Conditions de vie de nos
ancêtres, marins et des colons français partie 1
Sous le Louis XIV vers la
Nouvelle-France
Tous nos ancêtres étaient
à bord de ces navires.
Le recrutement
Dans les campagnes, les capitaines enrôlent souvent sur les
terres de leurs parents, jouant des fidélités locales à une famille. Dans les
villes, on pratique le racolage les jours de marché: autour d'un pot, les
sergents recruteurs bonimentent les « amateurs de gloire et d'argent ».
Célibataires fuyant les créanciers ou une paternité imprévue, jeunes paysans
naïfs venus en ville sont enivrés de généreuses rades de vin jusqu'à boire à la
santé du Roi, ce qui signe leur engagement. Plus les besoins augmentent, plus
il y a d'abus: ceux qui contestent sont séquestrés dans l'obscurité d'une cave
de cabaret, un « four », jusqu'à ce qu'ils cèdent. De même, on enrôle de
forces les vagabonds et les délinquants mineurs, remis par le guet des villes
aux recruteurs.
Volontariat ou
conscription
Il ne suffit pas d'avoir un navire, il faut aussi des hommes
pour les diriger, pour manœuvrer et pour se battre. Un gros vaisseau de ligne
occupe au minimum cinq cents hommes.
Traditionnellement, on fait appel pour cela aux « gens
de mer «» marin, sur la base du volontariat. Mais la marine Royale de Louis
XIII et Louis XIV n'attire pas. Pour le commandement des vaisseaux, on crée
alors, en 1669, un corps d'officiers spécialement formés. Le recrutement des
équipages est plus rude: quand le besoin s'en fait sentir, on
bloque les issues d'un port pour y rafler tous ceux qui s'y trouve, pêcheurs, marins ou jeunes passants, et on les embarque de force. Évidemment, ce système de la « presse » n'encourage pas les vocations. À partir de 1689, il est remplacé par une manière de conscription. Les hommes inscrits sur les rôles sont susceptibles d'être appelés à n'importe quel moment. C'est ainsi qu'en 1692, les équipages de Terre-Neuve qui arrivent aux Sables-d'Olonne
Galères sous Louis XIV
sont immédiatement mobilisé, avant même d'avoir pu se débarrasser de leur cargaison.
bloque les issues d'un port pour y rafler tous ceux qui s'y trouve, pêcheurs, marins ou jeunes passants, et on les embarque de force. Évidemment, ce système de la « presse » n'encourage pas les vocations. À partir de 1689, il est remplacé par une manière de conscription. Les hommes inscrits sur les rôles sont susceptibles d'être appelés à n'importe quel moment. C'est ainsi qu'en 1692, les équipages de Terre-Neuve qui arrivent aux Sables-d'Olonne
Galères sous Louis XIV
sont immédiatement mobilisé, avant même d'avoir pu se débarrasser de leur cargaison.
En réponse aux protestations, l'administration leur répond
qu'ils n'ont qu'à se débrouiller avec les invalides et les estropiés demeurant
dans le pays.... En temps de guerre, on tente d'inclure dans ce système tous
ceux qui on un lien avec l'eau, les mariniers, les bateliers... et même ceux
qui pêchent en barque sur les rivières.
La répartition du budget de la Marine
Le budget de la Marine entre 1715 et 1740 tourne
autour de 10 millions. Ce budget implique 2 millions pour les soldes des
personnels permanents, 1,7 million pour les colonies (incluant les bases
navales), 1,6 million pour le Corps des Galères alors déjà très contesté dans
son existence, mais disposant d'appuis solide), 1 million pour les phares les fortifications côtières et portuaires,
l'entretien des arsenaux et celui des milices et douanes côtières. Il reste
donc pour la construction et l'entretien des navires, mais aussi l'armement
(coûts liés au fait de rendre et maintenir opérationnel un bâtiment tenu en
réserve), au grand maximum 3 à 4 millions, sachant que l'entretien et la
construction (postes relativement fixes parce que planifiés là où l'armement
est purement fonction des besoins) coutent en permanence autour de 2,5
millions
Les performances d'un navire en bois changent beaucoup au cours de sa vie. Cette durée de vie étant en moyenne de 12 ans au minimum jusqu'à 20 ans pour les mieux construits, avec une possibilité d'extension via la reconstruction qui peut rajouter une dizaine d'années. Le résultat est qu'une flotte opérationnelle a ainsi un ensemble de coques aux performances très hétéroclites.
