Dragonnades
Les huguenots
Les huguenots
Cent
ans de persécutions
Tous
nos ancêtres ont été persécutés
Le
« dragon missionnaire » : Qui peut me résister est
bien fort.
Nos
ancêtres Jean Daniau dit Laprise, Mercier, Trépanier,
Champagne, Langlois, Vallerand, Rancourt, Lafontaine, Roy, etc.
étaient majoritairement des protestants ou
R.P.R.. Ce document s'adresse à la majorité
des français venus en Nouvelle-France et des Québécois.
RPR « Religion
Prétendue Réformée» ou «
Protestantisme »
On a
donné le nom de dragonnades aux persécutions dirigées
sous Louis XIV contre les communautés protestantes de toutes
les régions de France pour l’exercice de leur culte, parce
qu’on y employait les dragons pour convertir par la force.
Les
premières dragonnades précédèrent de
quelques mois l’édit de Fontainebleau de 1685 qui révoquait
l’édit de Nantes, et le furent elles-mêmes par les
missions bottées de Louvois. Celui-ci commença, en
1681, dans le Limousin et le Poitou qui relevaient de lui, écrivant
aux intendants d’accabler les protestants de cavaliers à
loger :
«
Si, suivant une répartition où ils en devraient porter
dix, vous pouvez leur en faire donner vingt. »
Dragonnades
La
révocation de l'Édit de Nantes dans le village,
un cri retentit: «Les dragons! Les dragons arrivent!»
Avant même que quiconque ait le temps de s'enfuir, de se
barricader, il est trop tard. Une troupe de cavaliers envahit
les ruelles et la place, renverse tout sur son passage: hommes,
animaux, étals chargés de marchandises. Une liste de
noms à la main, les officiers dirigent leurs hommes vers les
demeures où ils logeront.
Sans
doute est-il de règle que les gens de guerre s'installent
ainsi chez l'habitant. Mais, en cette année 1681, il
s'agit de tout autre chose. Le gouverneur du Poitou, Monsieur de
Marillac, a entrepris de lutter contre les fidèles de la
«religion prétendue réformée », les
protestants. Eux seuls sont tenus d'abriter les troupes, et dans
quelles conditions! Dix, vingt dragons, parfois davantage, pour
une seule maison! Loin d'être réprimées,
leurs brutalités et leurs exactions sont encouragées,
pillages, vols, violences de toutes sortes se succèdent.
Les «missionnaires bottés» commencent
efficacement leur tâche. Pourtant, les réformés
se sont longtemps crus protégés.
L'Édit
de Nantes a mis fin en 1598 aux guerres de Religion qui
ont ensanglanté la France. Il autorise, sous certaines
conditions, le culte protestant et garantit l'accès des
réformés à tous les emplois. Tout change avec
l'arrivée au pouvoir de Louis XIV. A l'origine, son hostilité
Aux
protestants est surtout politique: il n'est pas bon que les sujets du
Roi ne pratiquent pas tous la religion de leur souverain. Les
réformés sont écartés des charges de
l'État, leurs cérémonies funèbres
autorisées seulement la nuit. On récompense les
convertis par une somme d'argent. Ces mesures s'avèrent
inefficaces, les nouveaux catholiques sont très peu,
envoyés par milliers dans les villages et les provinces
protestantes, les dragons y font régner la terreur. Leur
présence entraîne des conversions massives, mais
rarement sincères. Nombreux.
En même
temps, sous l'influence de son confesseur, du chancelier Le Tellier,
et surtout celle, grandissante, de Madame de Maintenon, Louis XIV
change. Il se laisse persuader que son devoir de Roi très
chrétien est « d'extirper l'hérésie »,
qu'il y va même de son salut éternel. Voici venu le
temps des persécutions.
L'édit
de Nantes n'est plus respecté
La liste
des métiers interdits aux huguenots ne cesse de s'allonger,
les violences se multiplient:
Louvois
organise les dragonnades. Des soldats que brutalisent déferlent
sur les provinces protestantes. Il n'est pas rare que la rumeur
d'une prochaine arrivée des dragons suffise à provoquer
des abjurations massives. Le duc de Noailles, gouverneur du
Languedoc, se plaint de la rapidité des conversions. «Je
ne sais plus que faire des troupes, écrit-il. A ce
rythme, il n'y aura bientôt plus de réformés! »
Pour Louis XIV, l'Édit de Nantes a perdu sa raison d'être.
