Louis XIV - Les filles du Roy partie 2
Avec l’appui de Marie Vignerot, duchesse d’Aiguillon, trois
Augustines Hospitalières vinrent fonder l’Hôtel Dieu de Québec en 1639. Cette
même Compagnie du Saint-Sacrement, avec à sa tête Jean-Jacques Olier,
s’associera à Jérôme Le Royer de la Dauversière , pour créer la « Société Notre-Dame
de Montréal pour la conversion des Sauvages de la Nouvelle-France »
et fonder Montréal en 1642. N’est-ce pas encore à une autre dame proche de
cette compagnie, Angélique Faure veuve de Claude de Bullion, que l’on doit la
construction de l’Hôtel Dieu de Montréal? Et Madame de la Peltrie , riche veuve
percheronne partie au Canada pour créer le couvent des Ursulines avec Marie de
l’Incarnation en 1639, n’avait-elle pas épouser en un mariage blanc Jean de
Bernières, l’ermite de la
Compagnie caennaise du Saint-Sacrement ? Or, c’est dans cet
Ermitage de Caen que François de Montmorency Laval prépara son départ comme
premier évêque du Canada en 1659. Et le premier curé de Québec, Monsieur Henri
de Bernières, n’était-il pas le neveu de l’ermite de Caen ?
Compagnie dangereuse, compagnie secrète, dit Maximilien Vessier de ces gens de l’ombre qui, au XVIIe siècle, noyautaient tout ce qui touchait à la charité et à son « exploitation », tant dans les missions extérieures (comme au Canada) que dans les missions intérieures (comme à l’Hôpital Général de Paris). Gens de l’ombre, gens de pouvoir, gens d’argent, ils étaient omniprésents dans l’encadrement du grand renfermement des pauvres en France et surtout dans l’esprit qui le sous-tendait. Ils disparurent de l’administration de
Les premiers travaux à peine commencés dans l’enclos de l’ancien Petit Arsenal,
tout est arrêté le 9 novembre 1653. Le président du Parlement Pomponne de
Bellièvre élaborait un contre-projet. Mais il meurt avant sa réalisation. Son
successeur Guillaume de Lamoignon ne voit pas non plus les choses comme
Monsieur Vincent, l’inspirateur du grand dessein. L’Hôpital Général ne sera pas
un lieu d’accueil, d’aide et de soutien aux « bons pauvres », mais un lieu
d’incarcération, de correction, de mise aux pas des fainéants, des vicieux, des
mécréants, ces « mauvais pauvres ». C’est Louis XIV, âgé de dix-huit ans, qui,
le 27 avril 1656, signe l’Edit royal portant création de « L’Hôpital Général
pour le Renfermement des Pauvres de Paris ». Anne d’Autriche, Mazarin et la «
Compagnie du Très-Saint-Sacrement de l’Autel » en étaient cependant les
véritables instigateurs.
En mai 1657, les mendiants sont raflés dans les rues de Paris par les « archers
des gueux» et enfermés de gré ou de force dans les Maisons de ce nouvel
ensemble. On sépare les familles, les hommes sont dirigés sur « Bicêtre », les
garçons sur la « Savonnerie », les garçonnets vers la « Pitié », les femmes et
les fillettes vers la « Salpêtrière ». « Scipion » accueille les femmes sur le
point d’accoucher, les nourrissons et leurs nourrices. Un « refuge »
(Sainte-Pélagie) reçoit à la
Pitié les « femmes de mauvaise vie ». Nadine Simon écrit dans
son ouvrage sur la
Pitié-Salpêtrière : « Dès 1657, on dénombre à la Salpêtrière 628
personnes ». En 1661, on y comptera 1460 femmes et enfants.