La reconstruction ne concerne que les meilleurs navires, et les performances ne sont pas forcément conservées, notamment dans la pratique du tir par bordées qui est de toute façon impossible après une dizaine d'années de service, les structures se fatiguant vite sous cette contrainte extrêmement brutale. Mais la reconstruction est une nécessité étant donné qu'elle coûte 20 à 30% de moins qu'une construction neuve.
Les coûts impliquant la construction, l'équipement et l'armement d'un bâtiment de 1er rang (plus de 100 canons, 3 ponts) coûte en moyenne 1 million de livres. Un 2e rang (74 à 92 canons) coûte en moyenne autour de 750 000 livres. Un 3e rang (autour de 64 canons) coûte autour de 540 000 livres, et un 4e rang autour de 430 000 livres. Tous les navires coûtent, durant leur vie opérationnelle première de 10 à 20 ans (hors reconstruction), presque 150% de leur coût de construction pour leur entretien (essentiellement les 3 grands radoubs qu'ils subiront en moyenne).
La dicsipline
Il faut lutter contre l’absentéisme des officiers et leur
apprendre à se soumettre à la hiérarchie. En effectuant des contrôles, on fait
aussi la chasse aux officiers qui trichent
sur le nombre de leurs hommes, ce qui leur permet d'empocher
des primes d'engagements non justifiées: lors des revues des troupes, ou
« montres », ils engagent des figurants, surnommés «
passe-volants», pour faire nombre...
Il est mal vu de se marier sous les drapeaux et toutes les
femmes sans emploi prises à « gueuser » avec des soldats sont fouettées
publiquement; puis on leur fait des entailles sur le visage pour les priver de
leurs charmes....
La discipline militaire est aussi sévère: les fautes légères
commises par des soldats par les soldats pendant le service sont généralement
punies à coups de canne. Pour les fautes plus graves, il y a le fouet et
l'estrapade « supplice militaire par lequel on lie les mains derrière le
dos du soldat et on l'esclavon avec une corde fort haut en l'air, et puis on le
laisse tomber presque près de terre, en sorte que le poids de son corps lui
fait disloquer les bras.
Le plus grand problème de l'armée est la désertion. Elle
prend des proportions énormes, en particulier au moment des conflits et dans
certains corps, comme les milices. À partir de 1684, la peine de mort pour les
déserteurs récidivistes est remplacée par les galères, après avoir marqué le
coupable au fer rouge d'une fleur de lys sur chaque joue et l'avoir amputé des
oreilles et du nez!
Les Galères
En 1662, Colbert écrit:
« Sa Majesté désirant rétablir le corps de ses galères
et en fortifier la chiourme par toutes sortes de moyens. Son intention est
qu'on y condamne le plus grand nombre de coupable qu'il se pourra et que l'on
convertisse même la peine de mort en celle de galères »
Séducteurs — meurtriers - bohémiens - protestants - Etc.
- tous coupables
La recommandation cynique de Colbert va être appliquée avec
zèle: plus de trente-cinq mille « 35,000 » hommes y sont envoyés dans les
quarante « 40 » années suivantes et seulement 20% d'entre eux sont des
meurtriers.
Pêle-mêle condamnés
Philippe Lorcet, condamné à perpétuité pour « vol de
mouches à miel » c'est à dire d'abeilles.
Pierre Bolery, cinq ans pour « séduction d'une jeune
fille sans promesse de mariage, lui étant marié, et donc cette jeune fille a un
enfant ».
Guillaume Bossery, garçon, perruquier, cinq ans pour «
avoir porté à la boutonnière sans aucune qualité un cordon rouge à peu près semblable
à celui de Saint-Louis».
À côté de ces « droits communs », on trouve également
des paysans révoltés et faux sauniers, qui présentent environ un tiers des
condamnés.
Systématiquement pourchassés à partir de 1682, les Bohémiens
« gueux errants, vagabonds et libertins qui vivent de larcins, d'adresse
et de filouteries », viennent eux aussi renforcer la chiourme... tout comme les
Protestants.
