Cette période de révoltes marque une brutale réaction face à
la montée de l’autorité monarchique en France initiée sous Henri IV et Louis
XIII, renforcée par la fermeté de Richelieu et qui connaîtra son apogée sous le
règne de Louis XIV. Après la mort de Richelieu en 1642, puis celle de Louis
XIII en 1643, le pouvoir royal est affaibli par l'organisation d'une période de
régence, par une situation financière et fiscale difficile due aux prélèvements
nécessaires pour alimenter la
Guerre de Trente ans, par l'esprit de revanche des grands du
royaume subjugués sous la poigne de Richelieu. Cette situation provoque une
conjonction de multiples oppositions aussi bien parlementaires
qu’aristocratiques et populaires.
Absolutisme
Il est très difficile de délimiter avec précision les bornes
chronologiques de la Fronde.
Les historiens ont des avis divergents sur la question. Il
est courant toutefois de proposer comme point de départ la date du 15 juin 1648
qui est marquée par la déclaration des 27 articles. Cette déclaration faite au
Parlement de Paris énonce la limitation des pouvoirs du souverain. La
soumission de la ville de Bordeaux, le 3 août 1653, est l'événement qui clôture
les troubles de la Fronde.
La chronologie est complexe en raison d'événements multiples
et de renversements des alliances. Toutefois, l'historiographie a pris
l'habitude de distinguer plusieurs phases : la première correspond à
l’opposition des cours souveraines (fronde parlementaire, 1648-1649); la
seconde à l’opposition des Grands (fronde des princes, 1651-1653). À ce titre,
elle peut être considérée comme la dernière grande révolte nobiliaire du
XVIIe siècle.
Il est possible de distinguer trois facteurs
d'explication : au niveau fiscal (une pression croissante de la fiscalité
royale), au niveau social (une remise en cause des privilèges des
parlementaires parisiens) et au niveau politique (le pouvoir royal entend
gouverner seul dans le cadre d'une monarchie absolue, qui amènerait un
renforcement monarchique).
En janvier 1648, sept nouveaux édits fiscaux sont soumis à
enregistrement auprès du Parlement de Paris (lit de justice du 15 janvier
1648). En dépit de protestations, notamment de l’avocat général Omer Talon, le
Parlement doit s’effacer. Toutefois, il est farouchement hostile à ces mesures
qui touchent la plupart de ses membres qui, jusque là, ne payaient pas ou peu
d’impôts. En ce sens, la Fronde
est un soulèvement des gens de bien, ne souhaitant pas payer d’impôts ou
d’augmentation d’impôts. Les Parisiens suivent et soutiennent les
parlementaires.
Le
mécontentement se généralise
Outre l’aspect fiscal, la monarchie touche également aux
privilèges de ces parlementaires. En effet, toujours dans un souci de trouver
des fonds, elle multiplie la création des offices. Or, les gens du Parlement en
ont pour la plupart acheté et sont opposés à de nouvelles créations car
l’augmentation de l’offre fait baisser le cours du prix de l’office.
De plus, la monarchie rogne sur les revenus des officiers.
Un office produit en effet des revenus (que l’on appelle des gages), et le pouvoir
royal supprime pour quatre années tous les gages des officiers parlementaires
(avril 1648). Par conséquent, tous les officiers de robe de toutes les cours
souveraines (Parlements, Chambre des comptes, Cour des aides et Cour des
monnaies) sont solidaires pour défendre leurs privilèges.
Le développement de la monarchie absolue signifie
concrètement que la direction du pouvoir est entre les mains du roi seul, sans
l’assistance de corps constitués tels que les États généraux. Au cours du XVIIe
siècle, le roi s’est peu à peu passé de telles assemblées. Au contraire, le
pouvoir monarchique s’est confiné dans une construction bicéphale où le roi
place sa confiance en une seule personne (Richelieu pour Louis XIII et Mazarin
pour la régente Anne d’Autriche).
Lors de la minorité de Louis XIV, la noblesse mais aussi les
élites de robe n’acceptent pas l’idée que le pouvoir réside entre les mains du
cardinal Mazarin, jugé trop puissant. Dès la première année de régence, le
cardinal doit faire face à une Cabale des Importants et fait emprisonner le duc
de Beaufort. Le peuple parisien exprime son aversion à l'égard du cardinal dans
des mazarinades.
L’opposition se déplace ainsi sur le terrain politique. Le
Parlement ambitionne de participer au gouvernement du royaume alors qu'il n'est
à l'origine qu'une institution judiciaire. Certains princes du sang font
également valoir leurs prétentions quant à la direction des affaires.
