dimanche 3 novembre 2013

Louis XIV - Dragonnades - Les Huguenots - Nos ancêtres protestants en France Nos Ancêtrs: Laprise, Mercier, Trépanier, Champagne, Langlois, Rancourt, vallerand, etc, suite 1


Dragonnades
Les huguenots

Cent ans de persécutions

Tous nos ancêtres ont été persécutés

Le « dragon missionnaire » : Qui peut me résister est bien fort.

Nos ancêtres Jean Daniau dit Laprise, Mercier, Trépanier, Champagne, Langlois, Vallerand, Rancourt, Lafontaine, Roy, etc. étaient  majoritairement des protestants ou R.P.R.. Ce document s'adresse à la majorité des français venus en Nouvelle-France et des Québécois.
 
RPR « Religion Prétendue Réformée» ou «  Protestantisme »

On a donné le nom de dragonnades aux persécutions dirigées sous Louis XIV contre les communautés protestantes de toutes les régions de France pour l’exercice de leur culte, parce qu’on y employait les dragons pour convertir par la force.

Les premières dragonnades précédèrent de quelques mois l’édit de Fontainebleau de 1685 qui révoquait l’édit de Nantes, et le furent elles-mêmes par les missions bottées de Louvois. Celui-ci commença, en 1681, dans le Limousin et le Poitou qui relevaient de lui, écrivant aux intendants d’accabler les protestants de cavaliers à loger :

« Si, suivant une répartition où ils en devraient porter dix, vous pouvez leur en faire donner vingt. »
Dragonnades

La révocation de l'Édit de Nantes dans le village, un cri retentit: «Les dragons! Les dragons arrivent!» Avant même que quiconque ait le temps de s'enfuir, de se barricader, il est trop tard. Une troupe de cavaliers envahit les ruelles et la place, renverse tout sur son passage: hommes, animaux, étals chargés de marchandises. Une liste de noms à la main, les officiers dirigent leurs hommes vers les demeures où ils logeront. 

Sans doute est-il de règle que les gens de guerre s'installent ainsi chez l'habitant.  Mais, en cette année 1681, il s'agit de tout autre chose. Le gouverneur du Poitou, Monsieur de Marillac,  a entrepris de lutter contre les fidèles de la «religion prétendue réformée », les protestants. Eux seuls sont tenus d'abriter les troupes, et dans quelles conditions!  Dix, vingt dragons, parfois davantage, pour une seule maison!  Loin d'être réprimées, leurs brutalités et leurs exactions sont encouragées, pillages, vols, violences de toutes sortes se succèdent.  Les «missionnaires bottés» commencent efficacement leur tâche.  Pourtant, les réformés se sont longtemps crus protégés.

L'Édit de Nantes a mis fin en 1598 aux guerres de Religion qui ont ensanglanté la France. Il autorise, sous certaines conditions, le culte protestant et garantit l'accès des réformés à tous les emplois. Tout change avec l'arrivée au pouvoir de Louis XIV. A l'origine, son hostilité

Aux protestants est surtout politique: il n'est pas bon que les sujets du Roi ne pratiquent pas tous la religion de leur souverain. Les réformés sont écartés des charges de l'État, leurs cérémonies funèbres autorisées seulement la nuit. On récompense les convertis par une somme d'argent. Ces mesures s'avèrent inefficaces, les nouveaux catholiques sont très peu, envoyés par milliers dans les villages et les provinces protestantes, les dragons y font régner la terreur. Leur présence entraîne des conversions massives, mais rarement sincères. Nombreux.

En même temps, sous l'influence de son confesseur, du chancelier Le Tellier, et surtout celle, grandissante, de Madame de Maintenon, Louis XIV change. Il se laisse persuader que son devoir de Roi très chrétien est « d'extirper l'hérésie », qu'il y va même de son salut éternel. Voici venu le temps des persécutions.