Religieux et gentilshommes sont quant à eux très rares car
le plus souvent leur peine est commuée. La condamnation du banquier La Noue à
neuf ans en avril 1702 reste une exception qui fit alors événement.
Pape Innocent X
Par ailleurs, par la grande bonté de sa Majesté le Roi, les
galères acceptent les étrangers. Pour s'approvisionner en hommes, des accords
ont été conclus avec différents États, Savoie, principautés d'Allemagne et même
avec le Pape : à charge pour eux de livrer le condamnés à leurs frais à
Marseille.
Protestants
Archive de décès de Catherine Henriette de la Tour le 4
avril 1677 Protestante, d'Auvergne, Marquise de la Moussaye en Bretagne ,
France
Il n’y eut que peu de foyers protestants, animés
essentiellement par quelques familles nobles : La Moussaye, Gouiquet, Du Rocher
et Doudart dans les régions de Quintin, Plénée-Jugon, Moncontour,
Plouër-sur-Rance, Perret. Le reste de la communauté se composait de leurs
domestiques et des colons.
Après la révocation de l'Édit de Nantes, environ mille cinq
cents protestants ont été
envoyés aux galères. Les condamnés enchaînés sont conduits à
Marseille par des entrepreneurs privés, les capitaines de chaîne. Un tiers des
condamnés succombe soit pendant le trajet entre la prison et Marseille, soit
dans les trois ans qui suivent l'arrivée.
Après un séjour en prison, le condamné aux galères est
envoyé à Marseille. Les hommes sont enchaînés par le cou deux par deux, à coups
de masse, la tête posée sur l'enclume... Puis on les relie tous ensemble par
une longue chaîne qui passe entre chaque couple. On peut ainsi réunir de cent
cinquante à condamnés en un seul envoi.
Il y a trois grands centres de départ: Paris, Bordeaux et
Rennes
Les convois se forment en général entre avril et septembre
et mettre environ un mois pour rejoindre leur destination, Marseille... à pied.
Affaiblis par la détention, écrasés par le poids de plusieurs dizaines de kilos
de chaînes, les hommes se traînent sur les routes à raison de vingt à
vingt-cinq kilomètres par jour, « souvent la pluie sur le corps, qui ne
séchait qu'avec le temps, sans compter les poux et la gale ».
Le voyage est rendu encore plus inhumain par les violences
du « capitaine de chaîne » et de l'escorte qui trafiquent sur les rations
et font régner la terreur dans les rangs. Seuls ceux qui ont de l'argent
peuvent manger à leur faim et échapper aux coups de cross, de nerfs de bœuf, de
marteaux!
Les révoltes, fréquentes, sont écrasées dans le sang. Dans
ces conditions, les pertes sont énormes et les survivants dans un état
déplorable. Pour assurer un bon renouvellement de la chiourme, l'État tente
d'améliorer ces transports, en associant une cuisine roulante et un chirurgien
à chaque chaîne, en limitant l'usage de la violence, en obligeant les
conducteurs à transporter les plus faibles et les plus malades en charrette.
Mais la chaîne reste une terrible épreuve: sur les trois cent quatre-vingts
hommes qui quittèrent Paris en janvier 1712, cinquante-quatre meurent en route
et cent dix-neuf arrivent en charrette à l'état de mourants.
Les bagnards
travaillent
Première arsenal de galère en France
Dès son arrivée, le forçat est affecté à une galère. Il y
passera tout le temps de sa peine. Mais celle-ci ne consiste pas seulement à
ramer dans des conditions épouvantables; la plus grande partie de l'année, les
galères restent à quai. Le travail est obligatoire: construction de l'arsenal,
creusement du port, manufacture d'ancres, voilerie en occupent le plus grand
nombre. D'autres sont employés en ville par les artisans: les galères sont
remplies de « gens de tous arts et de métier » dont les compétences sont
recherchées... d'autant que leur travail est payé quatre fois moins que le prix
normal. Certains sont même domestiques chez les bourgeois.