En effet, face au gouvernement, se dressait d'abord rien
moins que la famille royale. Gaston de France (le Grand Monsieur), oncle du roi
et éternel comploteur, ne cachait pas son opposition à Mazarin, non plus que sa
fille, Anne Marie Louise d'Orléans, la Grande Mademoiselle.
Le Grand Condé et sa sœur, la duchesse de Longueville, espéraient entrer au
conseil de régence.
Outre ces aspirations politiques, il en est d'autres plus
personnelles. Jean-François Paul de Gondi, futur cardinal de Retz, coadjuteur
de Paris, était ambitieux. Il voulait lui aussi jouer un rôle politique de
premier plan.
Pour forcer le Parlement à enregistrer les sept édits
fiscaux, Anne d'Autriche tient un lit de justice, en présence du roi, le
15 janvier 1648. Les parlementaires réagissent dans un premier temps
par le discours très dur d'Omer Talon, puis ils se ravisent : ils
examinent les édits et n'ont de cesse d'adresser des remontrances.
En avril 1648, la tension se fait encore plus forte à cause
du droit annuel ou paulette. Mazarin espère dissocier les cours souveraines en
exemptant seul le Parlement d'un rachat de quatre années de gages pour obtenir
le droit de renouvellement de leur office. C'est un échec pour le cardinal car la Robe parisienne fait
bloc : la protestation générale se traduit par l'arrêt d'Union (13 mai
1648) qui propose aux quatre cours souveraines de délibérer en commun
(Parlement, Chambre des comptes, Cour des Aides, Grand Conseil). C'est un défi
institutionnel, auquel la régente tente d'abord de s'opposer. L'arrêt d'union
est d'ailleurs cassé par le conseil d'État le 7 juin. Le 15 juin le Parlement
passe outre et appelle les autres cours à le rejoindre le lendemain à la
chambre Saint-Louis du Palais de justice.
Mazarin conseille de négocier et Anne d'Autriche capitule le
30 juin en autorisant les chambres à siéger ensemble. Les magistrats rédigent
alors des projets de réformes dans une charte contenant 27 articles. Ces
derniers prévoient la suppression des traitants, la réduction des tailles, la
répartition et la levée des impôts par les seuls officiers, le rappel des
Intendants, l'absence de création de nouveaux offices, le renoncement aux
réductions de rentes et de gages, un habeas corpus pour les seuls officiers
(garanties individuelles). Par la déclaration royale du 31 juillet, la chambre
de Saint-Louis obtient gain de cause sur presque tous les points (sauf sur
l'abolition des lettres de cachet). Particelli d'Émery est renvoyé. Le nouveau
surintendant des finances est le duc de La Meilleraye. Entre
temps, l'État se déclarait en banqueroute, annulant tous les prêts, traîtés et
avances consentis pour l'année et les suivantes.
Au mois d'août, le contexte change. La victoire de Condé, le
20 août sur les Espagnols à Lens, pousse Mazarin à réagir. Le Conseil d'en haut
est alors composé de la reine, du cardinal, du duc d'Orléans, du chancelier
Séguier, de La Meilleraye
et du comte de Chavigny. Il se réunit le 25 août et décide de profiter de la
liesse parisienne (un Te Deum est donné le lendemain à Notre-Dame en l'honneur
de la victoire de Condé) pour faire arrêter trois parlementaires, principaux
chefs de la Fronde ,
Henri Charton, René Potier de Blancmesnil et Broussel. Ce dernier, opposant
farouche aux mesures fiscales, étant très populaire au sein de la capitale,
Paris s'enrage et monte 1 260 barricades (26-28 août) autour du
Palais-Royal, à l'instigation des milices bourgeoises. Le chancelier Séguier est
poursuivi par la foule qui met le feu à l'hôtel de Luynes où il s'était
réfugié. Il ne doit la vie qu'à l'intervention de La Meilleraye. Mazarin
est contraint de libérer Blancmesnil, puis Broussel qui effectue un retour
triomphal le 28 août (Charton, lui, avait réussi à éviter l'arrestation).
Le 13 septembre, la
Cour s'installe quelques temps à Rueil chez la duchesse
d'Aiguillon. C'est là que le vainqueur de Rocroi et de Lens se met à la
disposition d'Anne d'Autriche: "Je ne saurais souffrir l'insolence de ces
bourgeois qui veulent gouverner l'État; je m'appelle Louis de Bourbon...".