Le régime de vie est le même pour tous, quasi conventuel. Beaucoup de prières
et de cérémonies à la
Chapelle (il faut les aider à sauver leur âme), tout au long
de la journée. Les valides sont mis au travail dans de grands ateliers (ils
doivent gagner leur pain), en silence et toujours surveillés. Les récalcitrants
sont corrigés et mis au carcan. Le régime est réduit au pain, à l’eau et à
quelque brouet qu’on appelle soupe. Les enfants vivent dans les Ecoles, où on
leur apprend à lire, à écrire, surtout à être de bons chrétiens. Tôt initiés à
diverses tâches, ils sont rapidement mis au travail. Hygiène réduite au
minimum, un même habit pour tous, une grande promiscuité dans les dortoirs,
sous les combles, où on partage les lits à plusieurs. Silence, yeux baissés,
prières murmurées, lectures des textes sacrés faites en latin, silence, yeux
morts, plus personne n’existe.
A la Salpêtrière ,
le seul bruit est celui des travaux de construction des bâtiments autour des
premières granges et magasins aménagés (La Vierge , aujourd’hui Hemey). Le roi veut un site
grandiose à la mesure de sa gloire. Cependant avant 1673, date du dernier
recrutement de Filles du Roy, peu de grands pavillons sont sortis de terre :
St-Jacques, aujourd’hui Jacquart sud, accroché à Hemey est terminé en 1655 ;
suit en 1660 Saint-Joseph, aujourd’hui Mazarin, pour accueillir les vieux
ménages. Quant à Saint-Louis de la Salpêtrière , la Chapelle octogonale dont
les plans sont de l’architecte Le Vau, elle prend corps à partir de 1670 et ne
sera terminée qu’en 1678. Les jeunes femmes envoyées au Canada n’y ont donc pas
prié. Elles ne connurent pas non plus la Maison de Force mise en chantier en 1680,
destinée à emprisonner les prostituées et les femmes condamnées sur lettre de
cachet. En 1690, 3 000 femmes vivront entre les murs de la Salpêtrière où la
folie ira grandissante.
Les Filles du Roy de l’Hôpital Général, envoyées en Nouvelle-France entre 1665
et 1673, ont-elles subi la vie terrible des Folles d’enfer de la Salpêtrière qu’évoque
l’artiste Mâhki Xenakis dans le livret d’accompagnement de son ensemble de
sculptures présentées dans le jardin et la Chapelle de l’Hôpital en 2004-2005 ? Les « grands
renfermements » confinent tous à la déshumanisation et mènent au désastre de la
folie. Mais les premières heures de la Salpêtrière connues par nos pionnières ont-elles
été aussi infernales?
Faisaient-elles partie des fillettes nées les quinze années précédentes à la Salpêtrière , ou
avaient-elles été ramenées de la Maison Scipion ? Ou bien, orphelines,
avaient-elles étéauparavant accueillies dans les Ecoles de l’Hôpital?
Appartenaient-elles encore au groupe des « bijoux », ces anciennes élèves
distinguées pour leur grâce et leur intelligence, qu’on poussait dans la carrière
hospitalière (ou qui pouvaient devenir domestiques en ville et se marier avec
remise d’une dot de 300
livres )? Toutes les Filles du Roy parties de la Salpêtrière ont
déclaré, lors de leur contrat de mariage, des biens estimés à 300 livres – ne
serait-ce pas le trousseau de la
Salpêtrière ? Silvio Dumas, l’un de leurs historiens, se
plaisait à les voir parmi ces « bijoux ».