Il signe la révocation, à Fontainebleau, le 18 octobre
1685.
Le culte
est interdit, les pasteurs expulsés du royaume, les temples
jetés à bas. Baptême et mariage catholique sont
rendus obligatoires, les récalcitrants promis à des
châtiments impitoyables; la prison, les galères,
peut-être l'échafaud. La majorité se
réjouit bruyamment, et loue le souverain d'avoir rétabli
l'unité religieuse. " Touchés de tant de
merveilles «, s'écrie Bossuet, épanchons nos
cœurs sur la piété de Louis XIV. Poussons
jusqu'au ciel nos acclamations (...) Roi du Ciel, conservez le Roi de
la terre! ». Pourtant, la triste réalité
dément ces louanges.
Bravant
l'interdiction de quitter la France, des milliers de réformés
prennent le chemin de l'exil et se dirigent vers les pays
protestants:
Suisse,
principautés allemandes, Provinces-Unies, bientôt
l'Angleterre. Même si la plupart de ces 150 000 à
200 000 fuyards ne peuvent emporter que de maigres biens, ce sont
plusieurs millions de livres qui sortent du royaume. Il y a plus
grave. Dans leur très grande majorité, ceux qui
choisissent l'exil sont de petits nobles, des bourgeois, des
artisans. Ils mettront au service des États qui les
accueillent leurs compétences intellectuelles, artistiques,
économiques, en privant du même coup la France.
Quant
aux protestants demeurant en France, la plupart ne se convertissent
que sous la contrainte, et du bout des lèvres. En
secret, dans les demeures bourgeoises, dans quelques châteaux,
dans le «désert» des campagnes reculées,
les fidèles se réunissent, lisent la Bible, écoutent
des pasteurs venus clandestinement de l'étranger au péril
de leur vie. Les réformés, qui se comportaient au
temps de la tolérance en loyaux sujets du Roi, sont à
présent devenus ses adversaires résolus, bientôt
des rebelles.
En
recréant ainsi une véritable opposition religieuse, la
révocation de l'Édit de Nantes a brisé l'unité
du royaume au lieu de la cimenter. Les temples protestants,
érigés conformément aux prescriptions de l'édit
de Nantes, sont abattus dans les jours qui suivent sa révocation.
La rapidité des mesures de destruction a pour but de frapper
les esprits, de prévenir toute velléité de
résistance et d'empêcher la célébration du
culte.
La
guerre des camisards soir descend sur la montagne cévenole;
les derniers rayons du soleil teignent de rouges rochers et éboulis.
Ici, ni cultures, ni troupeaux. La nature est si aride et
désolée que l'on nomme cet endroit: le Désert.
D'habitude, on n'y trouve âme qui vive. Pourtant, dans cette
solitude, plusieurs dizaines de paysans sont rassemblés.
Silencieux et recueillis, ils écoutent avec attention un homme
vêtu de noir qui lit et commente la Bible. Mille
précautions ont été prises pour protéger
cette cérémonie. Venus par petits groupes en suivant
des sentiers connus d'eux seuls, les fidèles ont pris garde de
n'être pas suivis. Et, çà et là, sur les
hautes falaises blanches, des hommes immobiles scrutent la plaine,
attentifs au moindre mouvement suspect. Personne n'ignore les risques
encourus: si les soldats du Roi parviennent jusqu'ici, le prédicateur
sera pendu et les assistants envoyés en prison ou aux galères.
Tous ont
pourtant bravé le danger, afin de prier ensemble et de chanter
les psaumes à la gloire du Très-Haut. Depuis
1685, les protestants des Cévennes ont trouvé ce moyen
pour continuer à célébrer leur culte. Privés
de leurs pasteurs, tués ou exilés, ils en ont désigné
d'autres, parmi eux. Il y a aussi des hommes, des femmes, même
des enfants, qui se disent inspirés par l'Esprit, entrent en
transes, annoncent des discours enflammés.