Le comte de Chavigny, suspect de passivité au moment des troubles d'août, et
responsable de l'évasion en juin du duc de Beaufort en tant que gouverneur du
château de Vincennes, est arrêté. L'ancien garde des sceaux, Châteauneuf est
exilé.
Par l'intermédiaire de Condé et celui de Gaston d'Orléans, la Cour et le Parlement tentent
de trouver une issue à la crise lors de conférences tenues à Saint-Germain (25
septembre-4 octobre 1648) où la
Cour s'est repliée. Anne d'Autriche et Mazarin se résignent
temporairement à accepter les exigences parlementaires: le 22 octobre, la
monarchie accepte les articles de la Chambre Saint-Louis ,
ramenés à une quinzaine, par une déclaration royale confirmant celle de
juillet.
Le même jour, une paix est signée avec l'Empereur Ferdinand
III (1608-1657) mais passe complètement inaperçue (Traités de Westphalie); la France sort de la guerre de
Trente Ans mais reste en conflit avec l'Espagne. Pendant l'automne, le
Parlement ne cesse d'adresser des protestations contre les infractions faites à
cette déclaration. Mazarin projette de s'éloigner de Paris et de réduire la
capitale par la famine.
Fils d'Henri II de Bourbon et frère du prince de Condé, le
prince de Conti est l'un des chefs de la Fronde. Il commande l'armée parisienne contre les
troupes royales.
D'un côté comme de l'autre, les forces s'organisent pendant
que la Cour
quitte brusquement Paris dans la nuit du 5 au 6 janvier 1649 pour gagner le
château de Saint-Germain. Mazarin fait appel aux 4 000 mercenaires
allemands de l'armée de Condé qui, au demeurant, reçoit le commandement des
troupes royales afin de conduire le siège de Paris. Il dispose au total de 8 à
10 000 hommes.
Du côté parisien, la résistance s'organise. Le cardinal est
condamné au bannissement par un arrêt du Parlement (8 janvier). Dans les jours
suivants, quelques grands du royaume qui ont des comptes à régler avec la Cour , Condé rejoint les
frondeurs parisiens. Le Parlement confie le commandement des troupes au prince
de Conti, frère de Condé, qui est désigné comme le généralissime de la Fronde (11 janvier). Les
autres chefs sont les ducs de Bouillon qui n'admet pas le rattachement de sa
principauté de Sedan au royaume, de Beaufort (qui y gagne le surnom de Roi des
Halles), de Noirmoutier et d'Elbeuf ainsi que le maréchal de La Mothe et le prince de
Marcillac. Le duc de Longueville se rend en Normandie soulever la province,
tandis que sa femme, la duchesse de Longueville (sœur de Condé et Conti) et
surtout le coadjuteur de Paris, Jean-François Paul de Gondi (futur cardinal de
Retz) vont jouer également un rôle prépondérant dans la révolte. Gondi est
aussi proche du parti dévot opposé à la lutte jugée fratricide des deux
royautés catholiques : La
France et l'Espagne. Il se montre dans les rues de Paris, à
cheval, en habits gris, des pistolets à l'arçon de sa selle. Le peuple chante
des louanges à son égard en faisant référence au combat entre David (Gondi) et
Goliath
(le couple Anne
d'Autriche et Mazarin):
"Monsieur notre
coadjuteur
Vend sa crosse pour une fronde
Il est vaillant et bon pasteur,
Monsieur notre coadjuteur
Sachant qu'autrefois un frondeur
Devint le plus grand roi du monde;
Monsieur notre coadjuteur
Vend sa crosse pour une fronde"
Vend sa crosse pour une fronde
Il est vaillant et bon pasteur,
Monsieur notre coadjuteur
Sachant qu'autrefois un frondeur
Devint le plus grand roi du monde;
Monsieur notre coadjuteur
Vend sa crosse pour une fronde"
Quant à la duchesse de Longueville, elle n'hésite pas à
s'installer à l'Hôtel de Ville pour y accoucher d'un fils de son amant, La Rochefoucauld
qu'elle prénomme Charles-Paris. C'est à cette époque que les pamphlétaires se
déchaînent contre Mazarin.
Si des troubles éclatent en province à Rouen, Bordeaux et
Aix-en-Provence, si le Parlement de Paris a réussi à neutraliser la
municipalité et le Prévôt des marchands, le siège de la ville est cependant efficace.
Les greniers à blé autour de Paris n'alimentent plus la ville et le prix du
pain quadruple en deux mois. Le combat de Charenton remporté par l'armée royale
le 8 février 1649 sur quelques groupes de frondeurs empêche toute
délivrance. Les soldats du roi ravagent le sud de Paris. La Rochefoucauld est
blessé à la gorge par un coup de feu lors d'un engagement à Brie-Comte-Robert.