Enfin, étaient-elles enfermées là depuis peu au moment du recrutement? C’était
le cas de Marie-Claude Chamois (la seule Fille du Roy qui ait rapporté son
histoire). Orpheline, fugueuse pour échapper à un problème familial, mise à la Salpêtrière par mesure
de protection, elle part quelques mois plus tard (en 1670) pour la Nouvelle-France. Par
ailleurs, certaines jeunes filles, d’origine noble ou bourgeoise, se sont
trouvées parmi les Filles du Roy, suite à la mort des parents ou à une mauvaise
fortune de leur famille. Quelques-unes n’étaient pas des pensionnaires de
l’Hôpital, mais y furent dirigées par un proche pour bénéficier de l’aide
royale et se marier au Canada. Catherine de Baillon partie en 1669, fille d’un
écuyer du roi ruiné, n’avait-elle pas une lointaine parente, Mademoiselle
Viole, Dame de la Charité
active au sein de la direction de l’Hôpital, et un ami de la famille parmi les
hauts personnages de l’administration canadienne? Enfin, on peut supposer que
certaines pupilles de la paroisse Saint-Sulpice dont faisait partie Anne
Perrot, l’aïeule des Blais d’Amérique arrivée à Québec en 1669, se joignaient
aux groupes rassemblés à la
Salpêtrière.
Orphelines en France et pionnières en Nouvelle-France
Autant de questions auxquelles il est impossible de répondre
: nul document qui concerne ces convois de filles parties pour le Canada
n’ayant été retrouvé à ce jour dans les Archives de l’Hôpital Général de Paris.
Les informations disponibles sont extraites des correspondances échangées entre
Colbert et Talon, entre Marie de l’Incarnation et son fils resté en France, des
Relations des Jésuites qui racontent par le menu la vie de la colonie et de
divers témoignages de contemporains qui ont côtoyé ces femmes en
Nouvelle-France.
« Nos ancêtres ont quitté l’anonymat en franchissant
l’Atlantique », a pu dire le démographe québécois Hubert Charbonneau. Les
Filles du Roy de la
Salpêtrière , en tournant le dos à leur « enclos », ont trouvé
la liberté et recouvré leur identité. C’est le plus beau cadeau que leur fit
Louis XIV, mais il ne le savait pas. Les précisions qu’elles ont fournies aux
notaires et aux curés, lors de leur mariage, ont permis de reconstituer le
déroulement de leurs histoires. « Saintes ou pouliches » (comme disait George
Sand), qu’importe au fond… Ces quelques centaines de femmes, ayant mis un Monde
au monde, ont toutes été de grandes bâtisseuses.
Maud SIROIS-BELLE
Mariage avec les autochtones n'est pas suffisante
Rapidement, on réalise que l’immigration à elle seule n’est
pas suffisante pour coloniser cette nouvelle terre aux étendues infinies. Il
faudra donc miser sur la procréation. Bien entendu, quelques exilés français
épousent des Autochtones, mais cela est plutôt mal vu par le Clergé. C’est avec
cette problématique en tête que Louis XIV décide de faire une pierre, deux
coups.
C’est ainsi que, dans le cadre du programme royal
d’immigration subventionnée, le roi envoie environ 770 orphelines en
Nouvelle-France, entre les années 1663 et 1673. D’une part, il est plus
économique pour l’État de payer le voyage en bateau à ses orphelines que de les
entretenir. D’autre part, on règle sommairement le problème de peuplement
présent au Canada. On pourrait même ajouter qu’on évite que les colons français
ne prennent part à un métissage ethnique jugé impur.
Les filles du roi étaient de jeunes femmes soustraites à
l’autorité parentale – quoique chaperonnées – qui n’étaient pas enfermées dans
l’enceinte bien gardée d’un établissement. Qui plus est, elles se mariaient
sans l’entremise de la famille. Elles frôlaient ainsi les limites du désordre
sexuel, et cela faisait d’elles, selon la conception du temps, des femmes de mœurs
légères. »
En 1668, Jean Talon parle de celles qui, parmi les Filles du
roi, nourrissent des attentes quant à un héritage futur : «Entre les filles
qu'on fait passer ici, il y en a qui ont de légitimes et considérables
prétentions aux successions de leurs parents, même entre celles qui sont tirées
de l'Hôpital Général de Paris».
Marguerite Bourgeois s’occupa de ses filles et leur enseigna en premier lieu la
religion pour stimuler la piété des colons.