Cl se mêlent références bibliques et appel à
la révolte. Ces illuminés sont des
croyants d'une marque tangible de la présence divine: des
prophètes! Pour eux, il ne suffit plus de prier, ni
d'implorer le Seigneur! Il faut devenir le bras armé de
la justice de Dieu, il faut se battre! Et d'abord, délivrer
ceux qui sont aux mains du sinistre abbé Chayla,
archiprêtre des Cévennes, persécuteur
des réformés et véritable révolutionnaire.
Pour leur rendre la liberté, un groupe armé lance une
attaque, au cours de laquelle du Chayla est tué. ¨Ca
pourrait n'être qu'une escarmouche "sanglante et isolée
". En fait, la guerre, les camisards vient de commencer.
Très
vite, les révoltés s'organisent une véritable
armée. Nombreuse mais terriblement efficace, il ne comptera
jamais plus de quelques milliers d'hommes. Ils sont aidés par
les communautés villageoises. Ils les
cachent, leur fournissent des vivres et les renseignent sur les
mouvements de l'ennemi. Les camisards se choisissent
des chefs: Rolland, Cavalier, Mazel, qui dispersent les troupes en
petites unités, harcèlent soldats du Roi,
attaquent les convois, dépouillent les collecteurs d'impôts.
La riposte ne se fait pas attendre. La fin de 1703, dans les
hautes campagnes, trente et une paroisses sont rasées et
incendiées. Louis XIV, la guerre avec l'Europe entière,
ne peut se permettre d'immobiliser ainsi dix mille soldats pour
lutter contre un invisible ennemi. En mars 1704, il charge le
maréchal de Villars de mettre un terme à la
rébellion. Alternant menaces, de promesses de
pardon, Villars obtient addition de Jean Cavalier et de plusieurs
autres chefs. Les irréductibles, affaiblis, sont
isolés et vaincus. La paix, scellée dès la
fin de 1704, sera pourtant troublée, jusqu'en 1710.
Les
révoltes sporadiques sont couvées dans l'œuf. La
Force de la foi Tout ce que nous faisions, soit pour le général,
soit pour notre conduite particulière, c'était toujours
par ordre de l'Esprit. Dans la troupe où j'étais,
nos chefs, et particulièrement M. Cavalier, étaient
doués de grâces extraordinaires; aussi les avait-on
choisis à cause de cela; car ils n'avaient aucune connaissance
de la guerre ni d'autre chose. La mort ne nous effrayait
point: nous ne faisions aucun cas de notre vie, pourvu qu'en la
perdant pour la querelle de notre Sauveur et en obéissant à
ses commandements, nous remissions nos âmes entre ses mains.
Avec l'assistance de l'Esprit de Dieu, nos petits garçons de
douze ans frappaient à droite et à gauche comme de
vaillants hommes. Ceux qui n'avaient ni sabre ni fusil faisaient des
merveilles à coups de perche et à coups de fronde; et
la grêle des mousquetades avait beau nous siffler aux oreilles
et percer nos chapeaux et nos manches, comme l'Esprit nous avait
dit: 'Ne craignez rien', cette grêle de plomb ne nous
inquiétait pas plus qu'aurait fait une menue grêle
ordinaire. Témoignage de Durand Fage, insurgé camisard,
1707. Comme tous les protestants qui refusent d'abjurer leur
foi, les camisards vivent sous la menace des peines les plus
sévères.
Le grand
hiver, ayant dépensé leur dernier argent, les plus
misérables quittent leur logis et partent le long des chemins,
dans l'espoir fou de trouver plus loin le pain ou le bois qui leur
font si cruellement défaut. On les retrouve
souvent à quelques lieues, couchés sur le bord du
chemin, cadavres bleuis aux visages mangés par les animaux
errants. Jour après jour, les curés inscrivent
sur les registres le nombre des décès, précédé
de ces simples mots: "morts de faim». froid, la faim, la
mort! Cela ne finira donc jamais! Personne, pas même
les vieillards, n'a gardé Souvenance d'un pareil hiver. A
la fin de janvier 1709, la neige est tombée, épaisse, à
gros flocons, recouvrant tout de son linceul blanc. Puis, d'un
seul coup, elle s'est changée en glace, sous l'effet d'un
froid atroce, meurtrier, inhumain. Herbes, plantes, arbres ont péri.