Quant au duc de Longueville, ses maigres levées de troupe sont facilement par
les armées royales du comte d'Harcourt que la régente vient de nommer
gouverneur de la Normandie
à la place du duc. L'hiver est rude et la capitale est inondée par une crue de la Seine. Toutefois ,
les frondeurs reçoivent le soutien de Turenne. Ce dernier tente d'ailleurs
d'attacher à son service huit régiments de l'armée d'Allemagne commandés par le
général d'Erlach. Mazarin riposte grâce au banquier Barthélemy Hervart :
il réussit à maintenir cette armée dans son devoir (et à ses frais) en
fournissant 1,5 million de livres tournois. Sans moyens, Turenne décide alors
de s'exiler. Le 7 mars 1649, il est déclaré coupable de crime de
lèse-majesté.
Dans ces conditions (les alentours de Paris ravagés, Turenne
neutralisé), les frondeurs parlementaires se divisent en légalistes (le premier
président du Parlement Mathieu Molé et le président Henri de Mesmes) et en
ultras (le président Viole et le président Charton). Les premiers supplient
Anne d'Autriche de négocier. Certaines personnalités plus ou moins neutres
(Vincent de Paul, le duc d'Angoulème) s'entremettent. Fin février, les
magistrats s'émeuvent des accointances de certains princes, dont le duc de
Bouillon, avec les Espagnols et ne souhaitent pas se faire déborder par
l'agitation populaire.
Le parti modéré l'emporte. De son coté la Cour est hantée par l'exécution
le 30 janvier du roi d'Angleterre Charles décidée par le Parlement anglais, ce
qui ébranle la fermeté de la
Régente. Les pourparlers débutent le 4 mars, malgré les
tentatives de Gondi pour les retarder. Un compromis est signé le
11 mars 1649 (paix de Rueil), suivi de la paix de Saint-Germain (1er
avril 1649). L'invasion de la
Picardie par les Espagnols, qui sera arrêtée par le maréchal
Du Plessis-Praslin épaulé par les mercenaires d'Erlach, amène Mazarin à modérer
ses exigences et intégrer les princes dans la négociation entre les deux
conférences. Tous les fauteurs de troubles sont pardonnés, y compris Turenne.
Le roi ne fera son entrée à Paris que le 18 août 1649 après
la campagne de printemps sur la frontière picarde et l'installation temporaire
de Cour à Compiègne. Pour celle-ci, Mazarin confie l'armée royale au comte
d'Harcourt ce qui mécontente Condé et alimente la mésentente entre les deux
hommes. Harcourt échoue d'ailleurs devant Cambrai.
La paix de Saint-Germain marque une pause dans les
événements tumultueux de la
Fronde.
En réalité, le retour au calme est plus difficile. D'une
part parce que les libelles et les pamphlets hostiles à Mazarin circulent
toujours à Paris et, d'autre part, parce que ce sont les provinces qui entrent
en mouvement. Les villes de Bordeaux et d'Aix se soulèvent chacune contre leur
gouverneur respectif. Le retour au calme ne se fait qu'en août pour la Provence (alors qu'à
Paris, la foule fête la
Saint-Louis dans la joie) et seulement en janvier 1650 pour
le Bordelais après une journée de barricades le 24 juillet et de violents
affrontements entre les frondeurs et le gouverneur, le duc d'Épernon.
Quant à la situation parisienne, tout se joue en coulisse.
En effet, le prince de Condé entend tirer quelques bénéfices de l'appui qu'il a
accordé à Mazarin, notamment pendant le blocus de la ville. Les prétentions de
Condé (prendre part au gouvernement) conduisent Mazarin à se rapprocher des anciens
frondeurs : il promet au coadjuteur de Paris, Jean-François Paul de Gondi,
le chapeau de cardinal. Quant au duc de Beaufort, Mazarin le neutralise grâce à
sa maîtresse madame de Montbazon mais aussi en donnant en mariage à son frère,
le duc de Mercœur, l'une de ses nièces, Laure Mancini. Mazarin joue ainsi de la
rivalité entre les Condé et les Vendôme.