Elles les forment même lorsqu’elles seront mariées aux différentes tâches
ménagères qui les attendent : tissage, couture, cuisine, s’occuper du potager,
de la culture, cuisson du pain, cueillir les plantes médicinales.
Elle ouvre une première école en 1658 à Montréal. Il nait ainsi un système scolaire
non seulement pour les enfants mais pour les mères, les filles du Roy,. Il se
tisse ainsi un réseau d’œuvres sociales.
800 filles à marier
Femmes immigrantes dont le départ vers l'inconnu était
volontaire, elles sont envoyées en Nouvelle-France pour répondre aux besoins de
peuplement de la colonie.
« Les filles du roi, tout comme leurs devancières, ont été des femmes
courageuses... Émigrer vers des colonies lointaines, peu sûres et au climat
difficile, était une aventure à tenter pour des hommes, mais très mal vu à
l'époque pour des femmes. »
Elles sont néanmoins parties, quittantla France pour ne plus revenir. Elles débarquent
dans un pays jeune où tout est encore à faire, où tout reste à bâtir. Un peu
plus de la moitié de ces filles sont des orphelines, sans dot et donc sans
avenir, et la majorité ont moins de 25 ans. Si la plupart sont originaires de
Paris, les autres proviennent des provinces environnantes dont la Normandie , la Bretagne et l'Ile de
France. Le recrutement se faisait principalement à La Salpêtrière , qui
hébergeait les femmes indigentes et les orphelines. On leur enseignait à lire,
à tricoter, à faire de la lingerie, de la broderie et de la dentelle; on leur
donnait un solide enseignement religieux.
« Une fois embauchées, les "filles du Roi" étaient dirigées vers un port de mer, soit Dieppe, soitLa
Rochelle , où elles embarquaient sur des navires en direction
du Canada. »
Elles sont néanmoins parties, quittant
« Une fois embauchées, les "filles du Roi" étaient dirigées vers un port de mer, soit Dieppe, soit
Plaque
commémorative
Les Filles du Roy possèdent une plaque commémorative en leur
honneur, située dans la ville de Trois-Rivières, ainsi que dans le
Vieux-Québec. Il existe aussi en leur mémoire un restaurant à Montréal au nom
des Filles du Roy, et ce depuis 1964 dans le Vieux-Montréal, au coin des rues
St-Paul et Bonsecours, près de la petite chapelle de Notre-Dame-de-Bonsecours
dont la fondatrice fut Marguerite Bourgeois, qui était en charge des nouvelles
venues qui cherchaient maris.
Travail de la
terre
Dès 1668, des mesures sont prises pour réduire le risque de voir débarquer
d’autres (citadines). C'est pourquoi Anne Gasnier, une femme de la ville de
Québec, a été désignée pour se rendre en France afin de participer au choix des
recrues qui présentaient le meilleur potentiel d’adaptation au contexte
particulier de la
Nouvelle-France. Elle s’est adressée aux institutions de
charité, là où étaient reçues et hébergées orphelines et filles pauvres.
Après l’Île-de-France, les provinces ayant le plus contribué à ce mouvement furentla Normandie ,
l’Aunis, le Poitou, la
Champagne , la
Picardie , l’Orléanais et la Beauce. Seules
l’Alsace, l'Auvergne, le Bourbonnais, le Dauphiné, la Provence , le Languedoc,
le Roussillon,T le Béarn, la
Gascogne et le comté de Foix semblent ne pas y avoir
participé.
Après l’Île-de-France, les provinces ayant le plus contribué à ce mouvement furent
La plupart des Filles du Roy étaient des célibataires d’origine modeste,
mais on dénombre quelques filles de haut rang, parfois de la petite noblesse.
Bon nombre étaient issues de familles terriennes, plusieurs étaient orphelines.
Parmi elles se sont glissées quelques veuves dont certaines avaient déjà donné
naissance à un enfant.
Les dots conventionnelles des filles du pays étaient
généralement constituées de meubles, d’articles de ménage, d’argent, de terres
ou d’autres biens reçus en héritage. S’ajoutait parfois à ces éléments qui ont
été identifiés au contrat de mariage, la perspective d’un héritage à venir.