« Ceux qui ne savent d'autres métiers que faire des
bas, écrire, broder, peindre... » restent à bord, tandis que quelques-uns sont
autorisés à tenir une échoppe sur les quais. Si l'argent qu'ils gagnent ainsi
améliore l'ordinaire, il est aussi la source d'innombrables trafics car les
argousins prélèvent abusivement une part du revenu. Les galériens sont partout
reconnaissables avec leurs chaînes, les bas, le bonnet et la casque rouge, le
crâne rasé complète l'uniforme de l'infamie.
Mais on ne coupe pas les cheveux pendant l'hiver... et c'est
alors les tentatives de fuite sont les plus fréquentes. Car on ne quitte pas
facilement les galères. Pour être libéré, il ne
Ne suffit pas d'avoir fait son temps. Philippe Chabot,
condamné à dix ans en 1670 pour vol de poireaux, n'est libéré que vingt-sept
ans plus tard! On rencontre aussi parfois des vieillards de plus de
quatre-vingts ans... Pour eux comme pour les malades et les infirmes, plus
question de ramer. Ils attendent la mort sur une galère ou bien à l'hôpital.
Navires de
guerres français et anglais
À l'inspiration de Colbert et au prix d'un énorme effort
collectif, le royaume de France s'est doté d'une formidable flotte de guerre
qui en fait la première puissance navale européenne d'alors: de tente et une
unité en 1661, elle monte jusqu'à cent cinquante-quatre en 1691.
Les plus gros navires jaugent 2,500 tonneaux et mesurent 60
mètres de long pour 15 mètres de large. Les coques sont en bois de chêne, les
mats en sapin. Un seul vaisseau à deux ponts nécessite la coupe de près de
trois mille arbres.
Les cordages et les voiles sont faits de chanvre. Chaque
vaisseau est aussi une œuvre d'art, ses balustrades, ses figures sculptées et
peintes.
Qu'est ce que
un Corsaire ou pirate?
Vu du point de vue du navire attaqué, la différence ne saute
pas aux yeux. Les deux se lancent à l'abordage de son navire pour le
dépouiller.
Le corsaire est titulaire d'une "lettre de marque"
en provenance d'un État (pas forcément le sien) et il ne doit attaquer que des
navires de commerce d'un pays ennemi en temps de guerre. Il doit ensuite
soumettre des prises à la décision d'un "tribunal de prise" qui
jugera si ces conditions ont été respectées.
Un procès par navire capturé ... on imagine les frais et les
délais. Les tribunaux de prise étaient considérés comme un fléau mais, quand on
était corsaire pour le compte de la France, on n'y échappait pas.
Entre pirate et corsaire, l'équilibre est toujours instable.
Tout bon forban rêve de posséder une lettre de marque, (l’assurance-vie qui lui
évite en principe, en cas de capture, d'être pendu haut et court pour
piraterie), mais sans les contraintes des tribunaux de prise. Un tel rêve fut
réalisé dans les eaux américaines, où la présence étatique était faible. Les
corsaires jouissant de ce statut de contrôle allégé étaient des
"flibustiers".
La vie à bord
Beaucoup de ceux qui s'engagent comme pirates sont déjà
marins et savent ce que voyager en mer signifie. Pourtant, les campagnes sont
parfois longues, la patience des hommes est
Mise à l'épreuve et le manque de nourriture peut se faire
cruellement sentir. Pour maintenir fermement l'équipage, le capitaine, seul
maître à bord, impose une discipline sévère qui peut entraîner des révoltes
chez les marins. Afin de limiter les soulèvements, les bagarres et les
injustices, les flibustiers des Antilles établissent des codes de conduite bien
définis qui s'appliquent à tous les membres de l'équipage.
Ceux qui s'engagent dans la piraterie rêvent de fortune et
d'une vie meilleure, mais ils se retrouvent souvent dans une aventure où il y a
peu à gagner. Le bateau se transforme en véritable prison flottante où sont
distribués coups de fouet et corvées, et où la nourriture manque. Les révoltes
sont alors fréquentes.
Les flibustiers avaient mis en place des règles de
conduite strictes afin que à bord soit juste pour chacun. Ainsi capitaine est
élu par l'équipage et peut tout aussi bien le destituer de son poste s'il ne
convie pas. Une personne est choisie pour les disputes. La plupart des règlent
prévoient que le butin soit distribué équitablement et que l’homme est perdu un
membre lors des assauts soient indemnisés. En revanche, ceux qui désertent leur
poste de combat, volent à bord prennent le risque d'êtres abandonnés sur une
île déserte.
