers-mariniers de pilotage
|
7
|
4
|
Maître d'équipage ou boatswain
|
2
|
1
|
Second maître d'équipage ou boatswain's mate
|
2
|
2
|
Contremaître
|
3
|
-
|
Quartier-maître
|
15
|
10
|
Bosseman ou yeoman of the sheets
|
2
|
4
|
Patron de chaloupe ou de canot
|
3
|
1
|
Total des officiers-mariniers
de manœuvre |
27
|
18
|
Maître canonnier
|
3
|
1
|
Second canonnier ou gunner's mate
|
3
|
2
|
Chef de pièce ou quarter gunner
|
37
|
18
|
Responsable de la soute aux poudres
|
-
|
2
|
Total des officiers-mariniers de canonnage
|
43
|
23
|
Maître charpentier
|
1
|
1
|
Second charpentier ou carpenter's mate
|
1
|
1
|
Aide-charpentier
|
4
|
8
|
Maître calfat
|
1
|
-
|
Second calfat
|
1
|
-
|
Aide-calfat
|
4
|
-
|
Maître voilier
|
1
|
1
|
Second voilier ou sailmaker's mate
|
1
|
1
|
Aide voilier
|
2
|
2
|
Total des officiers-mariniers de réparation
navale
|
16
|
14
|
Maître armurier
|
1
|
1
|
Aide armurier
|
1
|
1
|
Maître d'armes
|
-
|
1
|
Caporal d'armes
|
-
|
2
|
Total des maîtres et aides chargés des armes
|
2
|
5
|
Total des officiers-mariniers et gens de
métier
|
95
|
64
|
Second chirurgien ou surgeon's mate
|
2
|
3
|
Aide-chirurgien
|
2
|
-
|
Apothicaire
|
1
|
-
|
Maître d'école
|
-
|
1
|
Secrétaire du capitaine
|
1
|
1
|
Total des employés divers
|
6
|
5
|
Coq
|
1
|
1
|
Boucher
|
1
|
-
|
Boulanger
|
1
|
-
|
Commis aux vivres ou steward
|
2
|
2
|
Maître valet
|
2
|
-
|
Tonnelier
|
1
|
-
|
Total des préposés aux vivres
|
8
|
3
|
Domestiques des officiers
|
20
|
10
|
Matelots
|
427
|
449
|
Mousses
|
65
|
43
|
Total des matelots mousses
|
492
|
492
|
Sous-officiers et soldats d'infanterie
|
118
|
96
|
Total des hommes embarqués
|
770
|
697
|
Gens
de métiers venus en Nouvelle-France
Les engagés sont des hommes et des femmes sans grandes ressources qui
passaient un engagement avec un colon ou un marchand pour être à leur service
quelques années (les plus souvent trois ans d’où leur surnom de trente-six
mois) moyennant un salaire en argent ou en nature. De plus les frais de
passage, le gîte et la nourriture leur étaient défrayés. Les contrats
d’engagement mentionnaient souvent l’âge, le lieu de naissance et le
métier des recrues et aussi parfois le navire d’embarquement avec le nom du
capitaine.
On estime à 3900 le nombre des engagés pour tout le régime français. Les
deux tiers soit 2600 sont arrivés entre 1608 et 1699 et seulement 614 d’entre
eux sont connus pour cette période et entre 1700 et 1758
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