Généralement, quel que fût leur sexe, tous les enfants d’un couple ont droit à
une part égale de l’héritage familial. Même la plus pauvre des filles pouvait
compter sur des biens qui, s’ils ne lui appartenaient pas au moment de
l’engagement, pouvaient venir plus tard, un jour, enrichir le patrimoine de la
famille qu'elle s’apprêtait à fonder.
Des femmes bien portantes Les filles cherchaient des hommes
qui avaient une maison ou une terre, dit-on. Les colons, de leur côté,
essayaient de choisir les femmes les mieux portantes pour le travail de la
ferme. On les présentait les uns aux autres lors de soirées organisées. Il y
avait ensuite l’étape du notaire, puis celle du mariage à l’église.
L’expression Filles du Roy s’appliquait exclusivement aux
femmes et aux filles ayant immigré en Nouvelle-France entre 1663 et 1673. Ces
jeunes femmes âgées de 15 à 30 ans prêtes à se marier et à procréer étaient
appelées ainsi parce que, pour les dépenses liées à leur transport et à leur
établissement, elles avaient une dot de 50 livres de la part du
roi. Si elles n’éprouvaient généralement pas de difficulté à se trouver un
mari, quelques-unes en rencontraient dans l’adaptation à la vie quotidienne en
Nouvelle-France. La raison en était simple puisque, selon Marie de
l’Incarnation, il s’agissait de citadines, peu ou pas préparées aux travaux des
champs.
Des filles pour le Régiment de Carignan
Il est difficile, sinon impossible, de savoir en quoi leur éducation a consisté. Semblables en cela aux femmes et aux hommes de leur temps, la plupart d’entre elles ne savaient ni lire ni écrire. Parmi elles, quelques “beaux partis” étaient destinés aux officiers du régiment de Carignan-Salières ou aux célibataires d’origine bourgeoise ou noble. C’était des "demoiselles". Leur nombre, puisqu'on souhaitait surtout l’apport de femmes robustes et aptes au travail, était mesuré. Au total, moins d’une cinquantaine de Filles du Roy appartenaient à cette élite.
Entre leur arrivée à Québec et leur mariage, les Filles du Roy étaient placées sous la protection de religieuses, de veuves ou de familles. Elles y étaient logées et nourries.
Des filles pour le Régiment de Carignan
Il est difficile, sinon impossible, de savoir en quoi leur éducation a consisté. Semblables en cela aux femmes et aux hommes de leur temps, la plupart d’entre elles ne savaient ni lire ni écrire. Parmi elles, quelques “beaux partis” étaient destinés aux officiers du régiment de Carignan-Salières ou aux célibataires d’origine bourgeoise ou noble. C’était des "demoiselles". Leur nombre, puisqu'on souhaitait surtout l’apport de femmes robustes et aptes au travail, était mesuré. Au total, moins d’une cinquantaine de Filles du Roy appartenaient à cette élite.
Entre leur arrivée à Québec et leur mariage, les Filles du Roy étaient placées sous la protection de religieuses, de veuves ou de familles. Elles y étaient logées et nourries.
Filles du Roi «
Protestantes »
Le site web des Histoires du temps passé rapporte qu’à bout
de souffrances, certains protestants créèrent une formule originale
d’abjuration :
Irène Belleau
« J’abjure maintenant / Calvin entièrement / J’ai en très
grand mépris / Et en exécration / De Calvin les leçons / Rome avec sa croyance
/ J’ai en grande révérence / La messe et tous les saints / Du Pape, la
puissance / Reçois en diligence ».