En réalité, comme nous l'avons vu plus haut, la piraterie
des îles s'insère dans un système dont le cœur est aux Provinces Unies, et il
est fictif de faire trop de distinctions entre d'une part une Europe où la
distinction pirate ou corsaire serait respectée à la lettre, et d'autre par des
îles exotiques où l'anarchie règnerait en maître.
En sens inverse, la puissance étatique rêve de transformer
le corsaire en officier de marine, un officier de marine qu'elle n'aurait pas à
payer mais qui attaquerait toute cible que l'autorité lui désignerait, qu'il y
ait ou non possibilité de s'emparer d'une cargaison pour se rémunérer. C'est
beaucoup demander.
Les intérêts ne convergent pas aisément, et le recours aux
corsaires est toujours un pis-aller que les États cessent d'utiliser quand leur
marine de guerre devient suffisante.
Un navire corsaire est petit pour rester maniable. Dans
l'idéal, c'est une frégate.
Ce qui caractérise d'abord un navire corsaire, c'est
l'entassement. Le capitaine devait en effet prévoir que le combat pouvait
causer beaucoup de morts et qu'ensuite, en cas de victoire, l'équipage devrait
pouvoir conduire non seulement son propre navire mais aussi le navire capturé ;
un nombre insuffisant de survivants sur le bateau corsaire l'obligeait à
"embaucher" pour la manœuvre des matelots du navire capturé et
l'exposait au risque de "rescousse". L'entassement des marins était
une caractéristique des bateaux pirates ou corsaires, le seul critère qui ne
trompait pas.
Les navires corsaires ou pirates étaient experts en
tromperie. L'usage d'un faux pavillon ne les gênait en rien. Il arrivait qu'il ferme
ses sabords pour cacher ses canons (en sens inverse, un navire de commerce
pouvait peindre de faux sabords sur sa coque pour avoir l'air redoutable) ; ce
n'est donc pas sur de tels critères qu'un capitaine devait se fonder pour
savoir s'il était approché par un prédateur ; en revanche, quand l'observation
à la lunette révélait un nombre anormal d'occupants, il était temps de fuir, si
l'on pouvait.
En conséquence de cet entassement, dès que le voyage est un
peu long, les provisions sont insuffisantes faute de place où les mettre, et la
faim est du voyage quelle que soit l'éventuelle bonne volonté du capitaine pour
nourrir ses hommes correctement (cette volonté existait parfois ; Jean Bart
essayait de nourrir ses marins de bon fromage de Hollande).
Ajoutez à cela les maladies, les blessures, le danger.
Le corsaire est un professionnel du combat inégal, d'où des
techniques de combat très particulières.
Les corsaires dunkerquois ont inventé la frégate, navire
plus petit et plus maniable que le vaisseau de ligne. Dans le meilleur des cas,
le capitaine corsaire commande une frégate d'une trentaine de canons (contre
plusieurs centaines pour un vaisseau) ; plus souvent, s'il n'a pas encore fait
fortune, il opère à partir de n'importe quoi qui flotte.
L'objectif est donc d'éviter que le combat soit un échange
de coups de canon, non seulement à cause du déséquilibre des puissances de feu,
mais aussi parce que le corsaire, dont les motivations sont économiques, espère
ramener une prise en bon état.
Pour approcher de sa proie, toutes les ruses sont de mise, y
compris l'usage de faux pavillons.
Obtenir une reddition sans combat est l'idéal. Elle se
produit assez souvent, pour de multiples raisons. Soit parce que le navire
attaqué est un navire marchand sans capacité militaire. Soit parce que
l'équipage est terrorisé, soit encore par tactique, pour provoquer la
"rescousse", c'est à dire la "ré-secousse", le deuxième
combat.
Il importe ici de connaître un point de la bizarre
jurisprudence des tribunaux de prise : lorsqu'un navire a été capturé par un
corsaire et qu'il est repris par son équipage lors de la
"ré-secousse", le navire et la cargaison appartiennent aux marins qui
l'ont repris et non aux propriétaires d'origine.