L'édit de Nantes n'est plus respecté 

La liste des métiers interdits aux huguenots ne cesse de s'allonger, les violences se multiplient:

Louvois organise les dragonnades.  Des soldats que brutalisent déferlent sur les provinces protestantes.  Il n'est pas rare que la rumeur d'une prochaine arrivée des dragons suffise à provoquer des abjurations massives. Le duc de Noailles, gouverneur du Languedoc, se plaint de la rapidité  des conversions. «Je ne sais plus que faire des troupes, écrit-il.  A ce rythme, il n'y aura bientôt plus de réformés! » Pour Louis XIV, l'Édit de Nantes a perdu sa raison d'être.  Il signe la révocation, à Fontainebleau, le 18 octobre 1685.

Le culte est interdit, les pasteurs expulsés du royaume, les temples jetés à bas. Baptême et mariage catholique sont rendus obligatoires, les récalcitrants promis à des châtiments impitoyables; la prison, les galères, peut-être l'échafaud.  La majorité se réjouit bruyamment, et loue le souverain d'avoir rétabli l'unité religieuse. " Touchés de tant de merveilles «, s'écrie Bossuet, épanchons nos cœurs sur la piété de Louis XIV.  Poussons jusqu'au ciel nos acclamations (...) Roi du Ciel, conservez le Roi de la terre! ».   Pourtant, la triste réalité dément ces louanges.
 
Bravant l'interdiction de quitter la France, des milliers de réformés prennent le chemin de l'exil et se dirigent vers les pays protestants:

Suisse, principautés allemandes, Provinces-Unies, bientôt l'Angleterre.  Même si la plupart de ces 150 000 à 200 000 fuyards ne peuvent emporter que de maigres biens, ce sont plusieurs millions de livres qui sortent du royaume. Il y a plus grave.  Dans leur très grande majorité, ceux qui choisissent l'exil sont de petits nobles, des bourgeois, des artisans.  Ils mettront au service des États qui les accueillent leurs compétences intellectuelles, artistiques, économiques, en privant du même coup la France.

Quant aux protestants demeurant en France, la plupart ne se convertissent que sous la contrainte, et du bout des lèvres.  En secret, dans les demeures bourgeoises, dans quelques châteaux, dans le «désert» des campagnes reculées, les fidèles se réunissent, lisent la Bible, écoutent des pasteurs venus clandestinement de l'étranger au péril de leur vie.  Les réformés, qui se comportaient au temps de la tolérance en loyaux sujets du Roi, sont à présent devenus ses adversaires résolus, bientôt des rebelles.

En recréant ainsi une véritable opposition religieuse, la révocation de l'Édit de Nantes a brisé l'unité du royaume au lieu de la cimenter.  Les temples protestants, érigés conformément aux prescriptions de l'édit de Nantes, sont abattus dans les jours qui suivent sa révocation.  La rapidité des mesures de destruction a pour but de frapper les esprits, de prévenir toute velléité de résistance et d'empêcher la célébration du culte.

La guerre des camisards soir descend sur la montagne cévenole; les derniers rayons du soleil teignent de rouges rochers et éboulis. Ici, ni cultures, ni troupeaux.  La nature est si aride et désolée que l'on nomme cet endroit: le Désert.  D'habitude, on n'y trouve âme qui vive. Pourtant, dans cette solitude, plusieurs dizaines de paysans sont rassemblés. Silencieux et recueillis, ils écoutent avec attention un homme vêtu de noir qui lit et commente la Bible.  Mille précautions ont été prises pour protéger cette cérémonie. Venus par petits groupes en suivant des sentiers connus d'eux seuls, les fidèles ont pris garde de n'être pas suivis. Et, çà et là, sur les hautes falaises blanches, des hommes immobiles scrutent la plaine, attentifs au moindre mouvement suspect. Personne n'ignore les risques encourus: si les soldats du Roi parviennent jusqu'ici, le prédicateur sera pendu et les assistants envoyés en prison ou aux galères.