ll est bien connu que les protestants furent exclus de la
colonisation en Nouvelle-France. C’était un « principe » car en réalité,
l’histoire nous prouve qu’il en vînt et des plus importants pour le
développement de la
Nouvelle-France : marchands, soldats, hommes de métiers – et
des Filles du Roy aussi -. Ce n’est pas le lieu, ici, de faire
l’historique de la « religion réformée de France » mais il est toutefois
important de rappeler d’une part, que c’est Jean Calvin (1509-1564), qui est à
l’origine du calvinisme. Ses adeptes nommées huguenots se multiplièrent
rapidement de sorte que vers les années 1550-1560, la France comptait 15 % de
protestants c’est-à-dire environ 2 millions de partisans. C’est l’époque des
guerres de religion où massacres et assassinats conduisirent à l’Édit de Nantes
du 15 avril 1598 du roi Henri IV qui tolérait la présence des protestants en
autorisant le culte calviniste, sous certaines conditions. Puis, le 18 octobre
1685, à Fontainebleau, Louis XIV révoqua cet édit. Il permettait aux
protestants de vivre en France mais sans pratiquer leur religion; il ordonnait
la destruction des temples protestants. Ou bien on se « convertissait », ou
bien on fuyait la France ,
ce que firent moints huguenots et huguenotes en s’expatriant en
Nouvelle-France.
Certaines Filles du Roi abjurèrent avant de quitter la France , la plupart avaient
été baptisées dans un temple protestant – donnée bien connue – d’autres le
firent à leur arrivée en terre d’Amérique ; d’autres dont le retour en France
peu d’années après leur arrivée a bien pu reposer sur la difficulté de
»s’acclimater » au climat religieux de leur nouveau pays. Qui sont
elles ?
Il y a d’abord les Filles du Roy originaires de La Rochelle et de l’île de
Ré : Françoise Ancelin, la veuve Marguerite Ardion, Catherine Barré, Elizabeth
Doucinet, Anne Javelot, Marie Léonard, Anne Lépine, Barbe Ménard, Marie Targer,
Marie Valade.
Il y eut de Rouen en Normandie, Catherine Basset, Marie
Deshayes, Marie Huet, Marthe Quitel; de la Saintonge , Isabelle Dubreuil; du Languedoc,
Madeleine Delaunay et, de Paris, Barbe Roteau et Madeleine Tisserand.
Que savons-nous
de leur séjour en Nouvelle-France ?
Françoise Ancelin/Asselin et Barbe Ménard ont épousé toutes
les deux des huguenots: Guillaume Valade et Antoine Vermet. Ces deux couples se
sont établis l’un à Charlesbourg et l’autre à Ste-Famille de l’Île d’Orléans.
Les Valade sont venus ici nombreux. Guillaume Valade et son frère Jean vinrent
rejoindre leur soeur Marie arrivée en 1663 et qui avait elle-même été
précédée ici de son cousin Jean Normandin, tonnelier, arrivé en 1650 avec sa
femme Marie Desmaisons et leur fils Mathurin ainsi que leur oncle Pierre
Cousseau et sa soeur Marie. Marie Valade baptisée à La Rochelle dans la religion
protestante épousa en premier Jean Cadieux, laboureur et défricheur, natif du
Mans en Maine, le 26 novembre 1663, à Montréal. Ils eurent 10 enfants.
Jean Cadieux mourut le 30 septembre 1681 à Montréal et Marie
Valade épousa en secondes noces, un autre huguenot, Philippe Boudier de
St-Cloud, non loin de Nanterre, en 1682, et 3 autres enfants complétèrent la
famille Valade/Ancelin.
De Rouen, Catherine Basset et Marthe Quitel, signèrent leur
abjuration du calvinisme en arrivant à Québec. L’une le 17 juillet 1665, année
de son arrivée et l’autre, le 16 juin 1667, année aussi de son arrivée. L’une
est native de St-Cloud et l’autre de St-Ouen. Marthe Quitel épouse un huguenot,
le 22 septembre 1665 à Québec, Barthélémy Verreau, forgeron et taillandier,
arrivé en 1662 de Langres en Bourgogne. Ils s’établirent à Château-Richer et
eurent 9 enfants. Catherine Basset, quant à elle, épouse Pierre Bourgouin dit
le Bourguignon, tissier, le 17 octobre 1667.