Les récoltes sont perdues. Aux abords des villages, on a
vu soudain rôder les loups, meutes affamées prêtes
à se ruer sur tout être vivant, homme ou bête.
Il y a quatre mois que cela dure.
Ceux qui
avaient mis de côté quelques réserves les ont
mangées depuis longtemps, puis ont dévoré les
grains des semailles prochaines. Certains cuisent du pain fait de
quelques poignées de farine auxquelles ils mêlent des
racines d'asphodèle, du chiendent... D'autres font de la
bouillie de cendres. La misère engendre la révolte. Des
groupes de paysans s'embusquent aux carrefours et pillent les
charrettes de blé.
Il faut
les faire escorter par des troupes en armes. Dans les villes, des
boulangeries sont attaquées, mises à sac. A
Paris, chaque jour de marché est un jour d'émeute. La
foule s'en prend aux riches, arrête les carrosses. Car il
y a du blé! Chacun sait que des marchands le dissimulent
pour faire monter les prix et réaliser de substantiels
bénéfices. Ce n'est pas la première fois
que la famine frappe le royaume. Le fléau se produit à
intervalles plus ou moins réguliers. En 1661, en 1693, de
grandes « mortalités» dues à la faim ont
décimé les campagnes. Des hommes courageux ont
dénoncé la misère des peuples, proposé un
impôt plus juste.
Leur
souverain les a bien mal récompensés: Boisguilbert,
lieutenant général à Rouen, a été
exilé. Et le livre de Vauban, La Dîme royale,
s'est vu frappé d'interdit. Louis XIV, reclus dans son
château, entend-il seulement le cri lancinant des femmes
attroupées devant la grille: «Du pain, du pain! »
? Sur sa table, les sauces gèlent, des carafes éclatent.
Le Roi n'est pas frileux. Il continue, imperturbable, ses promenades
dans les jardins de Versailles, sans prêter attention aux
gardes et aux courtisans gelés qui l'accompagnent. Mais
les rapports des intendants deviennent alarmants; les murs de Paris
se couvrent d'affiches séditieuses; des lettres parviennent
jusque dans la chambre du souverain. Elles menacent: «Il
y a encore des Ravaillac!» Mais quoi faire?
Importer du grain? La flotte anglaise intercepte les
convois, et le blé qui parvient dans le royaume disparaît
souvent dans les caches des spéculateurs. On arrive
pourtant à en sauver un peu ... trop peu.
Et tout
cela coûte cher; les dépenses somptuaires, les guerres
incessantes ont dévoré le Trésor royal.
Une taxe des pauvres est instituée; le Roi lui-même s'y
soumet. Le geste est noble, mais bien tardif. Le «
grand hyver» a duré trop longtemps. Son bilan est
dramatique: des morts par dizaines de milliers, des régions
dévastées, des villages abandonnés, les récoltes
compromises pour de longues années.
Les
effets de la terrible famine se feront sentir pendant toute la fin du
règne. J'ai trop aimé la guerre Sébastien
Le Prestre de Vauban, petit noble du Morvan, est l'un des grands
hommes de guerre du règne. Il s'intéresse surtout à
la guerre de défense. Il veut éviter que des
combats, toujours ruineux et dévastateurs, se déroulent
sur le sol français. Selon lui, des fortifications bien
réalisées peuvent décourager l'ennemi
d'attaquer, ou, à défaut, l'empêcher de porter
ses coups au cœur même du royaume. En construisant ou
remaniant plus de trois cents places fortes, la plupart aux
frontières, Vauban met en place une véritable stratégie
de dissuasion. Ce technicien de la défense sait aussi se
montrer redoutable assaillant. « Ville ortifiée par
Vauban, dit-on, ville imprenable; ville assiégée par
Vauban, ville prise."