Tous ont pourtant bravé le danger, afin de prier ensemble et de chanter les psaumes à la gloire du Très-Haut.  Depuis 1685, les protestants des Cévennes ont trouvé ce moyen pour continuer à célébrer leur culte.  Privés de leurs pasteurs, tués ou exilés, ils en ont désigné d'autres, parmi eux.  Il y a aussi des hommes, des femmes, même des enfants, qui se disent inspirés par l'Esprit, entrent en transes, annoncent des discours enflammés.     Cl se mêlent références bibliques et appel à la  révolte.  Ces illuminés sont des croyants d'une marque tangible de la présence divine: des prophètes!  Pour eux, il ne suffit plus de prier, ni d'implorer le Seigneur!  Il faut devenir le bras armé de la justice de Dieu, il faut se battre!  Et d'abord, délivrer ceux qui sont aux mains du sinistre abbé Chayla, archiprêtre des Cévennes,   persécuteur des réformés et véritable révolutionnaire.  Pour leur rendre la liberté, un groupe armé lance une attaque, au  cours de laquelle du Chayla est tué. ¨Ca pourrait n'être qu'une escarmouche "sanglante et isolée ".  En fait, la guerre, les camisards vient de commencer.

Très vite, les révoltés s'organisent une véritable armée. Nombreuse mais terriblement efficace, il ne comptera jamais plus de quelques milliers d'hommes. Ils sont aidés par les communautés villageoises.   Ils les cachent, leur fournissent des vivres et  les renseignent sur les mouvements de l'ennemi.   Les camisards se choisissent des chefs: Rolland, Cavalier, Mazel, qui dispersent les troupes en petites unités, harcèlent soldats du Roi, attaquent les convois, dépouillent les collecteurs d'impôts.  La riposte ne se fait pas attendre.  La fin de 1703, dans les hautes campagnes, trente et une paroisses sont rasées et incendiées. Louis XIV, la guerre avec l'Europe entière, ne peut se permettre d'immobiliser ainsi dix mille soldats pour lutter contre un invisible ennemi.  En mars 1704, il charge le maréchal de Villars de mettre un terme à la  rébellion.  Alternant menaces, de promesses de pardon, Villars obtient addition de Jean Cavalier et de plusieurs autres chefs.  Les irréductibles, affaiblis,  sont isolés et vaincus.  La paix, scellée dès la fin de 1704, sera pourtant troublée, jusqu'en 1710.  

Les révoltes sporadiques sont couvées dans l'œuf.  La Force de la foi Tout ce que nous faisions, soit pour le général, soit pour notre conduite particulière, c'était toujours par ordre de l'Esprit.  Dans la troupe où j'étais, nos chefs, et particulièrement  M. Cavalier, étaient doués de grâces extraordinaires; aussi les avait-on choisis à cause de cela; car ils n'avaient aucune connaissance de la guerre ni d'autre chose.   La mort ne nous effrayait point: nous ne faisions aucun cas de notre vie, pourvu qu'en la perdant pour la querelle de notre Sauveur et en obéissant à ses commandements, nous remissions nos âmes entre ses mains.   Avec l'assistance de l'Esprit de Dieu, nos petits garçons de douze ans frappaient à droite et à gauche comme de vaillants hommes. Ceux qui n'avaient ni sabre ni fusil faisaient des merveilles à coups de perche et à coups de fronde; et la grêle des mousquetades avait beau nous siffler aux oreilles et percer nos chapeaux et nos manches, comme l'Esprit nous avait dit:  'Ne craignez rien', cette grêle de plomb ne nous inquiétait pas plus qu'aurait fait une menue grêle ordinaire. Témoignage de Durand Fage, insurgé camisard, 1707.  Comme tous les protestants qui refusent d'abjurer leur foi, les camisards vivent sous la menace des peines les plus sévères. 
 