À l'automne 1649, le pouvoir risque de tomber entre les
mains de l'une ou l'autre des factions. Les incidents se multiplient comme les
coups de feux essuyés par le carrosse de Condé le 11 décembre qui donnent lieu
à une vaine procédure juridique à l'encontre de Beaufort et du coadjuteur. Les
relations entre Condé et Mazarin sont de plus en plus tendues. Ces jeux de
clientèles renversent les alliances : en janvier 1650, par l'entremise de
la duchesse de Chevreuse, quelques-uns des chefs de la vieille fronde (Gondi,
Vendôme, Beaufort, le marquis de Châteauneuf) se rallient secrètement au
pouvoir royal contre le prince de Condé et sa famille dans laquelle la duchesse
de Longueville joue le rôle de tête politique
La politique de rapprochement avec quelques anciens
frondeurs menée par Mazarin se fait contre la famille de Bourbon (Condé, Conti
et leur beau-frère Longueville, époux de leur sœur). Ce retournement ouvre une
nouvelle phase d'agitation appelée Fronde des princes.
L'arrestation des princes de Condé et de Conti et de leur
beau-frère le duc de Longueville est un véritable coup de théâtre
(18 janvier 1650). Ils sont emprisonnés au château de Vincennes.
L'événement provoque le soulèvement de leurs clientèles et par conséquent,
celui de leurs provinces. C'est le début de la Fronde princière. Madame de
Longueville se rend en Normandie mais échoue dans sa tentative de soulèvement.
Elle rejoint Turenne à Stenay après un détour par Bruxelles. Turenne envisage
de marcher sur Vincennes. Mazarin transfère alors les prisonniers au donjon de
Marcoussis. De leur côté, le prince de Marcillac (futur La Rochefoucauld ) et le
duc de Bouillon agitent le Poitou et le Limousin avant de rejoindre le
Bordelais. En effet, la princesse de Condé pousse le Parlement de Guyenne à
s'opposer une nouvelle fois au gouverneur d'Épernon.
Pendant toute l'année 1650, Mazarin va essayer d'éteindre
les foyers de guerre en province. Le régente et le jeune roi l'accompagnent
pour bien marquer de quel côté se situe la légitimité. Paris est confié à
Monsieur, en tant que lieutenant général du Royaume; il est chargé de
neutraliser les anciens frondeurs. Mazarin compte surtout sur Le Tellier et
Servien pour le conseiller. En février, les troupes royales sont en Normandie,
qui se soumet facilement. De passage à Paris, Mazarin, harcelé par ses nouveaux
alliés, est contraint le 3 mars de remplacer Séguier par Châteauneuf au poste
de Chancelier. Mazarin repart immédiatement pacifier la Bourgogne (mars-avril).
Mais chaque passage par Paris (mai) l'amène à céder de nouveaux avantages aux
Vendôme, Beaufort, Gondi. Il n'est pas fâché de repartir en juin à Compiègne
au-devant des menaces de Turenne, allié aux Espagnols; puis pendant l'été
d'entreprendre l'expédition de Guyenne.
À Bordeaux, l'affaire est plus sérieuse. Le Parlement est
aux prises avec son gouverneur d'Épernon et a de fréquents échanges avec le
Parlement de Paris. Le 2 juin, la jurade est contrainte d'accueillir la
princesse de Condé et son jeune fils, le duc d'Enghien, les ducs de Bouillon,
de La Rochefoucauld
et leurs suites. Il y a dans la région une concentration impressionnante de
rebelles. Le maréchal La
Meilleraye met le siège devant Bordeaux, mais contrairement à
Rouen ou Dijon, la Cour
n'est plus en position de force. Dans le même temps, à Paris, Gaston d'Orléans,
jusqu'à présent fidèle à la reine, sa belle-sœur, semble pencher vers la
compromission sous la pression de Gondi et intervient politiquement dans les
affaires de Guyenne en retirant le gouvernement à d'Épernon, ce qui enrage
Mazarin. De plus les Espagnols de l'archiduc Léopold-Guillaume ont repris
l'offensive en Picardie et appuient les actions de Turenne. Gaston envisage de
négocier une paix générale. Apprenant ces nouvelles, Mazarin s'empresse
d'accepter le compromis négocié par le Parlement de Paris : la princesse de
Condé, les ducs de Bouillon et de La Rochefoucauld sont libres de quitter Bordeaux qui
ouvre ses portes au jeune roi le 5 octobre.
Lorsque Mazarin est de retour à Paris (15 novembre), la
situation a de nouveau changé. Alors que Paris s'était retourné en faveur de la
monarchie au début de l'année 1650, des libelles circulent contre le cardinal
italien. Toutefois le duc d'Orléans se montre de nouveau coopératif et Mazarin
fait transférer les princes prisonniers au Havre, l'avancée de Turenne
constituant un risque de libération. Le 15 décembre 1650, l'armée des
princes est une nouvelle fois défaite à Rethel : Turenne, appuyé par
quelques troupes espagnoles, est vaincu par le maréchal du Plessis.