Comblé
d'honneurs par Louis XIV, fait maréchal de France en 1703, ce
grand serviteur de l'État veut aussi réformer les abus
les plus criants de la monarchie: son projet d'impôt unique
déplaît au Roi ; Vauban meurt en disgrâce (1707).
Un soir de sa vie, Louis XIV, affaibli, accablé, laisse
échapper, comme à regret, un terrible aveu: «
J'ai trop aimé la guerre ... » Comment ne pas le croire?
Sur les
54 années qu'a duré son règne, 30 ont été
occupées par des conflits armés. Le goût
personnel du souverain pour les batailles a-t-il été la
cause de cette terrible saignée? Ou n’a-t-il pas
plutôt, dans son rêve de grandeur, pensé que la
guerre était le premier moyen, sinon le seul, d'une
politique efficace, celle qui consacrerait la suprématie
française sur l'Europe? Quand le Roi prend le pouvoir,
tous les espoirs lui semblent permis: la France entretient de
bonnes relations avec la plupart des États. Malgré
cela, Louis XIV affecte de craindre encore l'encerclement de la
France.
Arguant
des «droits de la Reine », il revendique les Pays-Bas
espagnols et la Franche-Comté. L'opposition des
Provinces-Unies à cette politique amène la guerre de
Hollande (1672-1678). Devant les armées de Turenne et de
Condé, les habitants n'hésitent pas à ouvrir les
digues, inondant le pays: la conquête facile se transforme en
demi-échec, même si la paix de Nimègue offre à
la France la Franche-Comté et plusieurs places fortes de
Flandre. Ce n'est pas suffisant. En pleine paix, Louis XIV
procède à l'annexion de nouveaux territoires: une
partie de la Sarre, du Luxembourg, la ville de Strasbourg. L'Europe
entière se sent menacée et dresse contre les ambitions
françaises une formidable coalition: la Ligue d'Augsbourg
(1686) regroupe les Provinces Unies, l'Autriche, l'Espagne, la Suède,
plusieurs États allemands, puis l'Angleterre et la Savoie.
Neuf années de combats atroces, sans pitié. Les troupes
de Louvois ravagent le Palatinat, rasent les villes, massacrent les
populations. Les protagonistes, exsangues, concluent en 1697, à
Ryswick, une paix de compromis: la France renonce à ses
«réunions », à l'exception de Strasbourg.
Il fut
obéi. Marillac, l’intendant du Poitou, ordonna de faire le
rôle des tailles et de marquer les réformés à
la marge pour les grever, tant pour l’impôt que pour le
logement des gens de guerre. Les nouveaux convertis au contraire
étaient exempts de l’un et de l’autre. Tous les excès
étant encouragés, l’effet de ce genre de persécution,
au sein de chaque famille passa l’espérance de Louvois. Des
milliers de protestants se déclarèrent catholiques
tandis que ceux de l’Aunis et de la Saintonge, pays maritimes,
émigraient en foule.
Michel
de Marillac, Garde des sceaux de France sous Louis XIII
Colbert
s’étant ému de cet état de choses, il éclaira
le roi et obtint trois mesures réparatrices : l’interdiction
de ce moyen de conversion ; un ordre du conseil contre les violences
qui « se faisaient en quelques lieux contre les religionnaires
» et la destitution de Marillac, intendant du Poitou. Mais
Colbert étant mort en 1683, les Le Tellier restèrent
maîtres.
Jean-Baptiste
Colbert 1661
Au
commencement de l’année 1685, Louis XIV avait envoyé
dans le Béarn une armée pour menacer l’Espagne.
Pendant le séjour de ces troupes dans cette province,
l’intendant Foucaut s’avisa de déclarer que le roi ne
voulait plus qu’une religion dans ses États. Aussitôt
il déchaîna les troupes contre les calvinistes, qui, par
des cruautés inouïes, furent forcés de se
convertir, et l’on annonça au monarque que la grâce
divine avait opéré ce miracle.