Le grand hiver, ayant dépensé leur dernier argent, les plus misérables quittent leur logis et partent le long des chemins, dans l'espoir fou de trouver plus loin le pain ou le bois qui leur font si cruellement défaut.   On les retrouve souvent à quelques lieues, couchés sur le bord du chemin, cadavres bleuis aux visages mangés par les animaux errants.  Jour après jour, les curés inscrivent sur les registres le nombre des décès, précédé de ces simples mots: "morts de faim». froid, la faim, la mort!  Cela ne finira donc jamais!  Personne, pas même les vieillards, n'a gardé Souvenance d'un pareil hiver.  A la fin de janvier 1709, la neige est tombée, épaisse, à gros flocons, recouvrant tout de son linceul blanc.  Puis, d'un seul coup, elle s'est changée en glace, sous l'effet d'un froid atroce, meurtrier, inhumain. Herbes, plantes, arbres ont péri. Les récoltes sont perdues.  Aux abords des villages, on a vu soudain rôder les loups, meutes affamées prêtes à se ruer sur tout être vivant, homme ou bête.  Il y a quatre mois que cela dure.

Ceux qui avaient mis de côté quelques réserves les ont mangées depuis longtemps, puis ont dévoré les grains des semailles prochaines. Certains cuisent du pain fait de quelques poignées de farine auxquelles ils mêlent des racines d'asphodèle, du chiendent... D'autres font de la bouillie de cendres. La misère engendre la révolte. Des groupes de paysans s'embusquent aux carrefours et pillent les charrettes de blé.

Il faut les faire escorter par des troupes en armes. Dans les villes, des boulangeries sont attaquées, mises à sac.  A Paris, chaque jour de marché est un jour d'émeute. La foule s'en prend aux riches, arrête les carrosses.  Car il y a du blé!  Chacun sait que des marchands le dissimulent pour faire monter les prix et réaliser de substantiels bénéfices.  Ce n'est pas la première fois que la famine frappe le royaume. Le fléau se produit à intervalles plus ou moins réguliers. En 1661, en 1693, de grandes « mortalités» dues à la faim ont décimé les campagnes.  Des hommes courageux ont dénoncé la misère des peuples, proposé un impôt plus juste.

Leur souverain les a bien mal récompensés: Boisguilbert, lieutenant général à Rouen, a été exilé.  Et le livre de Vauban, La Dîme royale, s'est vu frappé d'interdit.  Louis XIV, reclus dans son château, entend-il seulement le cri lancinant des femmes attroupées devant la grille: «Du pain, du pain! » ? Sur sa table, les sauces gèlent, des carafes éclatent. Le Roi n'est pas frileux. Il continue, imperturbable, ses promenades dans les jardins de Versailles, sans prêter attention aux gardes et aux courtisans gelés qui l'accompagnent.  Mais les rapports des intendants deviennent alarmants; les murs de Paris se couvrent d'affiches séditieuses; des lettres parviennent jusque dans la chambre du souverain.   Elles menacent: «Il y a encore des Ravaillac!»   Mais quoi faire? Importer du grain?   La flotte anglaise intercepte les convois, et le blé qui parvient dans le royaume disparaît souvent dans les caches des spéculateurs.  On arrive pourtant à en sauver un peu ... trop peu.

Et tout cela coûte cher; les dépenses somptuaires, les guerres incessantes ont dévoré le Trésor royal.  Une taxe des pauvres est instituée; le Roi lui-même s'y soumet.  Le geste est noble, mais bien tardif.  Le « grand hyver» a duré trop longtemps.  Son bilan est dramatique: des morts par dizaines de milliers, des régions dévastées, des villages abandonnés, les récoltes compromises pour de longues années.

Les effets de la terrible famine se feront sentir pendant toute la fin du règne.  J'ai trop aimé la guerre Sébastien Le Prestre de Vauban, petit noble du Morvan, est l'un des grands hommes de guerre du règne. Il s'intéresse surtout à la guerre de défense.  Il veut éviter que des combats, toujours ruineux et dévastateurs, se déroulent sur le sol français.  Selon lui, des fortifications bien réalisées peuvent décourager l'ennemi d'attaquer, ou, à défaut, l'empêcher de porter ses coups au cœur même du royaume. En construisant ou remaniant plus de trois cents places fortes, la plupart aux frontières, Vauban met en place une véritable stratégie de dissuasion.  Ce technicien de la défense sait aussi se montrer redoutable assaillant. « Ville ortifiée par Vauban, dit-on, ville imprenable; ville assiégée par Vauban, ville prise."