Cela n'empêche pas le Parlement et les anciens frondeurs de
se rapprocher des princes. Les parlementaires adressent des remontrances au roi
pour la libération de Condé, de Conti et de Longueville
(20 janvier 1651). Un traité secret est même signé, le 30 janvier
1651, entre Gaston d'Orléans, les frondeurs et les partisans des princes pour
obtenir leur libération et le départ de Mazarin.
Gaston d'Orléans rend publique sa rupture avec Mazarin le
2 février 1651. Les deux frondes s'unissent. Le Parlement réclame la
liberté des princes, ordonne aux maréchaux de n'obéir qu'à Monsieur, lieutenant
général du royaume (Gaston d'Orléans).
Mazarin s'enfuit de Paris le 6 février et se réfugie
provisoirement à Saint-Germain où Anne d'Autriche et le jeune roi devaient le
rejoindre. Un nouvel arrêt de bannissement du Parlement est promulgué. Le roi
et la reine sont retenus prisonniers au Palais-Royal et pour faire taire les
rumeurs d'une nouvelle fuite, Louis XIV (12 ans) est exhibé en train de dormir
devant la foule (nuit du 9 au 10 février 1651). Anne d'Autriche accepte de
libérer Condé, Conti et Longueville (retour triomphal le 16 février). Un
mariage entre le prince de Conti et mademoiselle de Chevreuse (la maîtresse du
coadjuteur de Paris) est projeté.
Mazarin court au Havre et libère lui-même les trois
prisonniers, geste dont il espère tirer un bénéfice. Puis il se réfugie chez
l'archevêque-électeur de Cologne, à Brühl. Il continue à intervenir par
d'intenses relations épistolaires avec Anne d'Autriche, Le Tellier, Servien et
Hugues de Lionne mais aussi grâce à des émissaires (comme l'abbé Zongo Ondedei,
ami du cardinal).
Le 15 mars, l'assemblée des nobles et l'assemblée du clergé
font une démarche commune auprès de la reine pour obtenir la réunion des États
généraux que la reine accepte de convoquer pour le 1er octobre sur les conseils
de Mazarin. Habilement la date choisie est postérieure à la prise de majorité
de Louis XIV (anniversaire de ses 13 ans) qui ne sera donc pas lié par la
décision de la régente. Mais déjà des fissures se font jour entre les coalisés :
le Parlement de Paris est opposé aux États généraux car il y voit une
limitation de son influence politique, la duchesse de Longueville s'oppose au
mariage de son frère Conti avec Mademoiselle de Chevreuse, Anne de Gonzague qui
est désormais passée dans le clan Mazarin noue et dénoue les intrigues, et
surtout l'exil de Mazarin obtenu, Gondi et Condé n'ont plus aucun intérêt à
s'unir.
Le 3 avril, le Parlement impose à la reine une déclaration
royale excluant les cardinaux des conseils du roi ce qui vise aussi bien
Mazarin que Gondi dont l'objectif est d'obtenir le chapeau. Condé n'a jamais
été aussi puissant et obtient même le renvoi (temporaire) de Châteauneuf, mais
son arrogance et ses multiples exigences détachent de lui les tenants de la
vieille Fronde.
Turenne et son frère, le duc de Bouillon, se rallient au roi
au mois de mai (Bouillon échange la ville de Sedan contre les duchés-pairies
d'Albret et de Château-Thierry). Les autres princes se brouillent avec les
parlementaires, le coadjuteur de Paris et Chevreuse. Anne d'Autriche négocie en
secret avec le prélat parisien qui espère toujours son chapeau de cardinal. Le
prince de Condé s'oppose à la reine et au coadjuteur. En juillet 1651, il tient
au château de Saint-Maur (où il s'est réfugié par crainte d'une nouvelle
arrestation) une assemblée de la noblesse. Le Parlement et Gaston d'Orléans
s'entremettent. La régente temporise et donne satisfaction à Condé en
congédiant Servien, de Lionne et Le Tellier le 18 juillet, mais continue de
négocier avec Gondi. Début août, elle conclut un accord secret avec la vieille
Fronde et dresse un acte d'accusation contre le prince. Pendant ces mois de
l'été les intrigues et renversements d'alliance se succèdent auxquels Anne
d'Autriche fait face avec un certain courage.