Ce couple habite Québec puis Catherine Basset
»étant bannie de Québec en raison de sa vie déshonnête et
scandaleuse », il se réfugie à St-Antoine de Tilly où vit leur fils Jacques.
Rien n’indique que Pierre Bourgouin ait été de religion protestante. Marie Huet
a été baptisée le 6 janvier 1642 au temple de Grand-Quevillon, à Rouen. Elle
arrive en Nouvelle-France en 1667. Son premier mariage avec Adrien Lacroix est
annulé et c’est l’année suivante qu’elle s’unit à Jean Boesmé, huguenot, engagé
venu en 1664 de Poitiers. Ils se marient à Charlesbourg où les Jésuites avaient
concédé une terre à Jean Boesmé. Marie Deshayes épouse Adrien Bétourné dit
Laviolette, soldat du Régiment Carignan-Salières, à Sorel et Marguerite
Deshayes, que sa soeur Marie était venue rejoindre, épouse Pierre Ménard dit
Saintonge, cordonnier, laboureur et notaire seigneurial, à Sorel. Toutes deux
sont décédées à 52 et 63 ans à Montréal.
Isabelle Dubreuil et Madeleine Delaunay, huguenotes, retournèrent
en France. Isabelle, arrivée en 1665, épouse Bernard Faure de Bordeaux. Elle
repartit en 1667 et l’on ne sait rien de sa vie par la suite. Madeleine
Delaunay, originaire du Languedoc, arrivée en 1670 avec une dot de 600 Livres , épouse
Pierre Guillet dit Lajeunesse, huguenot, le 11 octobre 1670 au
Cap-de-la-Madeleine. Elle émigre en 1695, laissant ici ses soeurs Anne, Jeanne
et Suzanne, et elle décède à St-Jean-du-Perrot, à La Rochelle.
Ce n’est pas tout. La plupart des protestantes venaient de La Rochelle. Une bonne
majorité, comme je l’ai dit plus haut, avaient été baptisées au temple
protestant de La
Rochelle. Ici , la majorité épousèrent des huguenots. Voyons
cela de plus près.
La veuve Marguerite Ardion venue ici avec son fils Laurent
Beaudet avait été baptisée au temple de Ville-Neuve. Elle épousa l’année de son
arrivée, le 28 octobre 1663, Jean Rabouin, un huguenot de La Rochelle. Ils eurent
8 enfants. Par la suite, Jean Rabouin devenu veuf, se remaria 3 fois: en
premières noces avec Marguerite Leclerc, baptisée le 12 février 1640 à St-Rémi
de Dieppe, et ils eurent 3 enfants. Redevenu veuf en 1705, Rabouin épouse
Catherine De Belleau qui annule précipitamment ce mariage. Finalement, il
épouse en 1706 une poitevine qui lui donne un enfant. Ce destin est bien
différent de celui de Catherine Barré qui arrive en 1663 de l’Île de Ré, née et
baptisée en 1643 au temple protestant, qui épouse Nicolas Roy, maçon, et tous
les deux repartent en France en 1665 sans qu’on en sache le motif.
Élizabeth Doucinet, arrivée en 1666, vient rejoindre sa
soeur Marguerite qui avait épousé un huguenot Philippe Matou en 1662 à Québec.