Comblé d'honneurs par Louis XIV, fait maréchal de France en 1703, ce grand serviteur de l'État veut aussi réformer les abus les plus criants de la monarchie: son projet d'impôt unique déplaît au Roi ; Vauban meurt en disgrâce (1707). Un soir de sa vie, Louis XIV, affaibli, accablé, laisse échapper, comme à regret, un terrible aveu: « J'ai trop aimé la guerre ... » Comment ne pas le croire?

Sur les 54 années qu'a duré son règne, 30 ont été occupées par des conflits armés. Le goût personnel du souverain pour les batailles a-t-il été la cause de cette terrible saignée?  Ou n’a-t-il pas plutôt, dans son rêve de grandeur, pensé que la guerre était le premier moyen, sinon le seul,  d'une politique efficace, celle qui consacrerait la suprématie française sur l'Europe?  Quand le Roi prend le pouvoir, tous les espoirs lui semblent permis: la France entretient de bonnes relations avec la plupart des États.  Malgré cela, Louis XIV affecte de craindre encore l'encerclement de la France.

Arguant des «droits de la Reine », il revendique les Pays-Bas espagnols et la Franche-Comté. L'opposition des Provinces-Unies à cette politique amène la guerre de Hollande (1672-1678). Devant les armées de Turenne et de Condé, les habitants n'hésitent pas à ouvrir les digues, inondant le pays: la conquête facile se transforme en demi-échec, même si la paix de Nimègue offre à la France la Franche-Comté et plusieurs places fortes de Flandre.  Ce n'est pas suffisant. En pleine paix, Louis XIV procède à l'annexion de nouveaux territoires: une partie de la Sarre, du Luxembourg, la ville de Strasbourg. L'Europe entière se sent menacée et dresse contre les ambitions françaises une formidable coalition: la Ligue d'Augsbourg (1686) regroupe les Provinces Unies, l'Autriche, l'Espagne, la Suède, plusieurs États allemands, puis l'Angleterre et la Savoie. Neuf années de combats atroces, sans pitié. Les troupes de Louvois ravagent le Palatinat, rasent les villes, massacrent les populations. Les protagonistes, exsangues, concluent en 1697, à Ryswick, une paix de compromis: la France renonce à ses «réunions », à l'exception de Strasbourg.  

Il fut obéi. Marillac, l’intendant du Poitou, ordonna de faire le rôle des tailles et de marquer les réformés à la marge pour les grever, tant pour l’impôt que pour le logement des gens de guerre. Les nouveaux convertis au contraire étaient exempts de l’un et de l’autre. Tous les excès étant encouragés, l’effet de ce genre de persécution, au sein de chaque famille passa l’espérance de Louvois. Des milliers de protestants se déclarèrent catholiques tandis que ceux de l’Aunis et de la Saintonge, pays maritimes, émigraient en foule.
 
Michel de Marillac, Garde des sceaux de France sous Louis XIII

Colbert s’étant ému de cet état de choses, il éclaira le roi et obtint trois mesures réparatrices : l’interdiction de ce moyen de conversion ; un ordre du conseil contre les violences qui « se faisaient en quelques lieux contre les religionnaires » et la destitution de Marillac, intendant du Poitou. Mais Colbert étant mort en 1683, les Le Tellier restèrent maîtres.
Jean-Baptiste Colbert 1661

Au commencement de l’année 1685, Louis XIV avait envoyé dans le Béarn une armée pour menacer l’Espagne. Pendant le séjour de ces troupes dans cette province, l’intendant Foucaut s’avisa de déclarer que le roi ne voulait plus qu’une religion dans ses États. Aussitôt il déchaîna les troupes contre les calvinistes, qui, par des cruautés inouïes, furent forcés de se convertir, et l’on annonça au monarque que la grâce divine avait opéré ce miracle.