Le 7 septembre 1651 la majorité du roi est
proclamée. Condé n'a pas assisté à la cérémonie et a quitté Paris la veille. Le
lendemain 18 septembre Louis XIV appelle à son Conseil Châteauneuf, La Vieuville et Molé, tous
opposés à Condé.
Condé a d'abord été l'un des plus fermes soutiens de la
monarchie par aversion pour la
Fronde des parlementaires issus de la bourgeoisie parisienne.
Espérant être récompensé de sa fidélité, ses prétentions sont sans cesse
croissantes. Inquiet, Mazarin décide de l'arrêter. La clientèle du prince se
soulève et même après sa libération, il n'aura de cesse de lutter non contre
"son roi" mais contre "Mazarin" jusqu'en 1659.
Le 6 septembre 1651, le prince de Condé s'était retiré à
Trie-Château, chez le duc de Longueville. Il arrive le 22 septembre à Bordeaux
toujours agité par le Parti de l'Ormée[21], et rallie
à son nom toute le Guyenne. Il signe un accord avec les Espagnols (6 novembre
1651): il promet de livrer un port français, Bourg-sur-Gironde, contre
500 000 écus pour lever des troupes. À la fin de l'année, Condé contrôle la Guyenne (avec Bordeaux
comme point d'appui), la
Saintonge , l'Aunis, le Limousin, le Berry, la Provence du comte d'Alais
et la ville-pont de Stenay sur la
Meuse (pour une jonction avec les troupes impériales).
De son côté, la reine-mère, accompagnée du roi et de
Turenne, installe la Cour
à Poitiers afin de se rapprocher de la base de Condé (Bordeaux). Paris est
livrée au Parlement, à Jean-François Paul de Gondi, le coadjuteur, et à Gaston
d'Orléans. Le désordre est total puisque les Parisiens mettent au ban du
royaume les Condéens d'une part, et à prix la tête de Mazarin d'autre part (150 000 livres
tournois), le 29 décembre.
Les troupes royales libèrent d'abord la Champagne menacée par
les Impériaux, puis s'occupent de Condé et le neutralisent. Il est battu par le
comte d'Harcourt à Cognac (15 novembre 1651) et en Guyenne (hiver
1651-1652). Au printemps, la
Guyenne est perdue pour Condé. Il se dirige alors vers la
capitale avec un petit groupe de fidèles dont La Rochefoucauld. Il
prendra alors la direction des troupes réunies aux Pays-Bas par le duc de
Nemours et celles confiées au duc de Beaufort par Gaston d'Orléans.
Le 12 décembre 1651, un ordre formel de Louis XIV rappelle
Mazarin. Il rejoint la Cour
à Poitiers le 30 janvier 1652, ce qui entraîne le retrait volontaire de
Châteauneuf. En février, la Cour
décide de marcher sur Paris déserté par l'Administration royale, puisque Molé,
devenu garde des Sceaux, et le surintendant Vieuville ont, sur ordre d'Anne
d'Autriche, quitté la capitale désormais aux mains du Parlement (en théorie
sous les ordres de Gaston d'Orléans, lequel subit l'influence de Gondi, qui,
ayant enfin reçu le chapeau prend le nom de Cardinal de Retz).
C'est le 27 mars 1652 qu'a lieu l'intervention pittoresque
de la Grande
Mademoiselle à Orléans, apanage de son père. Elle s'introduit
dans la ville et ferme les portes aux troupes royales qui doivent ainsi
contourner la cité.
Les troupes réunies par Condé en profitent pour harceler
l'arrière de l'armée royale. Mais à Bléneau, le 7 avril 1652, Turenne
parvient à retourner la situation. Découragé par cet échec, Condé se réfugie le
11 avril dans la capitale accompagné de Beaufort, Nemours et La Rochefoucauld. Alors
que le Parlement observe une stricte réserve, Gaston d'Orléans prend le parti
de Condé. Gondi qui n'aime pas Condé se retranche dans l'archevêché.
Article connexe : Bataille de Bléneau.
Turenne harcèle l'armée de Condé en Beauce, combat autour
d'Étampes en mai et occupe Villeneuve-Saint-Georges pour couper Condé des
Lorrains de Charles IV venus secourir le prince (2 au 15 juin).