Il peut donc être approprié de se laisser capturer (à
condition d'être certain de tomber dans les mains d'un corsaire). En effet, le
vainqueur est bien ennuyé, car il doit conduire deux bateaux avec l'équipage
d'un seul. Les prisonniers finissent donc parfois par se voir
"embauchés". Il arrive même qu'ils se voient confier la tâche de
conduire au port leur propre navire pour le compte de leur vainqueur,
accompagnés par une poignée de gardiens. Certes, la poudre du navire prisonnier
est mouillée, ses canons sont cloués, et le vainqueur navigue à proximité. Mais
tout peut quand même se produire. Pour peu que les vents séparent les deux
navires et que les gardiens soient en petit nombre, l'équipage d'origine peut
espérer reprendre le navire.
Si le combat est décidé, le capitaine corsaire ouvre le
coffre qui contient les armes (celles-ci, en temps ordinaire sont sous bonne
clé : à bord, la confiance ne règne guère) ; il laisse chaque homme choisir la
sienne. Les armes à feu ont peu d'amateurs, leur recul est traitre dans
l'espace restreint du navire. Le choix type : une hache à la ceinture, un
couteau entre les dents, les mains devant être libres pour l'abordage. Le
capitaine, s'il tient à combattre avec élégance, choisira un sabre à lame courbe
(une lame droite s'enfoncerait dans la cuisse lors de l'abordage).
Le corsaire attaque si possible sa proie par l'avant (on
connait la chanson Au trente et un du mois d'aout :"Vire lof pour lof en
arrivant, Je l’aborde par son avant»); en tous cas il essaie d'éviter les
flancs et leurs rangées de canons alignés. Arrivé à proximité, il lance les
grappins pour l'abordage.
Si, par un rare malheur, la proie se défend et que le combat
s'engage, c'est la boucherie. Plusieurs centaines de morts sur un seul bateau
ne sont pas chose rare. D'abord pour des raisons techniques : le combat naval
est sans équivalent à terre. L'espace restreint du navire ne permet pas de
reculer d'un pas. L'expression "vaincre ou mourir" n'est pas une
exagération. Ensuite parce que la résistance de la proie chauffe à blanc la
fureur du corsaire, qui s'attendait à une reddition sans combat.
La capture est généralement suivie du "ploutrage"
(de l'anglais to plunder), c'est à dire d'un pillage obéissant à des règles
traditionnelles. Chacun a droit aux affaires de ses homologues.
Les matelots s'emparent des habits des matelots, l’écrivain
du bord saisit les plumes et le papier de son homologue ; on cite même le cas
de l'aumônier de L'Adroit, capitaine Chevalier de saint Pol, qui, en 1703,
s'empara des "cloches et chapelles" de son confrère du Ludlow.
La cargaison doit faire l'objet d'un jugement favorable du
tribunal de prise, qui doit la déclarer "de bonne prise", c'est à
dire enlevée à un pays ennemi en temps de guerre.
Après un jugement favorable, la marchandise peut être vendue
aux enchères, et son prix partagé. Le Roi et l'armateur se réservent la plus
grosse part, le reste est en théorie partagé entre le capitaine et ses hommes. En
réalité, pour que le matelot de base obtienne quelque chose, il faudrait qu'il
soit vivant à l'issue du procès, qu'il soit présent à Dunkerque, et qu'il ait
connaissance du jugement en temps utile. Toutes circonstances qui sont rarement
réunies.
En général, le seul paiement dont le matelot voit
concrètement la couleur consiste dans le produit du poutrage, ce qui n'empêche
pas les autorités de s'indigner de son comportement de pillard. Il convient
toutefois d'ajouter qu'une avance a été versée à sa femme avant son
embarquement, et que cette avance, malgré son nom, est définitive.
La Chambre de Commerce de Dunkerque, qui arme en course, a
un temps la velléité de donner à l'avance un caractère remboursable ; elle
s'indigne de ce que celle-ci reste acquise à la famille même si le matelot a
fait peu d'usage, par exemple s'il a déserté ou s'il a été tué rapidement. Ces
velléités restent sans succès.
Conditions de vie de nos ancêtres, marins et des colons français voir suite 2
Conditions de vie de nos ancêtres, marins et des colons français voir suite 2
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