La
présence d’une armée étant devenue inutile
dans le Béarn, par suite des concessions de la cour d’Espagne,
Louvois, par une lettre du 31 juillet de la même année,
ordonna au marquis de Boufflers d’employer ces troupes à
extirper l’« hérésie » que les
catholiques appelaient la religion prétendue réformée
(RPR) ou protestantisme dans les généralités
de Bordeaux et de Montauban. Telle fut la première expédition
connue sous le nom de dragonnades. L’infanterie fut, en réalité,
également employée à cette triste besogne mais,
comme dans toutes les localités les dragons précédaient
les autres corps de l’armée, et qu’assez mal disciplinés
en ce temps-là, ils commettaient le plus d’excès,
leur arme eut le triste honneur de donner son nom à ces
barbares exécutions où, comble de raffinement de la
cruauté, les dragonnés devaient supporter eux-mêmes
les frais de leur persécution. Et les troupes ne manquaient
pas de se faire entretenir luxueusement.
Région
du Languedoc, France
Le duc
de Noailles, qui commandait dans le Languedoc, doit partager avec le
marquis de Boufflers la bonté des premières
dragonnades. Leur succès fut prompt : à la seule vue
des troupes, les conversions se faisaient par milliers. « Les
conversions, écrivait le duc de Noailles, à la fin de
l’année 1685, ont été si générales
et ont marché avec une si grande vitesse, que l’on n’en
saurait assez remercier Dieu ni songer trop sérieusement aux
moyens d’achever entièrement cet ouvrage, en donnant à
ces peuples les instructions dont ils ont besoin et qu’ils
demandent avec instance. »
Louis
XIV, qui, dans toute cette affaire, fut si complètement abusé
par des courtisans cupides ou fanatiques, était comblé
de joie en recevant la liste des conversions qui ne s’élevaient
jamais à moins de 250 à 400 par jour. Persuadé
que tout son royaume était catholique ou près de
l’être, ce fut là surtout ce qui porta ce monarque à
révoquer l’édit de Nantes. Dès lors, les
dragonnades redoublèrent de rigueur et devinrent générales.
Elles s’étendirent même hors France, dans les vallées
du Piémont où elles furent plus cruelles que partout
ailleurs.
Ces
conversions, dont on exagérait l’importance au roi,
s’effectuaient avec un évêque, un intendant, un
subdélégué ou un curé marchant à
la tête des soldats. On assemblait sur la place de l’endroit
les principales familles calvinistes, surtout celles qu’on croyait
les plus faciles. Elles renonçaient à leur religion au
nom des autres et les obstinés étaient livrés
aux soldats, qui avaient toute licence, excepté celle de tuer.
L’Histoire
de l’Édit de Nantes publiée en Hollande
en 1695 a donné la description détaillée des
diverses violences exercées par les soldats logés à
discrétion chez les calvinistes réfractaires : ils
faisaient quelquefois danser leurs hôtes jusqu’à ce
que ceux-ci tombent en défaillance. Ils bernaient les autres
jusqu’à ce qu’ils n’en puissent plus. Quand ils ne
pouvaient forcer ces malheureux à fumer avec eux, ils leur
soufflaient la fumée dans la figure. Ils leur faisaient avaler
du tabac en feuilles. Quand ils ne pouvaient les faire boire de bonne
volonté jusqu’à l’ivresse, ils leur mettaient un
entonnoir dans la bouche pour leur faire avaler du vin ou de
l’eau-de-vie. Si, dans un pareil état, ces malheureux
laissaient échapper quelque parole qui put passer pour un acte
de conversion, les dragons les déclaraient catholiques
sur-le-champ. À d’autres, ils faisaient boire de l’eau et
les contraignaient d’en avaler vingt ou trente verres. Il y en eut
quelques-uns à qui l’on a versé de l’eau bouillante
dans la bouche.
Les
exécuteurs des dragonnades employaient aussi contre leurs
victimes le feu, la brûlure, l’estrapade, la suspension par
les parties les plus molles et les plus sensibles du corps. Les
dragons étaient les mêmes en tous lieux, battant,
étourdissant, brûlant en Bourgogne comme en Poitou, en
Champagne comme en Guyenne, en Normandie comme en Languedoc. Seul
Paris, où « Les cris, observe Voltaire, se seraient fait
entendre au trône de trop près » et l’Alsace,
protégée par les traités, n’eurent pas à
subir ces horreurs.