Elle joue un rôle prépondérant durant
Autour de Paris, les troupes royales et celles de Condé se
livrent finalement à une guerre d'escarmouches. L'armée royale assiège Paris,
Condé tente de libérer la ville. Le 2 juillet, alors qu'un combat se déroule
dans le Faubourg Saint-Antoine et que l'armée condéenne est acculée, la grande
Mademoiselle fait donner le canon sur la cavalerie royale et sur les hauteurs
de Charonne, d'où Louis XIV et Mazarin observaient l'action. Cet épisode du
canon de la Bastille ,
permet aux dernières troupes de Condé de trouver refuge dans la ville. Il y
fait régner la terreur: l'Hôtel de ville est brûlé et une trentaine d'édiles,
devenus favorables au roi parce qu'ils souhaitent la fin du siège, sont
massacrés par des soldats déguisés en ouvriers (4 juillet 1652 dite la Journée des pailles).
Le Parlement
déclare Gaston d'Orléans lieutenant général de l'État (20 juillet).
Pourtant, seul le menu peuple reste brousseliste et condéen.
Les notables de la ville aspirent à un retour au calme. Le roi convoque le
Parlement hors les murs, à Pontoise où il siègera du 7 août au 20 octobre (il y
a alors deux parlements, celui du roi et celui de Condé). Pour répondre au vœu
des parlementaires de Pontoise, désireux d'enlever tout prétexte de révolte à
ceux de Paris, Mazarin fait mine de s'exiler à nouveau le 19 août. Il se rend à
Château-Thierry ; de là, il gagnera Bouillon.
Condé est de plus en plus isolé; ses partisans l'abandonnent
progressivement. Gondi négocie directement avec Louis XIV. La formation d'un
parti déterminé à ramener l'ordre à Paris permet une manifestation devant le
Palais-Royal le 24 septembre 1652, entrainant la démission de la municipalité
rebelle de Broussel. Condé quitte Paris le 13 octobre, suivi des frondeurs les plus
compromis.
Le 21 octobre 1652, Louis XIV entre triomphalement
à Paris. Il s'installe au Louvre.
La déclaration royale du 12 novembre 1652 déchoit le prince
de Condé de ses dignités et gouvernements (le 27 mars 1654, un arrêt du
Parlement le condamne à mort). Après la Fronde , il continue de vivre en exil pendant sept
ans (octobre 1652-novembre 1659), participant à la Guerre franco-espagnole,
même s'il estime ne pas être hostile « à son roi » mais « au
Mazarin ». Ce n'est qu'en 1659, alors que celle-ci tourne de plus en plus
à l'avantage de la France ,
qu'il s'en remet à l'indulgence du roi. Une clause du traité des Pyrénées lui
permet de recouvrer ses titres et ses biens.
Le 27 janvier 1660, à Aix, il se jette aux pieds de Louis
XIV avant de recevoir des lettres d'abolition en sa faveur et celle de ses
compagnons. Quant à son frère, le prince de Conti, il a également continué la
lutte après l'entente qui se dessinait en octobre 1652. Déclaré coupable de
lèse-majesté, il baisse les armes en signant la paix à Pézenas, le 20 juillet
1653. Ce traité met définitivement un terme à la Fronde des Princes. Il se
dépouille de ses bénéfices ecclésiastiques et accepte d'épouser la nièce de
Mazarin, Anne-Marie Martinozzi en 1654. La Fronde bordelaise de l'Ormée prend fin en juillet
1653.
Gondi, qui avait été fait cardinal de Retz le 21 septembre
1651 par le pape Innocent X, est jeté en prison au château de Vincennes le 19
décembre 1652, puis à Nantes. Il s'évade en 1654 pour gagner Rome.
Gaston d'Orléans est invité à se retirer au château de
Blois, où il finira sa vie.
La duchesse de Longueville ne connait pas la disgrâce. Des
lettres patentes d'avril 1653 confirment le rang de son mari entre celui de
prince du sang et celui de duc et pair. Veuve en 1663, elle se retire du monde
et devient une figure importante de Port-Royal. En revanche, la Grande Mademoiselle
reçoit un ordre d'exil (21 octobre 1652). Elle part au château de Saint-Fargeau
avec ses amies frondeuses (madame de Fiesque, madame de Frontenac). Elle y
demeure jusqu'en 1657 et entreprend d'écrire ses Mémoires, qui restent selon
l'historien François Bluche « l'un des témoignages les plus riches sur la
cour et sur la sensibilité féminine au XVIIe siècle ».
Concernant la
Robe parisienne, un lit de justice triomphal, tenu au Louvre
et non au Palais, interdit aux magistrats de « prendre aucune connaissance
des affaires de l'État ». Pour finir, Mazarin rentre à son tour le
3 février 1653 sous les applaudissements des Parisiens qui l'avaient
tant décrié dans de scabreuses mazarinades.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fronde_(histoire)
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