La présence d’une armée étant devenue inutile dans le Béarn, par suite des concessions de la cour d’Espagne, Louvois, par une lettre du 31 juillet de la même année, ordonna au marquis de Boufflers d’employer ces troupes à extirper l’« hérésie » que les catholiques appelaient la religion prétendue réformée (RPR) ou protestantisme dans les généralités de Bordeaux et de Montauban. Telle fut la première expédition connue sous le nom de dragonnades. L’infanterie fut, en réalité, également employée à cette triste besogne mais, comme dans toutes les localités les dragons précédaient les autres corps de l’armée, et qu’assez mal disciplinés en ce temps-là, ils commettaient le plus d’excès, leur arme eut le triste honneur de donner son nom à ces barbares exécutions où, comble de raffinement de la cruauté, les dragonnés devaient supporter eux-mêmes les frais de leur persécution. Et les troupes ne manquaient pas de se faire entretenir luxueusement.

Région du Languedoc, France

Le duc de Noailles, qui commandait dans le Languedoc, doit partager avec le marquis de Boufflers la bonté des premières dragonnades. Leur succès fut prompt : à la seule vue des troupes, les conversions se faisaient par milliers. « Les conversions, écrivait le duc de Noailles, à la fin de l’année 1685, ont été si générales et ont marché avec une si grande vitesse, que l’on n’en saurait assez remercier Dieu ni songer trop sérieusement aux moyens d’achever entièrement cet ouvrage, en donnant à ces peuples les instructions dont ils ont besoin et qu’ils demandent avec instance. »

Louis XIV, qui, dans toute cette affaire, fut si complètement abusé par des courtisans cupides ou fanatiques, était comblé de joie en recevant la liste des conversions qui ne s’élevaient jamais à moins de 250 à 400 par jour. Persuadé que tout son royaume était catholique ou près de l’être, ce fut là surtout ce qui porta ce monarque à révoquer l’édit de Nantes. Dès lors, les dragonnades redoublèrent de rigueur et devinrent générales. Elles s’étendirent même hors France, dans les vallées du Piémont où elles furent plus cruelles que partout ailleurs.

Ces conversions, dont on exagérait l’importance au roi, s’effectuaient avec un évêque, un intendant, un subdélégué ou un curé marchant à la tête des soldats. On assemblait sur la place de l’endroit les principales familles calvinistes, surtout celles qu’on croyait les plus faciles. Elles renonçaient à leur religion au nom des autres et les obstinés étaient livrés aux soldats, qui avaient toute licence, excepté celle de tuer.

L’Histoire de l’Édit de Nantes publiée en Hollande en 1695 a donné la description détaillée des diverses violences exercées par les soldats logés à discrétion chez les calvinistes réfractaires : ils faisaient quelquefois danser leurs hôtes jusqu’à ce que ceux-ci tombent en défaillance. Ils bernaient les autres jusqu’à ce qu’ils n’en puissent plus. Quand ils ne pouvaient forcer ces malheureux à fumer avec eux, ils leur soufflaient la fumée dans la figure. Ils leur faisaient avaler du tabac en feuilles. Quand ils ne pouvaient les faire boire de bonne volonté jusqu’à l’ivresse, ils leur mettaient un entonnoir dans la bouche pour leur faire avaler du vin ou de l’eau-de-vie. Si, dans un pareil état, ces malheureux laissaient échapper quelque parole qui put passer pour un acte de conversion, les dragons les déclaraient catholiques sur-le-champ. À d’autres, ils faisaient boire de l’eau et les contraignaient d’en avaler vingt ou trente verres. Il y en eut quelques-uns à qui l’on a versé de l’eau bouillante dans la bouche.

Les exécuteurs des dragonnades employaient aussi contre leurs victimes le feu, la brûlure, l’estrapade, la suspension par les parties les plus molles et les plus sensibles du corps. Les dragons étaient les mêmes en tous lieux, battant, étourdissant, brûlant en Bourgogne comme en Poitou, en Champagne comme en Guyenne, en Normandie comme en Languedoc. Seul Paris, où « Les cris, observe Voltaire, se seraient fait entendre au trône de trop près » et l’Alsace, protégée par les traités, n’eurent pas à subir ces horreurs.