Les
exécuteurs des dragonnades n’avaient pour les femmes ni plus
de pitié ni plus de respect que pour les hommes. « Ils
abusaient, dit un contemporain, de la tendre pudeur qui est une des
propriétés de leur sexe, et ils s’en prévalaient
pour leur faire de plus sensibles outrages. » Quant à la
conduite des officiers dans ces conjonctures, l’historien de l’Édit
de Nantes observe que « Comme la plupart avaient plus d’honneur
que leurs soldats, on craignit à la cour que leur présence
n’empêchât les conversions, et on donna des ordres fort
exprès aux intendants de ne les loger point avec leurs
troupes, principalement chez les gentilshommes, de peur que par
civilité ils ne repoussassent l’insolence des dragons. »
On voit pourtant, d’après les relations du temps, que si les
officiers ne partageaient pas les excès de leurs soldats, ils
y applaudissaient du moins. C’est ce qui a fait dire à Bayle
: « N’est-ce pas une chose qui fait honte au nom chrétien,
que pendant que votre soldatesque a été logée
dans les maisons de ceux de la religion, les gouverneurs, les
intendants et les évêques aient tenu table ouverte pour
les officiers des troupes, où on rapportait, pour divertir la
compagnie, tous les bons tours dont les soldats s’étaient
avisés pour faire peur à leurs hôtes, pour leur
escroquer de l’argent. »
Les dégâts commis par les dragons convertisseurs n’étaient que trop comparables à leurs cruautés envers les personnes. « Il n’y avait point de meubles précieux, ou chez les riches marchands, ou chez les personnes de qualité, qu’ils ne prissent plaisir à gâter. Ils ne mettaient leurs chevaux que dans des chambres de parade. Ils leur faisaient litière de ballots de laine, ou de coton, ou de soie ; et quelquefois, par un barbare caprice, ils se faisaient donner le plus beau linge qu’il y eût, et des draps de toile de Hollande, pour y faire coucher leurs chevaux… Ils avaient ordre même de démolir les maisons des prétendus opiniâtres. Cela fut exécuté dans toutes les provinces… Dans les lieux où les gentilshommes avaient, ou des bois, ou des jardins, ou des allées plantées de beaux arbres, on les abattait sans formalité ni prétexte… Dans les terres mêmes des princes, on logeait des troupes à discrétion. Le prince de Condé voyait, pour ainsi dire, des fenêtres de sa maison de Chantilly, piller ses sujets, ruiner leurs maisons, traîner les inflexibles dans les cachots. Du seul village de
Villiers-le-Bel, il fut emporté par les soldats, ou par
d’autres voleurs qui prenaient le nom de dragons, plus de 200
charretées de bons meubles, sans compter ceux qu’on brûlait
ou qu’on brisait. »
Comme si
cela n’était pas assez, de véritables brigands, pour
prendre part à ce pillage général, se
déguisaient en dragons « et faisaient plus de mal que
les dragons mêmes, afin de justifier ce nom épouvantable.
» Les dragonnades se multiplièrent durant toute la fin
du règne de Louis XIV et même sous Louis XV.
Les
réformés tentant de se soustraire aux dragonnades par
la fuite étaient censés couvrir les frais de logement
dans les hôtelleries locales des dragons auxquels ils tentaient
d’échapper : « Le provost et un lieutenant du régiment
d’infanterie du Roy logera chez Monsieur de la Bouillonnière,
rue et paroisse Saint-Pierre, conformément aux ordres de sa
Majesté. Fait en l’hôtel de Caen, le 13 novembre 1685
En cas que la maison ne soit ouverte, logeront à l’Aigle
d’or, aux frais dudit sieur de la Bouillonnière ».
De tels
excès furent épargnés à l’Angleterre,
l’Allemagne et même l’Espagne et le Portugal où
l’Inquisition n’avait rien de plus affreux que les dragonnades,
car ces opérations, confiées à une soldatesque
déchaînée, comportaient un caractère
manifeste de désordre et d’immoralité inconnu du
Saint-Office.
Alain Laprise 03 novembre 2013
Alain Laprise 03 novembre 2013
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