À son tour, Élizabeth épouse un huguenot, Jacques Bédard, baptisé au temple
protestant en 1644 et qui avait abjuré l’hérésie de Calvin en même temps que
ses parents en 1660. Ils se marient à Québec le 10 avril 1666 mais
s’établissent à Charlesbourg. Le charpentier Bédard, notre ancêtre bien avant
que nous revendiquions l’égalité entre les hommes et les femmes, le vivait ; à
preuve : quand il fait don de sa terre à son fils Charles, le 3 mars 1711, il
verse 400 Livres
à chacune de ses 3 filles Catherine, M.-Jeanne et M.-Josephe « pour les
égaliser avec leurs frères « … Elizabeth et Jacques vécurent ensemble
pendant 55 ans et eurent 17 enfants. A nne Javelot et Marie Léonard, toutes
deux arrivées en 1666, épousent des huguenots. Anne épouse Jacques Leboeuf,
arrivé en 1663 de La Rochelle
et ils s’établissent à la
Côte St-Michel , à Ste-Foy. Marie Léonard épouse René Rémy de la Champagne mais
protestant, le 24 janvier 1667 à Beauport mais s’établissent à Trois-Rivières.
Marie Targer vint retrouver sa soeur Elizabeth, veuve de Simon Piat, huguenot,
et qui épouse, en 1659, à Québec, un autre huguenot, Mathurin Gerbert de
Nantes.
Marie Targer épouse Jean Royer de St-Cosme-de-Vair, le 9
octobre 1663 à Ste-Famille de l’Île d’Orléans puis s’installent à
Château-Richer où, à 40 ans, meurt Jean Royer. Marie Targer épouse ensuite
Robert Tourneroche, tailleur d’habits et huguenot de Rouen. 6 enfants
s’ajoutent aux 7 du premier mariage. Marie Targer mourut en 1712, à 70 ans et
Robert Tourneroche en 1722, à 76 ans.
L’histoire retiendra l’apport des huguenots et des
huguenotes dans le développement de la Nouvelle-France ;
la majorité de ceux et celles qui sont venus ici ont sans doute voilé leur
appartenance au protestantisme et engagé leur nouvelle vie dans un silence
d’appartenance « obligée » fuyant l’interdiction et les galères.
Les premières arrivées seront dirigées avec une compagnie de volontaires du pays sous le commandement du Sieur de Repentigny et Monsieur de Chambly vers Trois Rivières le 25 Juillet . Elles arriveront à point pour rassurer la population soumise aux attaques Iroquoises régulières. Le 10 août , ces compagnies repartent vers le Sault du Richelieu. Si certaines compagnies ont hivernées dans les forts,les autres ont passées l'hiver dans les villes : Québec, Trois Rivières, Montréal.
Lettre de Jean Talon à Colbert
Mémoire de M. Talon
adrefsé à
Monseigneur Colbert
Fait à Québec, ce dixième Novembre 1670
"Monseigneur,...
Toutes les filles venues cette année sont mariées à 15 près que j'ai fait
distribuer dans des familles connues en attendant que les soldats qui les
demandent aient formé quelque établifsment et acquis de quoi les nourir.
"Pour avancer le mariage de ces filles, je leur ai fait
donner, ainsi que j'ai accoutumé de faire, outre quelques subsistances, la
somme de 50 livres
monnaie du Canada en denrées propres à leur ménage.
"La demoiselle Etienne qui leur a été donnée pour
gouvernante par Mefsieurs les Directeurs de l'Hôpital Général retourne en
France pour prendre la conduite de celles qu'on enverra cette année; si Sa
Majesté a la bonté d'en faire pafser, auquel cas il serait bon de recommander fortement
que celles qui seront destinées pour ce pays ne soient aucunement disgraciées
de la Nature ,
qu'elles n'aient rien de rebutant à l'extérieur, qu'elles soient saines et
fortes, pour le travail de campagne, ou du moins qu'elles aient quelques
industries pour les ouvrages de main, j'en écrit dans ce sens à Mrs. les
Directeurs. Trois ou quatre filles de naifsance et distinguées par la qualité
serviraient peut-être utilement à lier par le mariage des Officiers qui ne
tiennent au pays que par les appointement et l'émolument de leurs terres et qui
par la disproportion ne s'engagent pas davantage.
"Les filles envoyées l'an pafsé sont
mariées, et presque toutes ou sont grofses ou ont eu des enfans, marque de la
fécondité de ce pays.
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