Les exécuteurs des dragonnades n’avaient pour les femmes ni plus de pitié ni plus de respect que pour les hommes. « Ils abusaient, dit un contemporain, de la tendre pudeur qui est une des propriétés de leur sexe, et ils s’en prévalaient pour leur faire de plus sensibles outrages. » Quant à la conduite des officiers dans ces conjonctures, l’historien de l’Édit de Nantes observe que « Comme la plupart avaient plus d’honneur que leurs soldats, on craignit à la cour que leur présence n’empêchât les conversions, et on donna des ordres fort exprès aux intendants de ne les loger point avec leurs troupes, principalement chez les gentilshommes, de peur que par civilité ils ne repoussassent l’insolence des dragons. » On voit pourtant, d’après les relations du temps, que si les officiers ne partageaient pas les excès de leurs soldats, ils y applaudissaient du moins. C’est ce qui a fait dire à Bayle : « N’est-ce pas une chose qui fait honte au nom chrétien, que pendant que votre soldatesque a été logée dans les maisons de ceux de la religion, les gouverneurs, les intendants et les évêques aient tenu table ouverte pour les officiers des troupes, où on rapportait, pour divertir la compagnie, tous les bons tours dont les soldats s’étaient avisés pour faire peur à leurs hôtes, pour leur escroquer de l’argent. »


Les dégâts commis par les dragons convertisseurs n’étaient que trop comparables à leurs cruautés envers les personnes. « Il n’y avait point de meubles précieux, ou chez les riches marchands, ou chez les personnes de qualité, qu’ils ne prissent plaisir à gâter. Ils ne mettaient leurs chevaux que dans des chambres de parade. Ils leur faisaient litière de ballots de laine, ou de coton, ou de soie ; et quelquefois, par un barbare caprice, ils se faisaient donner le plus beau linge qu’il y eût, et des draps de toile de Hollande, pour y faire coucher leurs chevaux… Ils avaient ordre même de démolir les maisons des prétendus opiniâtres. Cela fut exécuté dans toutes les provinces… Dans les lieux où les gentilshommes avaient, ou des bois, ou des jardins, ou des allées plantées de beaux arbres, on les abattait sans formalité ni prétexte… Dans les terres mêmes des princes, on logeait des troupes à discrétion. Le prince de Condé voyait, pour ainsi dire, des fenêtres de sa maison de Chantilly, piller ses sujets, ruiner leurs maisons, traîner les inflexibles dans les cachots. Du seul village de Villiers-le-Bel, il fut emporté par les soldats, ou par d’autres voleurs qui prenaient le nom de dragons, plus de 200 charretées de bons meubles, sans compter ceux qu’on brûlait ou qu’on brisait. »

Comme si cela n’était pas assez, de véritables brigands, pour prendre part à ce pillage général, se déguisaient en dragons « et faisaient plus de mal que les dragons mêmes, afin de justifier ce nom épouvantable. » Les dragonnades se multiplièrent durant toute la fin du règne de Louis XIV et même sous Louis XV.

Les réformés tentant de se soustraire aux dragonnades par la fuite étaient censés couvrir les frais de logement dans les hôtelleries locales des dragons auxquels ils tentaient d’échapper : « Le provost et un lieutenant du régiment d’infanterie du Roy logera chez Monsieur de la Bouillonnière, rue et paroisse Saint-Pierre, conformément aux ordres de sa Majesté. Fait en l’hôtel de Caen, le 13 novembre 1685  En cas que la maison ne soit ouverte, logeront à l’Aigle d’or, aux frais dudit sieur de la Bouillonnière ».

De tels excès furent épargnés à l’Angleterre, l’Allemagne et même l’Espagne et le Portugal où l’Inquisition n’avait rien de plus affreux que les dragonnades, car ces opérations, confiées à une soldatesque déchaînée, comportaient un caractère manifeste de désordre et d’immoralité inconnu du Saint-Office.

Alain Laprise 03 novembre 2013

 

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